“Miscellanées”

vie privée

Mon premier « Gai Pied »

C’était une grise et humide journée de février 1983, j’avais alors dix-sept ans. Cela faisait déjà quelques mois que j’en avais l’idée, mais je n’avais pas encore franchi le pas. Adolescent timide, je ne m’imaginais pas affronter le regard du marchand de journaux, ou, pire encore, essuyer un humiliant refus de vente “c’est interdit aux mineurs”. Les kiosques à journaux des années 80 ne ressemblaient pas encore à l’annexe d’un “sex-shop”, comme souvent aujourd’hui, et ce genre de littérature était généralement bien dissimulé des regards, il fallait connaître…

L’objet de mon désir était donc le seul journal gay de l’époque (hors quelques rares et coûteux magazines érotiques du style Jean-Paul ou Off). J’en avais entendu parler sur la toute nouvelle radio homosexuelle récemment autorisée d’émettre (1er octobre 1982), Fréquence Gaie, que j’écoutais en cachette le samedi soir. Ce journal un peu mythique, militant, qui avait recueilli le dernier entretien de Jean-Paul Sartre en 1980, et encore des textes de Michel Foucault, c’était le Gai Pied.

Il était hors de question que j’aille acheter mon premier Gai Pied au kiosque du boulevard Malesherbes, en bas de chez moi, presque en face du lycée. Les journaux L’Aurore, La Croix et Minute, placés bien en évidence, étaient des indices d’hostilité patente. En plus, c’était à côté du Café des Ambassades fréquenté par nombre d’élèves et de profs. Il m’était également impossible d’aller au marchand de la rue Jouffroy qui me connaissait bien pour une bonne décennie d’achats de Pif Gadget et d’images Panini.

C’était devenu une évidence, il fallait que je change de quartier, un endroit où personne de ma connaissance ne risquait de me croiser. Pratiquement, changer de ville… Ce fut donc Rive Gauche. J’ai dû mettre plusieurs semaines à repérer le bon kiosque, pas trop achalandé, pas trop discret sur l’affichage de la presse un peu légère.

Je trouvai mon bonheur au coin de la rue Saint-Jacques et du boulevard Saint-Germain, un kiosque tenu par un asiatique, juste en face d’une agence de voyages plutôt tranquille. Et, j’avais sans doute le sentiment que je risquais moins d’être moralement jugé, voire offensé, par un asiatique. C’était l’idéal.

Dois-je dire que j’ai dû mobiliser tout mon courage, que je sentais mes jambes molles ? Une condition également importante à mes yeux était qu’il n’y ait pas d’autre client, cela aurait risqué de me paralyser de stress — “Vous avez, heu, vous avez… vous avez le Journal de Mickey ?”. J’attendis donc en guet sur le trottoir d’en face. Il fallait trouver le moment idoine, aucun piéton aux alentours du kiosque, en parfaite synchronisation avec les feux tricolores, que ma trajectoire soit parfaite, sans hésitation, minutée avec précision.

Par anticipation, mes mains étaient trempées de sueur, je respirai un grand coup, aucun chaland potentiel à l’horizon, je traversai le boulevard d’un pas assuré, négociai un virage impeccable et me présentai, sûr de moi en apparence, dans la lumière vive du kiosque. “Vous avez le Gai Pied Hebdo ?”. Et l’asiatique impassible de commencer à fourrager un temps qui me paru infini, pour enfin extraire le périodique si longuement espéré. Je me sentis me décomposer intérieurement. “C’est 9 francs”. Je tendis mes 10 francs, ramassai ma pièce de 1, soufflai un merci, me retournai tout en glissant fébrilement le magazine sous mon blouson de cuir, sur la poitrine chaude et palpitante, et filai vivement, le cœur battant la chamade et l’esprit incroyablement soulagé, le visage heureux et battu par la bruine froide.

J’avais réussi. Le défi était relevé. Je brûlai alors de feuilleter mon nouveau trésor. Dans un café ? Jamais de la vie. Je remontai la rue Monge, le premier endroit qui me parut favorable fut les arènes de Lutèce, forcément désertes par ce temps. À l’abri d’une voûte quasi bimillénaire, je sortis mon trophée, et, émerveillé, je sentais qu’une nouvelle vie s’ouvrait à moi, un nouveau monde avec ses codes, ses repères, ses adresses. J’étais désormais un adulte.

