Journal de bord

vendredi 7 janvier 2011

Reblochon, tartiflette et marketing

Vers 1980, peu après le succès des “Bronzés font du ski”, des affineurs savoyards soucieux de se débarrasser de leurs stocks hivernaux de fromages coulants font la promotion d’une recette au Reblochon, inspirée de la réellement traditionnelle fricassée de tartifles (pommes de terres et oignons poêlés, mais sans fromage, “tartifla” voulant dire pomme de terre en savoyard). On lui donne le nom de “Péla”, du dialecte savoyard “péla”, déformation du français “poêle”, “poêlée”, qui autrefois désignait dans les Aravis les soupes épaisses, les bouillies et le contenu de l’auge à cochons.

La recette se répand comme une traînée de poudre dans les stations de ski savoyardes, se voit enrichir de lardons et de crème fraîche. Ce serait un restaurateur de La Clusaz qui l’aurait rebaptisée “Tartiflette” pour se différencier des concurrents proposant la “Péla des Aravis”. Le succès de cette invention chez les “touristes parisiens” (qui sont si cons qu’on peut leur vendre un terroir de pacotille) fut si fulgurant que nombreux sont ceux qui croient encore que la Tartiflette est une recette traditionnelle de la Savoie. Il s’agissait alors de stimuler les ventes du fromage, mission pleinement réussie et activement soutenue à l’époque par le Syndicat interprofessionnel du Reblochon.

Aujourd’hui, le Reblochon est victime de son marketing. Dans l’esprit des gens “Reblochon = Tartiflette”, un fromage gras à faire fondre sur des patates. Il en résulte également une extrême saisonnalité des ventes, peu de Français ayant le goût de manger de la Tartiflette en été. Le mot d’ordre est désormais de “sortir le reblochon de son image tartiflette”, et ce n’est donc pas un hasard si le site Reblochon.fr ne fait aucun état de la Tartifllette (juste cachée dans son annuaire de recettes et rebaptisée “Reblonchonnade”).

En mars dernier, on a même vu une opération chez les blogueurs :

Loin des idées reçues, c’est à la belle saison que se savourent les meilleurs Reblochons, quand les troupeaux de vaches vivent en alpage… Oubliez un instant la tartiflette et autres recettes d’hiver, surprenez-nous en cuisinant ce fromage AOC en version estivale !

Le concours de recettes du Reblochon de Savoie s’adresse à tous les bloggeurs gourmands. A vos couteaux et casseroles, les recettes les plus créatives remporteront les faveurs du jury ! Idées tapas, saveurs d’ailleurs, option brunch, ambiance fruitée ou fleurie, toutes les folies sont permises…

Si vous voulez de la vraie gastronomie savoyarde, mangez donc du civet de marmotte.

1. Le 7 janvier 2011,
Mr Peer

Et à l’inverse certaines marques lancent du « fromage à tartiflette » pour ne pas dépendre des petits producteurs de Reblochon.

2. Le 7 janvier 2011,
TiBo

N’empêche, la tartiflette, c’est vachement bon, rebus de stocks hivernaux ou pas.

3. Le 7 janvier 2011,
Olivier

J’attends ta réaction sur la légende de Quézac.

4. Le 7 janvier 2011,
Charles Nepote

Bravo Laurent. D’autant que la gastronomie traditionnelle savoyarde regorge de plats méconnus. Il y a quelques jours encore je me régalais de délicieux crozets — qu’on trouve pourtant même à Marseille !

Au passage, dans certains village comme à Morzine, la pomme de terre se dit “triffle”. Je suppute un rapport avec les “truffes” qui se trouvent aussi sous terre. Et “tartifle” (écrit “tartifla” mais le “a” final est atone) me parait être un dérivé de “triffle”. Et par rebond, je me suis toujours demandé ce qu’était le fameux Savoy Truffle des Beatles… Un dessert au chocolat si j’en crois http://kol.coldfront.net/thekolwiki/index.php/Savoy_truffle Mais y a-t-il un rapport étymologique ou culturel avec nos triffles savoyardes ?

5. Le 7 janvier 2011,
Laurent Gloaguen

@Charles : tout ce que je sais est qu’il y a de nombreuses variantes d’une vallée à l’autre, katifla, tartifla, tertiffe, tartufla, tiféra, tifra, trafola, tufla, etc.

