Journal de bord

dimanche 14 juillet 2013

Cigarette électronique, victime des lobbies

[…] Le Pr Molimard, tabacologue réputé, libre de liens d’intérêts industriels depuis plus de 10 ans, a rédigé une synthèse scientifique complète sur le sujet, que les sceptiques pourront lire avec intérêt.

J’ai eu l’occasion de parler de la cigarette électronique à la Tête au Carré, l’émission scientifique de France-Inter.

La seule question qui se pose donc actuellement est la suivante : pourquoi les pouvoirs publics tentent-ils par tous les moyens de limiter la diffusion de cette révolution sanitaire ? J’ai bien peur de connaître la réponse. L’influence des experts liés à l’industrie pharmaceutique (substituts nicotiniques concurrents de la cigarette électronique), et le poids de la fiscalité sur le tabac jouent sans doute un rôle important.

Certes, la cigarette électronique n’est pas une panacée, elle ne fonctionne pas chez tout le monde, mais le progrès qu’elle apporte dans la lutte contre le tabagisme dépasse tout ce que nous connaissions jusqu’ici. Une publication récente le démontre solidement.

Même la Ligue contre le cancer s’est prononcée contre son usage, ce qui est surréaliste. Elle a heureusement depuis supprimé la page de son site, mais j’en ai gardé une copie qui montre à quel point les lobbies ont infiltré les institutions sanitaires.

La puissance de ceux qui se dressent contre cette menace pour leurs industries se mesure aux projets en cours, notamment à Bruxelles, pour tenter de condamner la cigarette électronique. Nous verrons si nos institutions sauront résister à ces pressions.

Ce qui certain, c’est que de toute façon, l’interdiction ou même la limitation de l’usage de la cigarette électronique sont impossibles, tant la contrebande sera aisée. Cette guerre perdue d’avance par les lobbies du tabac et du médicament sera intéressante à suivre sur un plan sociologique. Le gagnant, ou plutôt la gagnante est connue d’avance : c’est la santé publique avec l’effondrement programmé d’un des pires fléaux mondiaux.

Notez que cette victoire n’est pas venue de la science, mais d’un bricoleur chinois et d’une communauté 2.0. C’est aussi un fait sociologique et scientifique intéressant. À force d’être sponsorisée par l’industrie, la recherche médicale perd de vue ses objectifs sanitaires.

Je n’ai aucun lien d’intérêt de près ou de loin avec les fabricants ou revendeurs de cigarettes électroniques.

Atoute.org, Dominique Dupagne : “La cigarette électronique est utile et n’est pas dangereuse”.

Dominique Dupagne est un médecin généraliste français et chroniqueur scientifique.

Merci à Dominique Dupagne d’avoir le courage sur son blog, d’énoncer simplement ce que beaucoup ne semblent pas bien concevoir. La cigarette électronique est un évènement majeur de santé publique. Mais les freins paradoxaux qui s’opposent à son développement sont, à notre sens, plus profonds qu’il le croit.

Dominique Dupagne : « La cigarette électronique a fait la preuve de son utilité contre le tabagisme, et rien ne permet de penser qu’elle présente la moindre toxicité. Elle constituera sans doute le plus grand progrès en termes de santé publique du début du XXIe siècle. Les raisons qui freinent son développement sont à rechercher du côté des lobbies qui vivent du tabac ou des médicaments du sevrage tabagique, et de la naïveté coupable des politiques. »

Lobbies et naïveté, donc. Ou lobbies, tout simplement si, ardent défenseur de la théorie du complot, on en vient à penser que la « naïveté » des politiques n’est que le masque de leur compromission. Rien ne permet bien évidemment d’écarter définitivement cette hypothèse de travail. Les lobbies (du tabac et de l’industrie pharmaceutique) sont bel et bien là –même si on ne les entend pas. Quant à l’action des politiques français sur un tel sujet il est aussi difficile de plaider/requérir la naïveté que la culpabilité. Les cieux français actuels, judiciarisés, ne sont pas toujours les plus favorables à l’action politique en matière de santé publique. Quant au paradoxe sanitaire offert par la cigarette électronique il ne concerne pas que la France, loin s’en faut –certains pays en ayant interdit le commerce et l’usage.

