Le journalisme à la française, ça consiste à se procurer des scoops, des informations inédites. Pour cela, tout est bon : violation du secret défense, du secret de l’instruction, du droit à la vie privée. Par contre, analyser, trier, expliquer, mettre en perspective, c’est secondaire.
Pour moi, le vrai journalisme, c’est celui qui est capable d’analyser correctement les informations, celui qui sait expliquer ce qui est derrière les faits, qui est capable de les hiérarchiser, d’éliminer ceux qui ne sont pas significatifs.
[Authueil : “Le journalisme à la française”.]
Je ne sais pas si cela va s’améliorer avec les nouveaux médias du Web, animés par des journalistes parfois aigris de la presse papier et audiovisuelle, dont la promesse plus ou moins explicite est de “vous dire ce que les médias traditionnels ne vous diront pas” pour des raisons d’intérêts bien compris et autres copinages. Pour ces nouveaux projets, la faiblesse des moyens n’est pas le moindre des handicaps… (Pensez couverture internationale ou service de documentation, par exemple.)
Le lieu d’une information de référence et d’une culture journalistique renouvelée. L’information de référence se définit par quatre mots, trop oubliés : la qualité, l’indépendance, la pertinence, l’exclusivité. Elle suppose de remettre à l’honneur un genre trop délaissé et injustement décrié : l’enquête, avec ses découvertes, ses surprises, ses révélations inédites. Elle suppose aussi de trier, de choisir, de hiérarchiser, tant trop d’informations finit par étouffer l’information pertinente. [Le projet de Mediapart.]
L’affaire de la Société Générale est l’occasion d’une belle vague de “journalisme-bashing”…
Conclusion un peu triste : pour suivre une affaire franco-française, mieux vaut lire la presse étrangère. [Radical Chic : “5 milliards pour la presse !”]
Olivier Monnot, la plume derrière L’Observatoire des blogs francophones, est un ami. C’est aussi un mec bien, qui s’investit bénévolement dans la vie locale au service des autres. Déjà pompier volontaire, il est maintenant sur une liste des éléctions municipales de l’île de Bréhat.
Et, bien entendu, il y a un blogue : “Liste Avenir de Bréhat - Élections municipales des 9 et 16 mars 2008”.
À Bréhat, île de 400 habitants, ni droite ni gauche, les enjeux sont la réfection de l’école ou l’entretien des sentiers…
Ségolène Royal “choquée par le scandale de la Société générale”, a demandé vendredi à Chartres “que les 7 milliards d’euros soient remboursés aux familles qui sont plongées dans l’endettement”. [Désirs d’avenir.]
Peut on dire de telles énormités et être candidat à la présidence de quoi que ce soit ? Je dois dire que je suis sidéré ! [Yves Duel : “Royal connerie sur la SocGen”.]
Remboursés en quel honneur, on se le demande. Remboursés par qui, on se le demande… Par les intervenants sur le DAX qui ont gagné plein de pognon grâce à la SocGen ?
Il remet encore ça !
[Reuters] - Le président Nicolas Sarkozy estime que l’Union européenne a eu tort de renoncer à mentionner les racines chrétiennes de l’Europe dans le projet de Constitution rejeté par la France en mai 2005.
“Ce fut une erreur de tourner le dos à notre passé et de renier d’une certaine façon des racines qui sont évidentes”, a déclaré le chef de l’Etat lors d’une convention de l’UMP sur l’Europe. “Qu’on ne vienne pas nous dire qu’on remet en cause la laïcité”, a-t-il ajouté, en présence de la chancelière allemande Angela Merkel. “Il suffit de survoler la France pour voir son long manteau d’églises”.
Pour le président français, “dire qu’en Europe il y a des racines chrétiennes c’est simplement faire preuve de bon sens. Renoncer à le dire, c’est tourner le dos à une réalité historique”.
Sinon, et c’est totalement hors-sujet, personne n’a encore trouvé mon quizz musical n° 3. Vous m’avez habitué à mieux que ça.
Olivier G.
L’exclusivité ? Tiens donc…
koz
Il est vrai que Mediapart, pour son scoop de lancement, s’est empressé de fouler aux pieds un principe dont la violation n’est devenue aussi flagrante que depuis l’affaire Clearstream : le secret de l’instruction.
Et hop, la publication du texte intégral d’un PV d’audition…
Pour ce qui est d’avoir des principes que la presse écrite n’aurait pas, on repassera.
Yves Duel
je viens de finir “Notre métier a mal tourné” de Philippe Cohen et Elisabeth Lévy ; à mettre entre toutes les mains. Excellent analyse des dérives actuelles, mais aussi les potentialités. De l’info de qualité, c’est faisable —même sur le Net !
Eolas
Le même problème se pose à chaque fois qu’une affaire apparaît dans un contexte technique compliqué. Les journalistes, qui n’ont pas la formation idoine, sont largués, mais doivent quand même fournir une analyse. Donc disent n’importe quoi, ou pire : cachent leur ignorance sous le masque de l’idéologie (qui a dit “Marianne” ?)
