“Miscellanées”

vie privée

Flushez-moi !

Je ne vais pas bien cette nuit. J’ai de vieux démons qui me rattrapent. Je voudrais m’épancher, mais je ne sais plus si c’est le lieu ni le public.

Toute mon expérience sur l’Internet est dirigée vers cela. Communiquer l’incommunicable. Mais, je ne cesse de tourner autour du pot. De me laisser séduire par le divertissement. Pourtant, j’ai un message et je me dois de le délivrer.

Mais mon expérience est autant dérisoire que pathétique. Seulement, qui va me botter le cul pour que je la révèle dans sa crudité ?

Et alors, c’est si simple de raconter le viol, la perte de l’être aimé, les bassesses et l’égotisme.

Je me méprise. J’ai connu tant de grandeur, que me cacher aujourd’hui me donne la nausée.

Je souffre tant. C’est comme un couteau qui fouraillerait dans mes chairs. Sans cesse. Sans espoir de cicatrisation.

C’est cependant une histoire si simple, une histoire d’amour, l’histoire de deux êtres qui ne devaient jamais se rencontrer.

Et cette soudaine familiarité avec la mort, dans ses aspects les plus prosaïques. Parce qu’un cadavre, vous êtes mieux de lui bourrer le cul avec du coton au risque de surprises désagréables.

Je n’arrive pas à m’en sortir. Ma seule lumière, c’est d’un jour raconter mon histoire.

On ne passe pas sa dernière nuit d’amour avec un mort. Il vous en reste des séquelles irrémédiables.

Je n’ai pas envie de faire pleurer Margot. La vie, c’est pas facile (lieu commun). La société humaine, c’est l’enfer. Je l’ai vécu pour le savoir.

Je voudrais mourir cette nuit. Ne plus me réveiller. Si seulement je n’avais pas ce devoir moral qui me pèse. Et si ne ne savais pas qu’un niaiseux m’aime outre-atlantique, d’un amour si pur qu’il est difficile de l’écarter d’un coup de manche.

Cette souffrance, ce n’est, à proprement pas parler, humain. Arrêtez avec ce concept de deuil. Ne me dites pas “cela ira mieux demain”, parce que ce n’est pas vrai. Cela ne guérit jamais. C’est une plaie qui ne demande qu’à se rouvrir. Ne dites jamais à un endeuillé “ça ira mieux demain”, c’est inacceptable, irrecevable, insupportable. À moins de vouloir vous placer dans le camp ces cons qui irrémédiablement ne voudront jamais savoir ce que vivre veut dire.

“Tu pleures sur toi-même”. Oh, combien ce message d’outre-tombe est exact. Mais je ne peux rien faire avec ma douleur, même pas la refiler comme une patate chaude à un passant bien disposé.

Ces bonnes âmes du milieu associatif se sont révélées être des vautours trop nourris, à peu de frais, de la douleur des autres. Et, en dehors, la société m’a ignoré. Que lui dois-je à présent. Si ce n’est une haine légitime ?

Je n’aime pas verser dans l’auto-apitoiement. Ce n’est pas ma nature. Mais il y a des nuits où on a besoin de se déverser, de se répandre, où tout votre être perspire par tous vos pores. Rompt la barrière de la bienséance.

J’ai mal. J’ai mal au coeur. Mais qui est là pour partager ? Qui est là pour m’écouter ? Personne. Et ce n’est que justice. À qui puis-je infliger ma souffrance? C’est ma croix. Si solitaire.

Alors, aimez, et sachez ce que ce verbe peut dire. C’est votre seule rédemption. Les cimetières sont peuplés de gens irremplaçables et fortunés. Et le temps qui peut vous paraître abstrait est au contraire une valeur qui ne cesse de se désagréger au fur et à mesure que vous lisez ces mots.

Que restera-t-il de votre parcours ? Songez-y.

Belle parabole biblique, qu’avez-vous fait de votre talent ? Je vous le demande. Donnez moi votre réponse, si vous avez le courage, ou l’inconscience, d’en avoir une.

Votre seule validité sur cette terre, c’est l’amour que vous aurez pu valoir et donner dans ce monde, c’est le sourire accordé au nécessiteu ce matin dans le métro que vous aurez donné à défaut de piécette, soupçonneux que vous êtes des intentions d’autrui.

Mais, je m’épanche, j’abuse ne votre temps. Que suis-je pour vous donner quelconque leçon ? À chacun son solipsisme et les poules seront bien gardées.

Je ne suis qu’un pauvre type.

Je ne sais même pas si je mérite de polluer la surface de cette planète.

Je ne suis qu’un trou noir qui n’attend qu’à aspirer quelque vérité universelle, ou quelque gode à la mesure de ses ambitions anales.

Mépris, quel mot n’a plus de valeur à mes yeux troubles ?

