Rendez-nous nos Maliens
« C’est triste parce que ce sont des jeunes sans histoire qui travaillent dans une usine où bien des Français refusent d’aller, prétextant que c’est trop dur. En plus, ils envoient de l’argent à leurs familles restées là-bas. Ils font vivre des dizaines de personnes avec leur travail », estime une retraitée qui, flânant devant la mairie, résume le sentiment général. Depuis dix jours, date de leurs arrestations, de réunion publique en réunion publique, les rangs de leurs partisans ont grossi. Samedi dernier, une manifestation a réuni quelque huit cents personnes.
[Le Figaro : “Un village breton veut garder ses sans-papiers”.]
À Montfort, grosse bourgade de 6 500 habitants, la nouvelle de l’interpellation de ces Maliens à qui l’on reproche fausses cartes de séjour ou usurpations d’identité a fait l’effet d’une petite déflagration. Silhouettes familières de la vie locale, ils étaient inscrits au club de foot ou suivaient des cours d’alphabétisation. Les commerçants ont réagi les premiers avec tracts et pétition. « Ils étaient discrets, polis, très gentils, ils travaillaient dur pour aider leur famille en Afrique, ils sont comme nous, point barre », lancent Jean-Jacques et Françoise, fleuristes dans la rue principale. Il y a dix jours, lors de l’office dominical, le curé a invité ses ouailles à s’associer à toutes les initiatives de soutien. Le maire, Victor Préauchat, souligne « un comportement irréprochable » et a multiplié les démarches, en vain. La population de Montfort s’est montrée d’autant plus choquée que la procédure s’est révélée expéditive. Dispersés dans différents centres de rétention, à Rennes, Toulouse ou Melun, les tribunaux ont confirmé les arrêtés d’expulsion en quelques jours. Douze de ces Maliens ont été regroupés à Paris, dix ont été remis provisoirement en liberté et l’un d’eux a été renvoyé à Bamako. Sa compagne bretonne est enceinte de quatre mois. [Libération : “Rendez-nous nos Maliens”.]
Ah, la Bretagne… là où le premier (et unique) maire noir de France métropolitaine, Kofi Yamgname, avait été élu dans un petit village du Finistère. La Bretagne ne nous a pas donné que Jean-Marie Le Pen…
Tantad
C’est aussi en Bretagne qu’avait été élue la première femme maire en France.
mich"
Je cite : « Ils étaient discrets, polis, très gentils, ils travaillaient dur pour aider leur famille en Afrique, ils sont comme nous, point barre ».
Évidemment, des pas-comme-eux, ils n’en veulent pas…
mich"
Kofi Yamgname a aussi été député de la 6ème circonscription du Finistère en 1997. Le premier député noir métropolitain ?
zerchauve
nan y a eu michel avant, désolé.
Ankou
Pour être plus objectif, ceux qui ont été expulsé avaient de faux papiers d’identités sur eux. Un malien possédant un passeport avec visa est resté en France et y restera car en règle. Donc, pour vous, posséder de faux papiers n’est pas un problème? Tricher avec la République n’est pas un problème? Surtout qu’ils auraient eu leurs papiers si ils avaient suivi les démarches normales car on a besoin de travailleurs dans cette usine, et dans ce village. Ils ont triché et menti, ils en payent les conséquences. Qui ne sont pas irréversibles car ils pourront redemander un visa au Mali, qu’ils auront toutes les chances d’avoir vu qu’ils auront un travail, un salaire et un logement qui les attendent en France.
Bladsurb
@Ankou : revenir rapido, après une expulsion ? Pas bien certain : “Je souhaite que celui qui a été reconduit dans son pays ne puisse pas obtenir un titre de séjour en France pendant les 5 ans qui suivent.” Dans 5 ans, le boulot ne les attendra peut-être plus.
Ankou
@Bladsurb : le discours date du 9 mars 2007, le parlement a terminé sa session depuis fin février. Grosso modo, tu prends un discours de campagne, et tu en fais une loi alors qu’elle n’a pas été votée. Faut pas pousser mémé dans les orties…
Ensuite, je n’ai pas dit “revenir rapido”, il risque d’y avoir un certain laps de temps, le temps de faire ce visa qu’ils ont falsifié justement. Mais connaissant du monde dans le coin, je peux te dire que les besoins de cette usine va en augmentant dans le temps. Plus aucun breton ne veut faire ce travail dans les abattoirs, la part d’étrangers ne pourra qu’augmenter.