Nicolas Demorand a eu hier l’honnêteté de reconnaître l’impuissance des journalistes à comprendre et donc à expliquer exactement ce qu’a fait ce trader. Et rend hommage aux blogs qui fournissent des explications d’une technicité pointue tout en étant clairs. Là, ils ajoutent une vraie plus-value, une fois le tri effectué.
Et si c’était ça, la vraie relation blogs - journalistes ? Des experts face à des passeurs ?
Nicolas
Je plussois le maestro. Dans l’idéal, les journalistes devraient, face à un domaine qu’ils ne connaissent pas, rechercher l’avis d’une personne qui connait réellement la chose. Mais bon du coup se pose la question de séparer les bons des mauvais experts.
Personnellement j’attends toujours que l’on m’explique comment il est possible d’insérer dans un système bancaire des transactions fictives sans violer toutes les règles de bases de la comptabilité.
Pour moi il y a un énorme aveux de la part de la SocGen que leur SI est pourri jusqu’à la moelle.
Laurent Gloaguen
@Eolas : “L’apport des blogs d’experts dans l’affaire de la Société Générale”.
mry
les journalistes nous prennent aussi parfois pour des cons
Laurent Gloaguen
@Mry : je ne sais pas si un chroniqueur gastronomique entre dans la catégorie journaliste, pas à mes yeux en tout cas.
Ombre
Société Géniale
raph
Eolas “Et si c’était ça, la vraie relation blogs - journalistes ? Des experts face à des passeurs ?”
Ben, euh, évidemment, que c’est ça. Le boulot de journaliste c’est savoir où aller chercher l’info, pas être omniscient. Et les blogs, c’est effectivement bien pratique pour trouver des sources.
tardif
Les journalistes français ont peut-être aussi trop le culte du scoop et une mentalité de justicier, alors qu’ils n’ont pas réellement les moyens de réaliser des enquêtes approfondies (ces moyens manquants ne sont pas seulement financiers d’ailleurs, dans un pays où l’Etat est si secret)…
Peut-être gagneraient-ils à un peu plus de modestie dans leur objectifs professionnels : des faits, des faits, des faits, éventuellement un commentaire. Et pas l’inverse, comme c’est bien souvent le cas. Et je ne parle pas des commentaires sur les commentaires, qui sont aussi une vacuité bien française. On se donne pour modèle le fameux journaliste d’investigation à l’américaine, mais en réalité on ne rêve que d’être éditorialiste !
Et puis aussi, je ne suis pas le premier à le remarquer, avec le net, c’est tout le régime de l’information qui est bouleversé: l’information n’est plus “quelque chose que l’on veut cacher”, elle est devenue, comme dit Patino, le patron du monde.fr, “plus rare encore : quelque chose que le torrent médiatique n’a pas submergé”.
Les journalistes seraient peut-être bien inspirés d’en rabattre sur leurs ambitions politiques et littéraires, et de s’occuper de leur vrai travail : trier, sélectionner, hiérarchiser les informations en fonctions des demandes de tel ou tel public, et puis documenter, compléter, éclairer, mettre en perspective cette information pour aider à la comprendre.
C’est peut-être moins glorieux, en tout cas moins flatteur pour l’égo, mais c’est un travail besogneux qui répond à une véritable nécessité, dans un monde où trop d’info tue l’info. Sinon, on peut aussi laisser Google faire ce travail à la place des journalistes…
tardif
Tiens un bien bel exemple de vacuité journalistique française dans Le Monde aujourd’hui… Un journaliste commente les propos d’un journaliste interrogeant des journalistes au sujet de ce qu’ils pensent de Sarkozy. Ça me donne le tourni !
Guillermito
Une lecon d’éthique et de morale bloguesque par Mry, c’est tres touchant. “Oh, c’est si Mal d’etre malhonnete avec ses lecteurs, vraiment”. Ca doit etre un homonyme du Mry qui parlait, avec une assurance qui sentait nettement l’expérience vécue, “du publi-rédactionnel déguisé (très rémunérateur)”.
karl, La Grange
@Eolas: En fait cela se passe déjà dans la presse traditionnelle. Lorsque qu’une spécification est publiée, le journaliste contacte différentes personnes pour avoir une information. J’ai répondu par exemple à quelques questions pour la publication de HTML 5 dans le cadre du W3C.
Comme vous le soulignez, il serait intéressant d’avoir un peu plus une symbiose efficace entre experts et journalistes (blogs ou presse). Un peu comme partout, il y a de bons professionnels et de moins bons. La photo de Simone de Beauvoir récemment est un bon exemple. Certains journalistes n’ont pas pris la peine de citer adéquatement la source de leurs informations. C’est dommage.
Yves Duel
@Eolas : tu as d’autant plus raison que ça fait partie des qualités d’un bon journaliste que de n’être pas (trop) spécialisé ; sinon il perd le contact avec les lecteurs…
Je n’ai jamais lu plus chiant que des “experts” parlant (ou écrivant) sur leur domaine d’expertise dans des journaux grand public !
Blah ? Touitter !