Journal de bord

mardi 28 décembre 2004

L’enfer de Khao Lak

“Soyez l’un des premiers à découvrir notre nouvel hôtel en Thailande, Le Méridien Khao Lak Beach & Spa Resort, situé dans la province de Phang Nga, au Nord de Phuket. Vous serez séduits par sa plage paradisiaque, l’élégance de son décor d’inspiration Thai et la diversité des activités qu’offre la région.”
[Le Méridien]

Aujourd’hui, à 15 heures, le site français des hôtels Le Méridien nous propose encore, en page d’accueil, de découvrir leur “nouveau paradis” en Thaïlande, le Méridien Khao Lak Beach & Spa Resort [copie d’écran de la page d’accueil].

C’est vraiment dramatique et inconséquent pour une entreprise de ne pas avoir un site Web à jour, surtout en situation de crise comme aujourd’hui, et pour une société comme Le Méridien Hotels & Resort. Il n’y a même pas trace d’un quelconque communiqué sur la situation qui serait accessible en page d’accueil. Et proposer de gagner des nuits d’hôtel à Khao Lak, cela relève maintenant du plus parfait humour noir, surtout pour les familles de victimes.

On peut se demander à quoi sont payés bien des Directions de la communication et bien des prestataires de services Internet…

Il faut savoir que Khao Lak est sans doute le point le plus touché de la côte thaïlandaise et que l’on en était sans nouvelles jusqu’à aujourd’hui. Les premiers récits qui en viennent font état d’un véritable enfer. Ce mardi, les sauveteurs auraient retrouvé 770 corps sur la seule plage de Khao Lak. Un bilan qui, selon eux, pourrait dépasser le millier, lorsque les 5 000 chambres des dizaines d’hôtels construits sur les bords de la mer d’Andaman auront été fouillées. Et Yanyong Korpetch, propriétaire d’un modeste hôtel, estime que 5 000 touristes étrangers ont été tués à Khao Lak [source Reuters]. Dans les heures qui viennent, nul de doute que Khao Lak va devenir synonyme de cauchemar et d’enfer. (Et aussi que cette encombrante tragédie va traumatiser les autorités thaïlandaises soucieuses de protéger la ressource économique du tourisme.)

Voici à quoi ressemble la plage de Khao Lak ce matin (photo Bazuki Muhammad /Reuters), le coin de paradis où Le Meridien vous propose de gagner un séjour :

Khao-Lak

Ça vous tente ? Alors remplissez vite ce formulaire de participation pour avoir la chance, vous aussi, d’être séduit par la plage paradisiaque de Kaoh Lak.

1. Le 28 décembre 2004,
Dam

Heu t’a pas l’impression que refaire les plaquettes de l’hotel c’est p.e. un peu le dernier de leur soucis là ? il sont en train de fouiller l’hotel a la recherche de client mort …

2. Le 28 décembre 2004,
Laurent

Non, je ne pense pas que le “brand manager” à Londres soit en train de fouiller dans la boue avec ses petites mains, et il doit bien y avoir un responsable du site Internet (vous connaissez Internet, ce média si réactif ?…) qui pourrait se dire “tiens, on n’avait pas un concours Khao Lak en ligne ? C’est plutôt malvenu pour un endroit où il y a eu des centaines de morts”.

En situation de communication de crise, Internet est un vecteur aujourd’hui incontournable. Je ne fais donc que souligner une certaine incompétence en matière de communication.

3. Le 28 décembre 2004,
michel

Tous ces gens allongés dans l’indolence à Khao Lak, ça laisse rêveur. Le service de plage laisse à désirer par contre, où sont les transats et les parasols ?

4. Le 28 décembre 2004,
plam

Il y a quand meme qques mots sur leur site cf. http://khaolak.lemeridien.com/ et http://www.lemeridien.com/southeastasia.html

5. Le 28 décembre 2004,
Laurent

Quant à Sofitel, dont un hôtel a été entièrement ravagé (Sofitel Magic Lagoon Resort), avec sans doute plusieurs centaines de morts, son site s’est effondré sous l’afflux des connexions et est en ce moment inaccessible.

La maison mère, le Groupe Accor a mis en place une version crise de son site.

6. Le 28 décembre 2004,
AutchoZ

Le texte de la page sur le Sofitel a été changée depuis cet après midi. Mais le reportage photo de l’hotel avant la catastrophe était toujours en ligne.

7. Le 28 décembre 2004,
racontars

On fait de qu’on peut :-) Ça me rappelle un malheureux article sur le Base Jump qui est passé dans le même numéro que la tragédie su World Trade Center. Ça nous a foutu les boules, mais au moment de l’attentat, ces pages étaient imprimées depuis déjà deux jours… Aujourd’hui, on a remaniernotre dossier aventure pour en enlever tout ce qui avait trait aux régions touchées par le raz de marée. On a pu parce qu’on est ecore au début de la concepion du journal. pour la réactivité sur le site, oui, on se dit qu’on pourrait mieux faire… Mais va savoir. Peut-être que leur webmaster est à Kao lak… Plus sérieusement, ces sites institutionnels sont nettement moins souples qu’il n’y paraît car ces entreprises n’investissent qu’un minimum dedans, surtout au niveau du personnel.