Mais la justice veut qu’on punisse les tricheurs, et aux dernières nouvelles, l’usurpation d’identité et la falsification de papiers n’est pas un délit mineur. Enfin c’est ma vision de la justice, peut être pas la votre.
Eolas
@Ankou : Le malien qui avait un visa n’était pas en règle pour autant. Le visa ne donne pas le droit de travailler, et n’est valable que trois mois, or ce monsieur était en France depuis 5 ans. Son visa avait nécessairement expiré.
Quant à l’argument de “Mon dieu, ils ont triché”, quand les règles du jeu sont : “A tous les coups, vous perdez”, c’est normal qu’ils trichent. Croyez vous qu’ils aient jamais eu la moindre chance d’obtenir un titre de séjour leur permettant de travailler, s’ils l’avaient demandé, quand bien même leur employeur aurait supplié la préfecture de leur donner une carte de séjour ? Et non, la préfecture leur aurait opposé la situation de l’emploi. IL y a des chômeurs dans le bassin d’emploi, pas de papier pour les Maliens. Et oui, la préférence nationale existe en France depuis longtemps. Ca ne date pas de Sarkozy, mais de Mitterrand.
Le seul qui pourra être régularisé, c’est celui devenu père d’un enfant français. Et encore, il y a des conditions très strictes (article L.313-11 du CESEDA). Car quand un Français est fils d’un étranger, il n’est pas sûr d’avoir le droit de grandir près de son père. La voilà la loi française. Et vous ne voudriez pas qu’ils trichent ??
zerchauve
ca commence a devenir pointu niveau droit, faudrait peut etre appeler Daniel Glazman ! (il a étudié le droit constitutionnel il devrait pouvoir nous éclairer !)
Mickaël
@Ankou : ne croyez-vous pas que le problème réside, à l’inverse, dans une République qui considère que 23 maliens qui travaillent depuis 5 ans comme salariés dans un abattoir représente un problème, parce qu’il leurs manquerait des papiers ? De quoi avez-vous peur ? Qu’ils fassent la loi dans nos foyers ? Qu’ils boivent tout notre chouchen ?
laurentj
@zerchauve : parce qu’il est question de droit constitutionnel ici ?
@mickael :
Oui ! Pas touche à notre chouchen ! :-) Tiens d’ailleurs, c’est peut être à cause du chouchen qu’il n’y a plus de Bretons voulant travailler dans ces usines :-)
Ankou
@eolas : Plus personne ne veut travailler dans les abattoirs, le travail est trop dur. Le patron de l’usine aurait signé une promesse d’embauche sans problème, et compte faire travailler de + en + d’étrangers, à défaut de bretons. Votre affirmation du refus systématique du préfet pour les demande de carte de séjour m’étonne, mais si vous l’affirmez, je vous crois. Le député de la Circo affirme que “l’entreprise va constituer un dossier d’introduction de main d’oeuvre étrangère en France, et la préfecture a pris l’engagement de faciliter et accélérer ce retour”. Donc la procédure existe, mais apparemment elle ne sert à rien d’après vous, à cause de la préfecture. C’est dommage, on en a besoin en Bretagne, pour faire tourner nos usines agro-alimentaires.
Mais j’avoue que c’est stupide, on les renvois pour les faire revenir. Autant les régulariser d’office. Mais du coup, cela ne sert à rien de voter des lois pour ne pas les appliquer. D’un point de vu du droit, un malien sans enfants, célibataire, ayant falsifié ses papiers d’identité a des chances de rester en France? Ou il y a des circonstances dans le droit qui font que cela ne peut se faire? Comme la durée 5ans, ou la très bonne intégration des personnes?
@mickael : Ce qui me gêne, c’est qu’ils ont falsifié leurs papiers, pas le fait qu’ils soient étrangers ou qu’ils travaillent. La boite croyait qu’ils étaient en règle, et était entièrement satisfait d’eux. En plus, ils faisaient un métier très dur. Mais le fait qu’ils aient menti ne vous gène pas? Il existerait (conditionnel de mise au vu du commentaire de Maitre Eolas sur son efficacité) une démarche officielle, eux l’ont contourné. C’est cela qui me gène, si il y a des règles, il faut bien les respecter, et se faire sanctionner si on y déroge.
@laurentj : les maliens travaillaient dans un abattoir, l’un des pires métiers que je connaisse. Ils sont courageux d’y travailler. Et, rien à voir, j’espère bien qu’ils ont gouté aux spécialités locales :)
Eolas
@Ankou : L’employeur pourrait signer toutes les promesses d’embauche qu’il veut. Le préfet ne refuserait pas, il n’examinerait même pas les demandes.