Aujourd’hui, j’ai ouvert un vieux carton depuis longtemps oublié au fond d’un placard, et j’y ai retrouvé mon premier Gai Pied. Ça m’a fait comme un pincement. Et tout ce que je viens d’écrire m’est revenu comme si c’était hier.

Voici donc la couverture du Gai Pied Hebdo n° 56 de la semaine du 12 au 18 février 1983 :

Couverture du Gai Pied Hebdo n° 56.

J’y découvrais des signatures qui allait me devenir habituelles comme Frank Arnal, Hippolyte Romain, Renaud Camus, Pablo Rouy, Patrick Scemama, Roland Surzur, Tony Duvert, Jean Le Bitoux, Hugo Marsan, Dominique Fernandez, Daniel Guérin, Jean-Luc Hennig, Geneviève Pastre, Guy Hocquenghem, Gabriel Matzneff, Yves Navarre…

Les textes étaient généralement de plumes sûres et aguerries, il y avait des relecteurs, quantité de références culturelles étaient convoquées à tout bout de champ. Le Gai-Pied de cette époque face au Têtu d’aujourd’hui, c’est un peu le Monde Diplomatique comparé à Elle.

L’éditorial de ce numéro 56 :

De la décentralisation des pouvoirs.

Après de multiples péripéties, Fréquence Gaie a enfin obtenu sa dérogation. Non sans mal, il a fallu l’obstination de toutes les composantes de la communauté homosexuelle : individus, groupes, personnalités, mais aussi le soutien sans faille des auditeurs qui ont adressé des centaines de télégrammes à madame Cotta, ont manifesté dans les rues de Paris et écrit à leur député. Preuve qu’une liberté s’arrache et se défend en ne comptant que sur ses propres forces. On peut méditer sur le maigre soutien des autres radios libres, sans parler de l’indifférence absolue des média ignorant jusqu’à la manifestation du 22 janvier dernier.

Un autre enseignement est à tirer : à court terme, nous devons nous méfier de la décentralisation des pouvoirs. N’oublions pas qu’aux États-Unis, certains États condamnent encore la sodomie alors que d’autres financent les associations homosexuelles. Nous risquons de connaître ce type de situation avec l’avènement des nouveaux conseils régionaux. Bien sûr, ils n’auront pas le droit de légiférer sur les mœurs, mais gageons que certains d’entre eux feront tout pour gratifier leur électoral familialiste.

Depuis longtemps le pouvoir municipal lui-même contrôle la bonne moralité de la commune. Sait-on qu’un maire a le droit d’interdire un film s’il estime qu’il met en danger le bon ordre de la cité ? Les déclarations de Paul Quilès à Paris, de Michel Noir et Gérard Collomb à Lyon nous rassurent. C’est nouveau et encourageant. Des candidats de grands partis reconnaissent qu’on peut être homosexuel et citoyen. Mais accepteront-ils de faire connaître leur position ailleurs que dans Gai Pied ? Un proche avenir nous le dira.

Frank Arnal.

Et un sommaire alléchant :

Sommaire du Gai Pied Hebdo n° 56

Paul Quilès, candidat aux municipales de 83, disait : « Je citerai […] une réflexion de Jean-Louis Bory : “C’est l’égoïsme, la bêtise et la haine qui créent les ghettos”. Les homosexuels y sont enfermés depuis longtemps. Rude vie pour ceux qui, en butte aux brimades, aux railleries, à la haine, n’ont pas la chance de s’appeler Peyrefitte ou Cocteau. » Il dénonce aussi la chasse aux homosexuels organisée par l’administration Chirac et estime qu’il est normal de réfléchir à la reconnaissance du concubinage homosexuel. Michel Noir, candidat RPR à Lyon se défendait : “Faut pas nous prendre pour des tarés sur le plan de la morale”, et son adversaire, le socialiste Gérard Collomb : “Personnellement, je suis pas homosexuel, et c’est quelque chose que je conçois mal. Mais tous les régimes de persécution ont été des régimes anti-homosexuels, quelque soit la forme de dictature. La liberté forme un tout.”