8. Le 29 décembre 2004,
Fred

Faudrait aussi demander à nouvelles frontières, jet, fram, havas… etc… de retirer leurs catalogues, d’arrêter les réservations en lignes, de supprimer toutes les photos des sites…

Franchement je pense aussi que le management doit avoir autre chose à penser et à faire, en communication de crise, que de refaire le site internet !

9. Le 29 décembre 2004,
karl

Je ne suis pas sur que cela n’est aucun rapport du tout. Et cela n’a meme pas avoir avec une question de decence. Les gens sont surement en train de gérer les émotions, la catastrophe, la surprise, savoir quoi faire ou ne pas savoir.

Bien sûr, on peut faire de l’humour, même noir. :) Je n’ai pas de problèmes avec cela. En revanche l’indignation pour le manque de rapidité. Bof.

Tout le monde serait exactement dans la meme situation dans plein de cas. La mort n’est jamais des proches comme des personnes distantes est toujours quelque chose difficile à gérer a n’importe quel niveau. Cocasse, innappropriée, maladroit, drole, triste, dramatique, etc.

10. Le 29 décembre 2004,
Laurent

Certains font allusion à la communication papier… qui a bien entendu pas la même souplesse que celle sur Internet. Le problème n’est pas là et il n’y a pas de parallèle à faire. Je pense que ce genre de “couac” démontre la difficulté qu’ont beaucoup d’entreprises à maîtriser le média Internet, et ses spécificités. Mais peut-être ai-je une vision déformée en tant que producteur de sites pour grandes entreprises, et notamment pour certaines où des modules de communication de crise sont prévus dès la conception du projet. C’est une obligation pour tous les secteurs sensibles comme le transport par ex. Fred > justement, en situation de crise, les services com devraient penser Internet en priorité. Car de plus en plus le public se tourne vers ce media en cas de crise. Et qu’il permet une réaction rapide. Si vous avez un proche dans un hôtel, un bateau, un avion, un magasin, ou que sais-je encore où il y a eu un grave problème, votre première réaction est d’aller sur le site Internet de l’entreprise et vous vous attendez à y trouver une information dédiée. C’est le job d’un service de communication. S’il n’est pas fait, il est mal fait, voilà tout. Je ne pense pas que passer un coup de fil à l’agence conceptrice du site pour leur demander de virer le concours Kaho Lak eut demandé énormément d’énergie et d’à-propos. C’eût été le minimum. Mieux encore, je crois que c’est le rôle de l’agence d’anticiper et de contacter son client si ce dernier n’a pas réagi.

11. Le 29 décembre 2004,
Laurent

“Le problème de base est la culture de communication de ces grands groupes, peu réactifs, obnubilés par le cours de leur action et pour qui les relations publiques sont exclusivement limitées à une caste très sélect d’actionnaires, d’analystes financiers et de journalistes. La direction générale a rarement l’habitude de communiquer avec le client de base, et quand cette habitude n’existe pas naturellement en temps normal, elle fait très cruellement défaut en temps de crise. Le résultat de cette culture est encore visible trois jours après la catastrophe, il est affligeant.”

Le Padawan rebondit sur le sujet de la communication de crise.

12. Le 29 décembre 2004,
Fred

Dieu merci, le numéro de téléphone pour les réservation an Asie-Pacifique est un numéro vert. Il ne vous en coutera rien.

13. Le 29 décembre 2004,
karl

je pense que le problème… c’est justement la « culture » de communication. :))))

Instrumentalisation de toutes les notions, efficacité, finalité, maîtrise, etc. Bien que je sois d’accord que l’on puisse faire ceci ou faire cela. Que l’on optimise, que l’on conditionne, que l’on normalise (eh oui), que l’on paramètre, que l’on mette en boite, etc.

Il ne reste que la catastrophe, l’humain, l’erreur, l’imprévisible reste quelquechose qui moi me rassure au contraire. S’il n’y avait plus cela, il n’y aurait plus de créations, on vivrait au pays joyeux des montres gentils, au pays de candys, etc. C’est exactement le même problème avec la mort, car les gens meurent bien souvent dans des hôpitaux de façon anonyme et clinique, et qu’une personne qui à la « chance » de veiller un mort, cela n’existe plus. A force de mettre trop de distance entre notre vie et les réalités brutales des événements qui nous entourent, on vit dans un monde aseptisé que l’on ne sait plus gérer, lorsque l’irréparable se passe.

La gestion de crise c’est avant tout savoir gérer son émotion humaine en connaissant, en ayant vêcu.

Blah ? Touitter !