La procédure veut qu’on commence par un visa long séjour demandé dans le pays d’origine (même quand on est déjà en France), c’est là que la promesse d’embauche est nécessaire. L’employeur doit s’engager à verser une redevance à l’ADAEM, ex OMI, de l’ordre de 1500 euros. L’étranger est soumis à son arrivée à une visite médicale facturée 50 euros avant la délivrance du permis de travail. Dans le meilleur des cas, ça prendra six mois. Dans le pire, un ou deux ans.
Ajoutons que le rapatriement des Maliens sera financièrement assumé par le contribuable (plus les billets des deux policiers qui escorteront chacun d’entre eux), le retour étant à leurs frais.
Et pendant ce temps, l’abattoir, il tourne comment ? Les cochons doivent se suicider ?
Un malien célibataire sans enfant ayant falsifié ses papiers et qui se fait prendre n’a aucune chance de rester en France, sauf s’il me prend pour avocat.
Et je suis entièrement d’accord avec vous : inutile de voter des lois si c’est pour ne pas les appliquer. Alors cessons de voter des lois inapplicables, ou absurdes au point de paralyser une entreprise en la privant de 23 salariés du jour au lendemain, faire supporter au contribuable le prix de 69 billets Paris Bamako, pour qu’ils puissent demander le formulaire Machin, afin que leur entreprise paye 23 fois 1500 euros pour qu’ils aient le droit de revenir pour que la boite puisse à nouveau tourner, et surtout de s’offusquer qu’ils préfèrent, à la place de cette magnifique démonstration de ce que c’est qu’un Etat de droit, utiliser la carte de résident achetée à un compatriote plus chanceux qu’eux.
ouinon
« là où le premier (et unique) maire noir de France métropolitaine, Kofi Yamgname, avait été élu dans un petit village du Finistère. »
Oui mais quand on a un nom de dessert breton, c’est plus facile ;-)
Laurent
Je ne vois qu’une solution, envoyons Eolas à Montfort-sur-Meu…
Matt
@Eolas: je ne comprends pas: à te lire, il est impossible pour un étranger de venir travailler en France, que l’on soit patron de multinationale ou eboueur, jaune, blanc ou noir… Ou est ce que les lois actuelles ciblent precisement des pays à forte emigration, Mali ou autre? Cela m’interesse particulierement car ma compagne est etrangere, nous envisageons de revenir en France, et, à l’inverse de notre hôte, je ne suis pas un grand fan du mariage…
Ankou
@Maitre Eolas : je m’incline, j’ai eu la bêtise de ne pas assez rechercher les conditions d’application du visa long séjour. La visite médicale peut être faite au Mali, via un médecin agréé, pour gagner un peu de temps. Par contre, j’ignorai que l’entreprise devait verser 1.500€. Ma source sur le net n’en parle pas et date un peu. Il est vrai que je n’ai pas eu le courage de nager dans les sites de droit type légifrance. Mais je prends note de ces contraintes assez absurdes.
Mais je bloque toujours sur le fait d’avoir falsifié des papiers. Je comprends mieux vu les conditions d’application du visa de travail. Mais je bloque, il faudrait trouver une peine adaptée, car pour moi il y a eu une faute, même si elle a été faite sans mauvaise intention ou malveillance. Une peine avec sursis n’est pas possible? Ou dans ce cas, c’est du tout ou rien?
L’abattoir sera prêt à avancer ces 1500€, enfin je pense, car l’absence de ces 23 maliens à fait baisser la productivité de l’abattoir de manière sensible. L’abattoir continuera à tourner, mais moins vite, ne vous en faites pas pour les cochons, ils y passeront quand même.
Petite question, pourquoi 69 billets aller Paris bamako? les policiers ne reviennent pas en France ou c’est à leur frais? Là, ça serait mesquin venant de l’Etat.
Plus sérieusement, si j’ai bien compris, le droit au visa long séjour est trop contraignant. Surtout pour les travailleurs manuels. Il faudrait mieux manifester pour assouplir un peu ce droit que manifester juste pour montrer sa solidarité. En revanche, la presse (étonnamment) n’a pas fait son travail, n’a rien expliqué concernant le visa long séjour (qui me paraissait plus simple), ce qui aurait pu aider à faire un débat un peu plus constructif que le coté émotionnel mis en avant.
Blah ? Touitter !