Bon grain encarté, ivraie électronique
Dans la rubrique “journalisme, citadelle assiégée, profession sans définition fixe ni compétences définies”…
Attendu :
- que les nouveaux moyens de communication comme Internet permettent aux citoyens, entreprises et groupes de pression d’avoir un accès facile à la place publique
- qu’il devient de plus en plus difficile pour le public de distinguer les journalistes professionnels des autres communicateurs
- que le respect des règles de déontologie est la seule chose qui distingue les journalistes professionnels des citoyens et autres communicateurs
- que l’information produite dans le respect des règles de déontologie des journalistes a davantage de valeur et de crédibilité
- que la FPJQ a intérêt à s’afficher comme un exemple et un leader des meilleures pratiques professionnelles
- que la FPJQ a intérêt à définir elle-même les balises de la pratique du journalisme professionnel plutôt que d’attendre que les pouvoirs publics ou d’autres instances le fassent à sa place
- que les règlements généraux de la FPJQ reconnaissent que «la fonction de journaliste repose sur la vérification des faits, la rigueur du traitement et le respect de l’éthique et de la déontologie».
Il est proposé d’ajouter aux articles 2.01, 2.02 et 2.04 des Règlements généraux de la FPJQ un nouveau critère d’adhésion pour les membres :
Pour devenir membre de la FPJQ, un journaliste, ou une entreprise de presse, doit prendre un engagement moral à respecter le Guide de déontologie de la FPJQ. Cet engagement sera requis au moment de l’adhésion et/ou de son renouvellement.
[Fédération professionnelle des journalistes du Québec, “Résolution du conseil d’administration pour l’assemblée générale du 7 décembre 2008”.]
Traduction :
Attendu :
- qu’Internet permet à n’importe quel quidam de diffuser des messages à grande échelle, sans autorisation préalable, sans filtre, ni même impératif de faire de l’audience et l’argent qui va avec, qu’il s’agit d’une concurrence déloyale,
- que nous prenons le public pour des idiots qui ne sauraient pas identifier les émetteurs de messages, faute de labellisation claire, que certains communicateurs, heureusement encore rares, font un travail de meilleure qualité que la grande majorité de nos confrères,
- que nous sommes bien incapables de trouver la moindre chose qui distingue les journalistes professionnels des citoyens et autres communicateurs, à part le fait que nous sommes salariés par une entreprise de presse,
- que l’information produite par nos médias a de jour en jour de moins en moins de valeur et de crédibilité aux yeux du public,
- que la FPJQ n’a pas intérêt à s’afficher comme un exemple et un leader des plus mauvaises pratiques professionnelles qui ont cours actuellement,
- que la FPJQ déplore que les pouvoirs publics et autres instances n’engagent aucune mesure protectionniste pour nos culs,
- que les règlements généraux de la FPJQ reconnaissent que « la fonction de journaliste repose sur la vérification des faits, la rigueur du traitement et le respect de l’éthique et de la déontologie », ce qui ne la différencie en rien d’autres communicateurs et citoyens,
Il est proposé d’ajouter aux articles 2.01, 2.02 et 2.04 des Règlements généraux de la FPJQ un nouveau critère d’adhésion pour les membres :
Pour devenir membre de la FPJQ, un journaliste, ou une entreprise de presse, doit prendre un engagement moral à respecter le Guide de déontologie de la FPJQ. Cet engagement sera requis au moment de l’adhésion et/ou de son renouvellement.
Le journaliste, à trop se parer d’éthique et de déontologie, joue un jeu dangereux… Les citoyens pourraient le juger à la hauteur de ses engagements, c’est à dire avec encore plus de sévérité qu’aujourd’hui. À trop brandir la tarte, on risque de se faire entarter.
On efface tout : […]
1 - Les blogueurs n’existent pas
Finissons-en: un blog est un format, pas un contenu ni un métier. On ne dit pas des gens qui écrivent sur un tableau noir qu’ils sont des “tableaunoireurs”, de ceux qui griffonnent dans un carnet à feuilles quadrillées qu’ils sont des “carnetàfeuillesquadrilleurs” ni même des gens qui travaillent à la télévision des “télévisionneurs”, etc., etc. On ne peut pas plus opposer un blogueur à un journaliste qu’un tableaunoireur à un docteur en ethnographie. Pas rapport. Pomme et orange, etc. Donc, de qui parle-t-on quand on parle de blogueurs? Ou plutôt, de qui parlez-vous? De chroniqueurs? De cueilleurs et diffuseurs d’information? De recherchistes? De sources de nouvelles? De synthétiseurs de tendances? Devant cet embarras de définition, la fpjq n’exclut pas nommément les blogueurs mais tente de les définir par la négative comme étant “tous ceux qui ne sont pas journalistes”. Ça tombe mal parce que, comme on le disait,2 - Les journalistes n’existent pas non plus!