J’apprenais que l’évêque d’Angers, Mgr Jean Orchampt, comprenait la souffrance des homosexuels. Un saint homme, assurément. On parlait aussi beaucoup de l’affaire du Coral, c’était bien avant Outreau, qui s’en souvient aujourd’hui… C’était assez obscur pour moi, cela faisait “Règlement de compte à OK Coral”. On parlait encore de “tricks”, sexualité furtive et débridée. Le journaliste, envoyé spécial à Romorantin, visitait les pissotières de la grande halle, nous gratifiait d’une photo des dits-lieux ornés d’un graffiti : “Mitterrand vieille salope avec les juifs assassins”. Que faire d’autre à Romorantin quand on est pédé en 1983 sinon se suicider ? On ne parlait pas trop de poppers, mais plutôt d’encens liquide.

Des publicités m’ouvraient de nouveaux horizons :

Publicité bars gay.

D’autres étaient nettement plus explicites :

Pub sex-shop.

(Pour les petits jeunes, il faut savoir aussi que le quartier gay du Marais n’existait pas à l’époque, c’était principalement rue Saint-Anne que tout se passait : prostitution, quelque bars et surtout la discothèque-restaurant sélect “Le Sept”, héritière du “Pimm’s”, de Fabrice Emaer, où l’on croisait Diana Ross, Mick Jagger, Eartha Kitt, Andy Warhol, Yves Saint Laurent, Alain Pacadis, Karl Lagerfeld, Frédéric Mitterrand, dont je devins rapidement un habitué. Mais, je vous raconterai tout ça un autre jour… si le cœur m’en dit.)

Et les fameuses petites annonces, moteur financier du journal, et qui lui avaient parfois fait frôler l’interdiction de diffusion, m’ouvraient de nouvelles aventures…

Petites annonces du Gai Pied.

Et quand je découvre aujourd’hui les croix au crayon à papier sur certaines annonces, je frémis… Comme “JH est à la recherche d’un lycéen, jeune, beau et masculin de 15/17 ans pour amitié sincère et sorties : RDV tous les dimanches à 15 heures, métro Trocadéro, sortie avenue d’Eylau, quinze jours après parution. Signe de reconnaissance : le Quotidien de Paris.”

Après, le Gai Pied et moi, ce fut une longue aventure. Dans le numéro double 178/179 du 13 juillet 1985, j’avais alors 19 ans, apparaissait la signature d’un jeune photographe forcément talentueux et prometteur…

Photo Laurent Gloaguen.

C’était donc dans un vieux carton retrouvé un dimanche. Après bien des aléas et avanies, le Gai Pied est mort en 1992.

Dernier Gai Pied.

P.S. Et, en 1985, je ressemblais à ça.

1. Le 23 avril 2006,
jpc

Nostalgie, quand tu nous tient… Je me souviens d’aller acheter Hommes, Jean-Paul ou Off, un peu loin de chez moi, et de sortir en rougissant parce que le vendeur m’avait dit “au revoir chéri!”, et aussi le Dragon, où j’entrais enfin pour la première fois en ayant bien vérifié que j’arrivais en milieu de séance (les séances toutes fictives étaient indiquées dans l’Officiel ou Pariscope), nostalgie vraiment ;-)

2. Le 23 avril 2006,
Jerome

Humain.

3. Le 24 avril 2006,
Gwenaëlle

Je ressors toujours émue par vos confidences intimes si bien écrites.

Belle histoire humaine et touchante qui nous plonge à une époque, pas si lointaine, où l’homosexualité commencait à se libérer.

4. Le 24 avril 2006,
C’est Raoul

Quel bon billet! C’est cute et enrichissant en même temps. Gai Pied, c’était un peu intello? Ca n’avait rien de porno? J’aurais pensé que c’était un peu un playbloy masculin.

Les pubs et les annonces sont vraiment droles, avec le recul. Le slip en cuir réglable! K.Y: Le tube ’GÉANT’!!! Nos cuirs sont de première qualité…scandinaves et non pas anglais!