Bon, au revoir, je vais me jeter dans la cuvette des chiottes.

Flushez-moi !

1. Le 28 avril 2004,
Édouard

Non, désolé, on ne te flushe pas. D’abord, et très égoïstement, parce que tu nous donnes trop de plaisir à te lire. Allez, dors bien et tu verras tout ça d’un meilleur œil demain.

2. Le 28 avril 2004,
Martine

Ben voilà, je laisse un message, mais le vide, ce n’est pas pour moi. Trop grande gueule pour ça.

Je ne te dirai pas que ça ira mieux demain. Je peux te dire cependant que la seule différence entre ce soir et demain, c’est que demain tu te rappeleras que tu es écouté. Que tu es lu. Que tu es aimé. Même par des gens qui ne t’ont jamais rencontré.

Demain ou dans quelques jours, ce lien qui t’unit à ceux qui vivent encore ne sera pas qu’une vague notion, comme il semble l’être ce soir. C’est dans tes trippes (libérées momentanément de cette angoisse qui les ronge) et non pas dans ta tête, que tu “sauras” que ce lien est plus fort que tout. Plus fort que toi et que ta foutue tête de cochon.

Tu voulais faire d’Embruns un Navire renouvellé, où tu pourrais te permettre une liberté créatrice plus grande. Alors vas-y. Communique l’incommunicable. Tu as le talent et la rage qu’il faut.

Bisou.

3. Le 28 avril 2004,
Le lapin

Le niaiseux outre-atlantique connaît bien cette vieille blessure dont tu souffres. Il a appris à vivre avec ce fantôme qui vient te visiter de temps à autre et qui te fait souffrir, qui nous fait souffrir car je suis malheureux quand je te vois malheureux.

Arrive vite que je t’aime à ma façon… plus humaine…plus simple sans doute mais arrimé dans ce monde qui a besoin de gens comme toi leur rappellant des choses que l’on préfère de plus en plus oublier.

Peut-être est-il temps pour toi de témoigner et de faire fructifier le talent que l’on t’a donné ?

Hugs!

4. Le 28 avril 2004,
Stéphane

Le fond du trou, le chiotte ou ailleurs, le sommeil qui refuse de venir, c’est jamais très agréable. Dépêche-toi d’arriver ici, à Montréal, à défaut d’un lendemain qui chante, je suis certain qu’un lapin à tes cotés d’aidera grandement.

Courage.

5. Le 28 avril 2004,
Neige

C’est bizarre l’impression qu’on a des gens qu’on ne connait que par leurs écrits. Je te croyais entouré d’amis et d’amour, un peu comme celui qui a tout et pour qui tout réussi. C’est peut-être le cas, ça ne l’est peut-être pas ? La déception est parfois un bonheur, parfois une féérie, et la solitude souvent inventée. Peu importe, il y a un chant pour chaque blessure, c’est ce que j’ai compris.

6. Le 28 avril 2004,
Veuve Tarquine

Continuer à aimer… ça sonne creux, je sais… Mais je m’imagine que l’amour que l’on a reçu et celui que l’on a donné est un don précieux qu’il faut préserver. Je m’imagine cela sinon je crains qu’effectivement la vie n’ait plus aucun sens…

Mais personne ne détient le remède… le deuil c’est se démerder pour continuer à vivre avec diverses stratégies pour ne pas trop emmerder le monde…

Ton billet me poursuit depuis ce matin.. je n’arrête pas d’y penser… Ne laisse pas tes démons pourrir l’amour que tu partages. Je sais ça sonne encore creux.. mais bon certaines choses sont difficiles à traduire… c’est d’ailleurs le sujet de ton billet.

7. Le 28 avril 2004,
Mario Asselin

“Communiquer l’incommunicable…” Le plus drôle dans ce douleureux exercice, c’est qu’il permet de déloger les vieilles tensions qui empêchent de dormir… Il est 14 h au Québec et pour moi aussi, ton billet m’accompagne dans ma journée. Non pas comme un fardeau, mais comme un genre de titillement qui me dit «t’as pas écouté vieux ! Reprends cela…» Alors, quand tu seras prêt, on sera là mon cher au rythme où tu le voudras bien. En attendant de te colleter à ce défi, vois combien tu es grand et précieux à nos yeux; je suis sensible à ce que tu sèmes bien que je te connaisse peu. Mais ce que tu as dévoilé jusqu’à maintenant (les cochonneries comme les immenses beautés) m’a permis de continuer à prêter oreilles (cela fait parfois même écho chez moi…). Je me dis que tu en a gros sur le coeur pour nous balancer ces merdes parfois (que je ne retiens pas beaucoup en passant), mais je m’en fou ! Les beautés de ton âme trahissent ta soif de bonheur.

Quand tu veux “man” !

Blah ?