On peut d’autre part parier ici sur une forme de plasticité capitalistique des grandes multinationales. Celles du tabac ne cachent pas qu’elles vont entrer sur le marché de la e-cigarette : l’argent du profit et des actionnaires peut ne pas avoir l’odeur du goudron et des produits cancérogènes. La fragrance de la nicotine mentholée peut la remplacer. De même, le marché des substituts nicotiniques n’est pas à ce point considérable qu’il ne puisse être remplacé par d’autres spécialités pharmaceutiques d’une efficacité comparable ou plus grande.

L’obstacle principal, nous semble-t-il est plus profond. Il est dans le refus collectif d’accepter que le fumeur ne souffre pas véritablement pour expier ses péchés. Il est dans la posture (souvent cambrée) dans la gestuelle des vapoteurs que nombre de non-fumeurs perçoivent comme proprement insupportables. Il est dans la reconquête par ces nouveaux évangélisateurs de territoires publics que nous croyions (1) définitivement gagnés.

Il est dans l’idée plus catholique que chrétienne (et plus présente que l’on croit) qui veut que celui qui a succombé doit payer. Et si plaisirs il a pris il devra y mettre un plus grand prix. Comment comprendre, sinon, que l’on ne prenne pas véritablement et collectivement en charge les tentatives que fait le fumeur pour sortir de son esclavage ? Qu’il en sorte, mais seul !

Cette lecture religieuse prévaut pour partie dans les tentatives visant à faire que l’abstinence totale, radicale, définitive ne soit pas la seule issue thérapeutique pour les malades alcooliques. On la retrouve sous un visage laïc dans la fiscalisation-taxation étatique de toutes les addictions qui ne sont pas illicites.

Si complot il y a, cher Dominique Dupagne, il nous semble être, pour l’essentiel, à ce niveau. On observera aussi qu’il est démocratiquement accepté - et que l’Église n’est plus dans le paysage. C’est, ma foi, un assez joli défi, politique, journalistique et de santé publique, à relever.

(1) L’auteur de ces lignes n’a jamais consommé de tabac. Ce qui ne lui interdit pas de s’intéresser à celles et ceux de ses proches qui n’ont pas eu cette chance.

Journalisme et santé publique, Jean-Yves Nau : “Cigarette électronique : la vérité sur le complot”.

Jean-Yves Nau est un médecin et journaliste scientifique français spécialiste des questions de médecine, de biologie et de bioéthique.

1. Le 15 juillet 2013,
JMU

Sur la base d’un échantillon représentatif des personnes de mon entourage qui fument et ont essayé la cigarette électronique (taille de la population N=1, taux d’échantillonnage 100%), ça marche plutôt bien. Depuis trois mois, sa conso de nicotine a diminué de trois quart (la fréquence de la pause clope n’a pas changé, mais la concentration si).

L’analyse “morale chrétienne” me rappelle Paul Krugman attaquant l‘“economism masochism” (c’est à dire la croyance que l’austérité est efficace parce que ça fait mal).

2. Le 16 juillet 2013,
Schahriar

D’accord, donc c’est la faute à la religion si les ceusses qui têtent ce genre d’engin font une tête d’abruti honteux et n’ont pas la classe de Marlène Dietrich tirant sur son fume-cigarettes ni le négligé du prolo sur sa Bleue, le mégot au coin de la bouche. À trop vouloir prouver, le docteur Nau explose le mur de la pédanterie (et du ridicule) :

L’obstacle principal, nous semble-t-il est plus profond. Il est dans le refus collectif d’accepter que le fumeur ne souffre pas véritablement pour expier ses péchés. Il est dans la posture (souvent cambrée) dans la gestuelle des vapoteurs que nombre de non-fumeurs perçoivent comme proprement insupportables. Il est dans la reconquête par ces nouveaux évangélisateurs de territoires publics que nous croyions (1) définitivement gagnés.

Blah ? Touitter !