5. Le 24 avril 2006,
Laurent

Pour des raisons commerciales, et parce que l’allégement de la censure le permettait, le Gai Pied est devenu un peu plus “sexe” entre 1985 et 1990, mais cela restait assez soft.

6. Le 24 avril 2006,
cossaw

Deux souvenirs : mon premier Gaipied - en 1989 (16 ans) pendant des vacances ; les collections complètes qu’on a au CGL et qu’on a redécouvertes il y a peu, en rangeant :)

7. Le 24 avril 2006,
elisabeth

Ma collection de Gai Pied et d’Homophonies est à la cave.

J’ai retrouvé récemment le 45 tours du premier concours de la chanson gaie initié par Gai pied et le piano-zinc en 1984.

Ah ça ne nous rajeunit pas…

8. Le 24 avril 2006,
padawan

@Laurent : grand moment ! Je me souviens de cet ado qui était tombé sur une pile de Gai Pied sous son siège dans le RER B et qui les dévorait tout en jetant des regards mêlés de peur et d’excitation à la ronde (il avait raison, j’avais envie de les lui piquer !). J’ai surtout connu Gai Pied de l’intérieur par mon premier mari, qui y concevait ses sites Minitel (très pratique pour, hum, certaines entrées pas cher sur 3615 Luc :p).

Ce qui m’amène à…

Le groupe Gai Pied a surtout découvert les vertus commerciales du Minitel Rose en en devenant un acteur majeur (et même, si ma mémoire est bonne, en ayant monté les sites de drague les plus lucratifs de l’époque, quand on vous dit que les gais sont souvent précurseurs de modes ;-)). L’activité Videotex est vite devenue la plus rentable avant de devenir la pompe à finances de l’ensemble des autres activités, déficitaires et qui n’avaient pas vraiment à trop se casser le c… pour gagner de l’argent. La fin n’a pas été à la mesure d’une très belle aventure, des querelles stériles du “canal hist{o,é}rique” de la rédaction à la question des archives lors de la liquidation, c’est dommage.

In memoriam en passant, Gérard Vappereau, co-fondateur du groupe Gai Pied et qui en a tenu les rênes jusqu’au bout, est mort le 15 mars dernier.

9. Le 24 avril 2006,
Eolas

Moi aussi, je me souviens de mes premiers émois chez le marchand de journaux. Le temps perdu à loucher dans le rayon voisin, à s’en faire mal aux yeux, pour repérer sa proie, le trouble quand entre quelqu’un qu’on connait, et pourtant, j’étais allé loin !

Attendre, attendre, qu’il n’y ait plus de client, puis s’avancer la gorge nouée jusqu’à la caisse, les oreilles brûlantes à force d’être rouge, demander sa revue d’une voie étranglée alors qu’on la voudrait nonchalante et blasée, subir le regard surpris de la caissière, ses sourcils froncés, en tremblant à l’idée que quelqu’un arrive à ce moment là.

Et s’entendre répondre tout penaud que la Revue de Sciences Criminelles et de droit pénal comparé n’est disponible que sur abonnement auprès de l’éditeur.

Et voilà : alors que je ne pouvais plus, et ne voulais plus d’ailleurs, lutter contre ce que j’étais, contre ce que j’avais toujours été, même sans le savoir, ou alors peut être, en ne voulant pas l’admettre, voilà que j’en étais réduit à découper des bons de commandes en cachette à la B.U.

Alors que ce kiosque avait Gai Pied !

Alors, ne venez pas me parler de discrimination.

10. Le 24 avril 2006,
IreneDelse

@ Laurent : “j’avais sans doute le sentiment que je risquais moins d’être moralement jugé, voire offensé, par un asiatique”

Curieux, comme le jugement moral (présumé) qui gène le plus est celui de vos pairs, ou du moins ceux dont on se sent proche par l’apparence ou l’ascendance. Où vont se nicher les réflexes identitaires ! Mais bon, on n’en fera pas grief à ce jeune homme de 17 ans, manifestement troublé par de toutes autres émotions ;-)

11. Le 24 avril 2006,
Laurent

@Irène : oui, c’est très curieux, j’avoue ne pas trop me l’expliquer, je me suis posé des questions en écrivant cette ligne et pourtant, le souvenir m’en est encore vif. Peut-être est-ce comme certains touristes français qui se permettent des choses à l’étranger qu’ils ne feraient pas chez eux.

