Salve Regina
[Marthe Keller, Jan Latham-Koenig, Orchestre Philharmonique de Strasbourg. Strasbourg, 1999.]
Je n’aime pas l’opéra, je n’ai jamais aimé l’opéra et je me suis toujours moqué des “folles lyriques”.
Toutefois, j’ai une faiblesse pour les Dialogues des Carmélites, que j’ai découverts en 1986 au Théâtre des Champs-Élysées. Ils étaient mis en scène par René Terrasson, avec Anne-Marie Blanzat en Blanche de la Force, et Rita Gorr (qui faisait déjà partie de la distribution de 1957 aux côtés de Régine Crespin et Denise Duval) en première prieure.
L’austérité se conjugue au sublime dans cet opéra sans fla-flas où le livret de Bernanos n’interroge rien de moins que le sens profond de la mort, du martyr. Mais je crois que c’est principalement pour ce magistral final, ce jouissif massacre de bonnes sœurs que ces pages lyriques emportent mon cœur.
L’invention de ce bon docteur Guillotin n’a jamais été aussi douce aux oreilles.
[William Pereira, Marcelo de Jesus, Amazonas Filarmônica. Manaus, 2011.]
Si vous vous posez la question, oui, c’est bien une vraie guillotine qui est prévue dans l’instrumentation de la partition, ce qui en fait une œuvre redoutée des percussionnistes maladroits.
Nan… Je plaisante. Poulenc n’a pas spécifié sur la partition comment le son de la guillotine devait être produit — c’est laissé à l’appréciation du chef d’orchestre — mais l’instrument tranchant a bien sa propre ligne.
Différents moyens peuvent être utilisés en l’absence de vraie guillotine :
- La solution orchestrale avec deux percussionnistes : l’un glissant une pièce de métal, un triangle par exemple, sur le bord d’un tam-tam pour produire le son crescendo-glissando de la chute, l’autre donnant un coup de marteau sur une grosse boîte de bois pour le choc.
- Certaines productions modernes préfèrent un enregistrement d’effet sonore joué sur synthétiseur, ce qui me paraît un peu “cheap”.
- On a aussi entendu des massicots à papier amplifiés, mais le résultat n’est souvent guère convaincant et les percussionnistes, généralement attachés à leurs doigts, montrent une certaine réticence à manipuler ces engins.
- La technique la plus ambitieuse est de construire une similiguillotine qui est placée en coulisses : une caisse de bois surmontée d’un bâti d’environ deux mètres dans lequel coulisse une lourde plaque de métal. C’est, par exemple, la solution qui fut choisie à Pittsburgh en 2011, mais elle demande un “bourreau” habile, non seulement parce que le rythme est assez rapide — il faut remonter la plaque —, mais aussi parce qu’il faut lâcher la corde avec un léger moment d’anticipation afin que le choc se produise précisément à la bonne note.
Quel que soit le moyen choisi, le rendu doit être crédible, puissant et glaçant, afin de ne pas ruiner la scène.
J’aime bien la guillotine de Pierre Dervaux en 1958 (je ne sais pas comment elle a été réalisée) :
[Version enregistrée en 1958, direction Pierre Dervaux, chœur et orchestre de l’Opéra de Paris.]
Patrice C.
Elle a pris un coup de jeune, Marthe. Ca lui va bien l’austérité.
Patrice C.
Zut, elle s’est métamorphosée! J’avais un moustachu qui tournait en rond dans un jardin sur youtube à la place des soeurs sur scène. Glitch!
Blah ? Touitter !