C’est écrit dans le premier des critères d’adhésion à la fpjq: “personne qui a (…) pour occupation principale, régulière et rétribuée l’exercice d’une fonction de journaliste pour le compte d’une ou de plusieurs entreprises de presse québécoises.” Pas la déontologie. Pas l’éthique. Le premier critère du titre de journaliste n’est pas d’adhérer à un credo mais d’être rétribué par une ou plusieurs entreprises de presse. Être journaliste n’est pas un état d’âme, ni un diplôme, ni une conviction, ni une compétence: on n’est journaliste que lorsqu’on est nommé comme tel par quelqu’un d’autre, un employeur d’un média d’information. Ce n’est pas l’éthique qui fait le journaliste, c’est l’employeur.Exit la définition des journalistes par l’adhésion à la déontologie: sans objet. Pas rapport. Exit les espoirs des “blogueurs-reporters” d’entrer dans la citadelle en se drapant dans l’éthique: sans objet. Pas rapport.
Cqfd: l’éthique, en soi, n’est pas une tarte à la crème. C’est un engagement profond, sérieux, essentiel que l’on attend de tout professionnel de tout secteur. Mais, dans ce contexte, elle est seulement une tarte à la crème: déguisement, artifice, signe, mirage, illusion, signal, épouvantail, draperie, enveloppe, robe, camouflage, maquillage, uniforme, chapeau, miroir aux alouettes, alouette. Tarte à la crème.
[Bruno Boutot : “Bienvenue à la communauté des passionnés de l’information !”, via Mario Asselin.]
P.S. 6 décembre : Novövision, “Journalisme, déontologie, blogueurs et tartes à la crème”.
Maxime
le respect des règles de déontologie est la seule chose qui distingue les journalistes professionnels des citoyens et autres communicateurs
Mince, ça viens d’exploser mon trollomètre.
C’est pas comme si j’étais témoin de réglèments de comptes entres grosses sociétés côtées à la Bourse de Paris par journaliste. Tel que l’une qui reproche à l’autre ce qu’elle fait elle-même. Et l’autre qui fait des rumeurs sur la première.
Ah, en fait, si.
Ce qui distingue le blogueur du journaliste, c’est qu’il n’y a pas encore de syndicat chez les blogueurs. Et puis le blogueur a appris a limiter les figures de style pour que ses articles soit plus faciles à retrouver sur google.
narvic
Bien des journalistes français en sont hélas au même point et le barnum des Etats-généraux de la presse accouche exactement de la même recette de la tarte à la crème.
Pendant ce temps-là des blogueurs journalistes et des blogueurs pas journalistes coopèrent gentiment dans leur coin sur le même projet à expérimenter de nouvelles recettes de cuisine. Sans carte, mais avec déontologie bien sûr, comme tout les gens qui essayent d’être un peu responsables et de ne pas faire n’importe quoi…
La tarte à la crème, c’est que la question n’a jamais été d’avoir une déontologie ou pas. La question, c’est de la respecter quand on en affiche une.
Mais au fond, si tous ces journalistes transatlantiques n’ont plus que le mot de déontologie à la bouche, n’est-ce pas une sorte de gros aveux hypocrite ? S’il faut remettre à ce point de la déontologie dans le journalisme, serait-ce qu’il en manque cruellement aujourd’hui ?
Je ne connais pas l’avis des Québécois à ce sujet, mais je connais la réponse des Français :
Croyez-vous que les journalistes sont indépendants, c’est à dire qu’ils résistent :
(sondage TNS Sofres pour La Croix, février 2007).
Peut-être bien qu’il y a un petit problème de déontologie alors… Peut-être…
marie-Hélène
Je dirais : gesticulations grotesques. Déontologie c’est tellement souvent le faux nez du corporatisme.
bruno boutot
Merci de me citer dans ce beau site. Juste pour préciser le contexte: je suis moi-même journaliste et je pense qu’être journaliste salarié n’est pas un défaut. :-) Ce n’est pas un défaut non plus d’être conscient de la tempête du Web qui s’abat sur l’industrie de la presse. Ce n’est pas un défaut d’avoir des craintes sur le futur de la profession: c’est une tempête. Je pense seulement que l’exclusion, ce réflexe de protection des acquis, n’est pas un remède approprié pour sortir de la tempête. Je crois que les regroupements, les interconnections, les intérêts communs sont plus efficaces dans ce cas-ci que l’isolement. :-)
Cecile Gladel
Attention, tous les journalistes ne sont pas syndiqués avec des conditions bétons. Vous oubliez les journalistes indépendants, qui souvent sont devenus des blogueurs ou vice versa. Qui a dit que ce n’était pas compatible? Je me reconnais de moins en moins dans la FPJQ….je parle du fameux congrès sur mon blogue…
Pascal
Comme le disent Bruno et Cécile, tous les journalistes ne se reconnaissent pas dans cette résolution de la FPJQ. Mais ce n’est pas la première fois. Cette association a la fâcheuse habitude, depuis les années 1980, de s’enfarger dans les fleurs du tapis, pendant que les conditions de travail des non-membres (les pigistes, en particulier) se dégradent tout autour d’elle.
Ca part d’une bonne volonté: rien de plus normal pour une association que de définir qui peut être membre et qui ne peut pas l’être. Mais elle ne semble pas se rendre compte, et ce n’est pourtant pas faute d’avoir été critiquée là-dessus, que chaque fois, son image en sort amochée. Si au moins elle s’engageait dans des luttes qui feraient se sentir concernés blogueurs et pigistes.
Blah ? Touitter !