12. Le 24 avril 2006,
Guillaume

Les temps ont changé. Avec Internet, j’avoue ne jamais avoir eu le besoin impérieux d’acheter un Tétu par exemple… Mais j’imagine à quel point cela a du être un moment clé dans ta vie… C’est quand même une façon très “noble” d’accepter son identité et de la confronter au monde extérieur… Garde le journal précieusement :)

13. Le 24 avril 2006,
Guillaume

Mouarf, excellent le commentaire d’Eolas aussi ^__^

14. Le 24 avril 2006,
Laurent

“Mouarf, excellent le commentaire d’Eolas aussi” Merci de ne pas flatter le troll dans le sens du poil…

15. Le 25 avril 2006,
Guillaume

Elle est vraiment excellente ta note car c’est un témoignage précis d’une époque que beaucoup de jeunes homos ignorent. Quel chemin a été fait depuis les années 80 ! Quel chemin a été fait aussi en terme de couverture ! Parce que franchement le mec en cuir, il est moyen sexy… Et sinon, j’ai pas compris, tu as été l’habitué de Frédérique Mittérand ?? T’est un sacré coquin dis donc -_- :)

16. Le 25 avril 2006,
padawan

@Guillaume : il y a une virgule avant “dont je devins…”, et en français ça a son importance, même si la construction de la phrase laisse à désirer ;-).

17. Le 25 avril 2006,
Boris

Aaah, 1983 ! A cette même époque et au même age, je ne connaissais du Gai Pied que le nom de son fondateur : Jean Le Bitoux. Je trouvais cela très comique. Je n’étais pas très tolérant.

La description de tes premiers émois mélés de sentiments d’exclusion m’a touché. Je sourirai encore à l’évocation du nom de Jean Le Bitoux, mais avec plus de respect désormais. Merci, Laurent.

18. Le 25 avril 2006,
xave

Mais attends Laurent, j’ai un doute … Tu es gay ?

19. Le 25 avril 2006,
Daniel Glazman

Eolas: diantre cher maître, vous fûtes trop rapide… J’allais raconter comment j’avais rougi pivoine lorsque le marchand de journaux de la place Saint-Paul (4ème arrdt) m’avait répondu, je cite, “Eh oh on est en France ici, alors non on n’a pas Scientific American, on n’a que la version française Pour la Science”.

20. Le 25 avril 2006,
Briscard

1983, mon pote pédé la portait belle, habillé en marin à la moindre fête; faut dire qu’Axel Bauer avait ouvert la voie de magistrale façon…

1983, un stew d’Air France m’initiait à Verdi…

1983, un pote pédé (un autre) me drague éhontément, à l’Ambassade d’Auvergne, devant ma compagne d’alors qui, du coup, me fait une grande crise de jalousie, sachant bien que ma reconquête eut été impossible si j’étais tombé dans les bras du beau géographe; mais je n’ai pas franchi le rubicond…

1983, on était libres et beaux, même si le stew mélomane avaient des drôles de plaques sur le visage, qu’il dissimulait tant bien que mal sous une couche de fond de teint de chez Dior…

1983, une nouveau nom apparaissait: LAV qui allait bientôt devenir HIV… il allait nous falloir encore deux-trois ans pour en connaître avec certitude le mode de propagation… mais c’était trop tard pour mon ami marin, pour mon stew verdisien et pour mon géographe érotomane…

Le début d’un vie pour Laurent allait marquer la fin pour d’autres. C’est comme ça, c’est pas grave même si c’est un peu triste, des fois.

Quand même c’est drôle comme les dates ne résonnent (raisonnent?) pas pareil pour tous… On a les nostalgies qu’on peut…

21. Le 25 avril 2006,
Laurent

Je me souviens très bien de mon été 83, quelques journaux titraient “le cancer gay”, mais, c’était loin, c’était aux États-Unis. La capote, on connaissait pas. Je crois que j’ai eu de la chance. La plupart de mes amis en ont eu moins. J’avais 18 ans, j’étais jeune, peut-être insouciant face à l’avenir… J’aurai bien d’autres millésimes à pleurer.

