J’avais été prévenu que la présence des SDF était quelque chose d’énorme, pour un regard d’Européen, mais j’avais sous-estimé la chose. « Quoi, des sdf, on en a plein, à Paris, je vois pas le problème ! ». Mais là je le voyais. Ce n’était pas un SDF mais cinquante, cent, un tous les cinq mètres, poussant son chariot, le corps couvert de gale. La plupart étant des malades mentaux avant d’être sans domicile, le système de soin ne prenant plus ces souffrants psychiatriques car ils n’ont rien pour payer, nous les retrouvons dans la rue, un peu partout, parlant à voix haute, se déshabillant, mangeant par terre, quémandant (rarement) une piécette aux touristes ou, alignés par terre contre les grillages des boutiques fermées (charmante rue menant à l’hôtel), nous les dépassons, une vingtaine, parlant fort et ne se souciant pas de nous. Mais tout de même. J’ai détesté. Détesté. Ca m’a cassé mon rêve à moi que je me faisais de la ville, une image d’Epinal gay alliant l’hédonisme, la joie de vivre à la Californienne, un certain paradis pour les homosexuels et, aussi, un endroit où je me sentirais de suite bien. Il paraît que SF était la « ville favorite de tout le monde ». Pas la mienne, de prime abord.
Le centre ville étant l’endroit où tous les services sociaux se concentrent (soupe populaire, assistance médicale, RMI), la cohorte de SDF passe d’un point à l’autre jour et nuit, toute l’année, pour y trouver un peu de quoi vivre et tenir une journée de plus. Image sidérante d’une Amérique qui crève la faim que nous n’avions pas vu ailleurs, dans nos pièges à touristes fascinants visités depuis deux semaines. Manger un hamburger en étant observé, de l’autre côté de la vitre, par un noir galeux en bonnet miteux, à moitié nu, bavant autant de faim que de folie, à quelques mètres de mon hôtel, non, décidément non, pour la dernière fois, ce n’était pas l’image que je voulais avoir de SF.
[Ron l’infirmier : “Soirée Diapo (11)”.]
karl, La Grange
Une langue ne vît que par sa pratique. La pratique n’existe que parce que des groupes s’approprient la langue et éventuellement la modifie. :)
Comme c’est un beau sujet à polémiques, poursuivons un peu. On ne fait pas du tort à une langue en la modifiant. Parler de « troll » à la place de provocation ne fait pas plus de dommages que des expressions toutes faites tirées de la télévision « On se lève tous pour … »
Une langue vivante relève du domaine de l’inceste. Les mots vivent dans la bouche des poètes qui en sont les premiers bourreaux.
retour2rop
Karl, je serais honoré si tu venais commenter mon article que tu ne sembles pas avoir lu.
Tu écris:
“On ne fait pas du tort à une langue en la modifiant.”
Une langue n’est pas un être vivant. On ne peut pas lui faire de tort. Mais une langue peut très bien s’appauvrir et réduire les horizons de ceux qui la parle. À ton avis, le joual nous enrichit ou nous appauvrit?
karl, La Grange
Je vais répondre.
Blah ? Touitter !