22. Le 25 avril 2006,
jpc

A cette époque, il y avait un serveur au Central qui disait avoir ce “cancer américain”, et nous, on se foutait de sa gueule en disant qu’il ne savait vraiment plus quoi inventer pour faire son intéressant… Depuis, j’ai enterré la moitié de mes amis.

23. Le 25 avril 2006,
Eolas

Comment plomber l’ambiance des commentaires…

24. Le 25 avril 2006,
Fst

Tout pareil mais un tout petit peu plus tôt. C’est curieux de lire chez d’autres ce que l’on à éprouvé soi-même: la sueur, la gorge serrée, les jambes flageollantes…. “suis-je normal ? ” Comme je partais souvent en vacances dans le morvan, j’achetais “Jean-Paul” à Autun - ville follement drôle !!! ;-) - parceque acheter ça à Neuilly dans un quartier où tout le monde se connait c’était inimaginable! Que de souvenirs. Quand on raconte ça à des garcons de 20 ans ils ont du mal à imaginer l’énorme interdit que l’on bravait. Ce me revient: j’achetais gai pied dans un kiosque près de la fnac de l’avenue de Wagram ! On disait que pour draguer il fallait avoir gai pied à la main et monter dans la première voiture de la rame de métro. Je ne me suis jamais lançé mais j’ai pu constater que c’était efficace.

Dans le genre moins drôle, ayant des médecins dans mon entourage, j’ai entendu parlé de ce “cancer ” en 82 sans que l’on sache comment ca “s’attrapait” : j’avais même peur de manger des fruits qui avaient été tripotés par autrui …

25. Le 25 avril 2006,
Briscard

Cher Maître, Désolé d’avoir plombé l’ambiance… Mais quand même, si les quadras blogueurs festifs, Paris Carnet et Tata Yoyo en goguette ont bien le droit de s’amuser avec les copains trentenaires fraise tagada, faudrait pas croire non plus que tout est (ou était) rose (!): la grosse bite à Dudule c’est pas toujours du nougat de Montélimar… Et puis l’ambiance n’est pas vraiment plombée: juste un peu plus real-erotik! Celà dit vive les souvenirs jolis, et honte aux pisses vinaigre aigris!

26. Le 25 avril 2006,
Laurent

Il est moins grave de plomber l’ambiance que de se faire plomber…

27. Le 25 avril 2006,
Patrick

Moi, c’est mon premier Spirou, ça fait bien 50 ans de cela, et devant les yeux de mon Grand-Père qui tenait absolument à me faire lire Pif Le Chien, qui n’était même pas en couleur. Mon premier acte acte d’homme libre, j’avais 9 ans !

28. Le 25 avril 2006,
Thierry

Et oui, Patrick, pas toujours facile d’avoir un grand-père communiste pratiquant ! :)

29. Le 25 avril 2006,
Etolane

L’un des billets de ton antre qui m’a le plus touché. Jusqu’aux arênes de Lutece (je me souviens)… Nostalgie. Superbement rendue…

30. Le 25 avril 2006,
Internaute de passage

J’ai acheté mon premier….Tétû j’avais 21 ans, dans une librairie lyonnaise. Vive excitation, émoi, j’entrais en contact avec le monde… Je le garde précieusement. J’en ai acheté quelques autres par la suite… mais j’ai vite abandonné : vu la qualité dudit journal.

Merci pour le billet

31. Le 26 avril 2006,
Sans pseudo

« Il est moins grave de plomber l’ambiance que de se faire plomber… » Chez Eolas, c’est plus fort que lui, il faut toujours qu’il nie le risque du plombé polonais.

32. Le 26 avril 2006,
val

c’est amusant, 19 ans en 1985 ? Cru 1963 ? nous serions donc de la même année. Certes, l’homosexualité est encore un sujet bout de teb, pardon, tabou. (désolé !) Perso je suis .. un ange, et un ’ange ne fait pas l’amour, il est amour’ (Vadim). Bref, je ne me définit pas, si ce n’est que le corps des femmes demeurent un sujet d’enquête cher à mes mains. Cela étant, je crois qu’à cette époque la sexualité était un pb. pour tout le monde, homo ou pas. Certes, pour un homo, je conçois que cela fut beaucoup plus difficile … et visiblement, çà le demeure encore aujourd’hui. C’est dommage. A 14 ans - fort d’expériences déjà avancées ! - j’avais trouvé une astuce : je me faisais peintre et reproduisait des nues de toutes sortes, préférence pour Kokoshka et Münch (ou Van Dongen je crois ..) avec leurs poses quasi-porno .. et parfois dans ma peinture j’y mélangeais un peu de sperme ! Wouaow ! :o)) “Il est joli ce tableau, c’est superbe Valéry, avec une patte toute personelle” - “tu parles Charles …” !! Alors les PlayBoy’s qui trainaient ne devenaient plus sujet sexuel mais sujet d’étude pour un artiste! Bref, on attend avec impatience le billet ’Mon premier pied Gay’ - allez, gentiment, dans la mode des 70’s, léger, fleuri, innocent, et surtout pas indiscret. ;o) bien à vous,

v/

33. Le 26 avril 2006,
Foxapoildur

J’ai toujours soupçonné Eolas de se masturber en lisant des articles de lois. Cette fois c’est confirmé.

34. Le 26 avril 2006,
Frédéric Rolin

Mais désormais Eolas peut se livrer, miracle d’Internet, aux mêmes pratiques sans avoir recours à son marchand de journaux. Il lui suffit de se connecter sur le site de la Cour européenne des droits de l’homme.

35. Le 26 avril 2006,
Eolas

Professeur, vous ici ? J’ignorais que vous utilisassiez vous aussi Embruns comme cour de récréation.

36. Le 26 avril 2006,
Laurent

Le professeur Rolin, il a toujours quelque chose à dire.

37. Le 26 avril 2006,
Eolas

@ Laurent : Celle là, je suis sûr qu’on ne l’a jamais faite, à Evry.

38. Le 27 avril 2006,
Leto

En vous lisant,

J’ai un pincement au coeur. D’être né trop tard. Non pas que je regrette la liberté actuelle. Mais je trouve qu’elle nous a rendu (nous, je parle des gays de ma génération, et je m’y inclue) incultes, ignorant d’un passé sans lequel nous ne serions pas là, sans lequel on ne pourrait certainement pas se mettre en ménage avec un homme sans risquer de “mourir en démontant un pneu” pour faire référence à un film récent.

Notre inculture est à l’image de notre génération, vide de sens, de réels aspirations, de sensation de maîtriser sa vie. Et cela me désole.

merci à ceux qui comme vous, avec des mots simples savent faire revivre quelques instants des moments de vos vies et, gentiment, nous mettre un peu de plomb dans la tête…

39. Le 27 avril 2006,
Ardalia

“seûl sur le saableuh lé zyeus din l’ôôô, mon rêve était trop bôôô…” le mien a vite été foulé aux pieds par mon frère qui me soutenait mordicus que Roch était homo… l’affreux! Mais au moins, Amaury, le copain homo du collège m’a répondu, lui, quand je lui ai demandé comment il plaçait son kiki dans son slip! On pose de ces questions à douze ans!!! mdr Pour avoir vu de près, je sais ce qu’il en coûte, parfois de s’assumer tel quel, alors, toute mon amitié aux homos seuls et perdus dans la jungle intolérante.

40. Le 27 avril 2006,
padawan

@Leto : ton commentaire fait plaisir à lire, dans un sens on s’est aussi battus pour ça. Rien n’étant jamais acquis et l’être humain étant ce qu’il est, avec sa tendance à s’occuper de la morale des autres avant la sienne, je crains que tu n’ai toi aussi l’occasion avant longtemps de défendre ton bifteck.

41. Le 28 avril 2006,
MMB

oh mon dieu la couverture!!!

42. Le 2 mai 2006,
Gilles Klein

Une pensée pour Guy Hocquenghem.

43. Le 3 mai 2006,
Tristan

Ah Capitaine, quelle surprise pour moi de découvrir, au détour de ce billet que, comme moi… tu fréquentais le lycée Carnot ! (Je ne suis pas un ancien de Carnot, mais tous mes amis y étaient).

44. Le 3 mai 2006,
Francois M.

Minoritaire es-tu Laurent, comme moi-même mais différemment, il devrait y avoir une majorité de personnes à ton image, c’est-à-dire faites en quelque sorte de courage. Bravo.

45. Le 5 mai 2006,
Henri-Pierre

Quelles déambulations hallucinées entre rue Sainte-Anne et Tuileries, la peur au ventre d’être “reconnu”. Once upon a time…

46. Le 17 mai 2006,
giovanoli

je n’ai pas conservé mon premier gai pied - mais ton commentaire vient de me projeter brutalement exactement à la même date - au même âge - au même émoi. Toutefois - je n’étais pourtant pas ” une idiote ” mais mon premier souci fut en retirant le grand magazine de sous mon blouson d’arpenter les nombreuses pages roses des petites annonces - et c ’est ainsi que j’ai connu ma première relation sexuelle, dont je dois 24 années après, avoir quelque part ses coordonnées ! merci de ce petit instant de mémoire

47. Le 22 avril 2007,
Fabrice

merci pour ces souvenirs, je suis moi même un grand fan de ce magazine, le magazine gai pied a été une révélation de mon homosexualité. J’avais à cette époque 13a presque 14a, que de branlettes la nuit et que fantasmes sur ces mecs. J’ai franchis le pas avec quelqu’un de ma famille pendant les vacances qui lui aussi lisait ce magazine. Ma toute première expèriences, j’avais 14a

48. Le 5 mai 2007,
pierre

Je n’avais pas tout à fait 14 ans et j’habitais un petit village dans les Landes. Je savais bien que j’étais un peu “à part”, et pas uniquement parce que je n’avais pas grandi dans la région. Punk introverti au look hippie, cheveux aux épaules, jeans délavés aux ourlets successifs pour avoir grandi trop vite, je faisais un peu tâche au milieu des Landais. Les mecs surtout. Je sentais un malaise, j’étais déconnecté. Et puis un jour, je suis tombé sur la nouvelle dans le journal: “LE” magazine va sortir ! “LE” premier magazine ! “LE” numéro 1 ! Problème: il n’y a que 2500 habitants dans le village, une seule Maison de la Presse, et tout le monde se connaît. Comment vais-je acheter “ça” sans me faire définitivement repérer comme tordu ou zarbi ? Mais bon, c’était le premier magazine jamais publié en France, je n’allais pas le rater… Donc, après quelques jours d’hésitation, au milieu de l’après-midi quand la plupart du village est à la sieste, je me dirige vers le vendeur de journaux. Merde merde merde, je devrais pourtant être capable d’acheter une revue, non ? Le souvenir me tournait dans la tête des quelques camarades de classe qui se foutaient déjà un peu de moi tandis que les autres restaient silencieux parce que ça les dépassait. Mais j’étais surtout envahi par le sentiment clair que j’étais trop jeune pour ça - ce n’était pas de mon fait, évidemment, je savais d’où venait mon attraction, je savais que je pourrais comprendre. C’était le monde autour de moi qui me pointait du doigt comme une bête curieuse. Enfin… Me voilà en face du vendeur, mes 10 Francs préparés dans la poche, les mains moites, et rouge de honte, je me mets à bredouiller: “Euh… vous avez le magazine Micro Systèmes, s’il vous plaît ?”

Septembre 1978: le premier magazine de micro-informatique en France. Moi aussi, j’ai filé dans ma chambre avec mon magazine pour bidouiller mon machin et attendre en solitaire la fin du collège et du lycée avant de mettre les voiles et découvrir le vaste monde. J’ai laissé derrière deux kits à microprocesseurs et quelques taches de soudure. Et oui, amis pédés, je vous comprends.

49. Le 1 février 2008,
Anne Onyme

Je regrette que ce magazine n’éxiste plus, j’espère dans l’avenir qu’un notre magazine existera identique à celui-ci.

Philippe.

Blah ?