6. Le 7 janvier 2011,
Karl, La Grange

cela pose la question intéressante : « À partir de quand, le lancement d’un produit devient une tradition régionale. » Ce que wikipedia en dit

Selon la légende, le camembert de Normandie aurait été mis au point en 1791 par une fermière de Camembert, Marie Harel, avec les conseils avisés d’un prêtre réfractaire originaire de Brie, réfugié chez elle. En fait, Thomas Corneille, frère de Pierre, l’auteur du Cid, mentionne déjà le camembert dans son dictionnaire géographique publié en 1708. À partir de 1916, il fait partie de la ration des poilus, soldats français de la Première Guerre mondiale. Ceci contribuera à le faire connaître dans toute la France2.

La poutine) semble avoir son lot de légendes aussi. Le bagel de Montréal. La Teurgoule.

7. Le 7 janvier 2011,
Marie-Aude

Cela dit le Reblochon c’est super bon, déjà à deux ans j’en mangeais un demi d’un coup :D et c’est du massacre de faire fondre ça dans une tartiflette

8. Le 10 janvier 2011,
kalgan

Charles: ça vient en effet de la truffe, on trouve la même racine dans l’allemand kartoffel. Le hasard faisant bien les choses, le Karambolage d’hier soir parlait justement de l’origine des mots patate/pomme de terre/kartoffel. Visible pendant une semaine sur http://videos.arte.tv/fr/videos/karambolage-3624748.html

Blah ? Touitter !

Intégration

Dans mon entourage, tout le monde adhère à des valeurs banales : la liberté, l’honnêteté, le respect de l’autre, le respect de la loi républicaine… Comme la plupart des Occidentaux. Peut-être la fierté et l’honneur sont-elles un peu plus glorifiées dans les cultures méditerranéennes que dans les pays nordiques, mais non seulement je n’en suis pas persuadé, mais de plus, je ne vois pas trop en quoi ça poserait problème. Restent quelques habitudes culturelles visibles : le Ramadan, le régime alimentaire sans porc, dissimuler ses cheveux pour les femmes… Et alors ? En quoi, objectivement, cela vous nuit-il personnellement ? Est-ce que votre courrier arrivera moins vite si la préposée au guichet de la Poste porte un voile ? Est-ce que l’existence d’un rayon hallal au supermarché vous empêche de faire vos courses habituelles ? Bien sûr que non.

Ad Virgilium : “Intégration”.

Un beau billet à lire dans son intégralité.

1. Le 8 janvier 2011,
Jujupiter

Un mythe s’écroule! On m’a toujours présenté la tartiflette comme LE plat traditionnel. Quand je fais du CouchSurfing, je le cuisine pour mes hôtes, style “échange culturel”. Y a même un album photos de tartiflettes sur mon profil. Que vais-je faire maintenant, de la purée Mousline?!

2. Le 8 janvier 2011,
Jujupiter

Oups, j’ai tapé dans le mauvais article.

3. Le 8 janvier 2011,
Franck

Jujupiter, non c’est le bon article, il suffit de faire de la purée muslim et le tour est joué ;-)

4. Le 8 janvier 2011,
Cedric

Je ne me penche que sur l’extrait.

La grande différence, et elle est de taille, c’est qu’une institution comme la religion (n’importe laquelle), totalisante comme un Etat, soit autorisée à venir se superposer/s’opposer à l’Etat via les signes et les pratiques même triviaux qu’elle décrète, l’Etat qui je le rappelle a le double monopole de la violence comme toute institution totalisante.

Car il est question dans les religions de vérité révélée, c’est-à-dire la porte ouverte à tout et n’importe quoi en terme de violence interdite et exercée par la dite institution religieuse. Et ça, l’obscurantisme, aussi belles que soient les valeurs promues par le marketing religieux, ça peut me nuire personnellement.

Blah ? Touitter !

Culture de navets au Québec

Je ne comprends pas. Au Québec, on arrive à produire de gros navets comme le récent L’Appât d’Yves Simoneau avec l’omniprésent Guy Lepage et Rachid Badouri, un film d’une telle nullité que même les critiques cinématographiques québécois osent se montrer critiques pour une production nationale (budget de 6 millions de dollars).

Et d’un autre côté, un cinéaste mondialement connu comme Xavier Dolan en est réduit à tendre la sébile sur le Net pour produire son prochain film.

1. Le 9 janvier 2011,
Paul

Concernant Rachid et Guy A. Le Québec, au quotidien, ne peut pas se permettre de distiller sa culture populaire. Sinon, il ne resterait pas grand chose pour meubler 24 heures de TV. Faut prendre le bon quand il passe, et accepter le fait qu’il sera noyé dans beaucoup d’ordinaire. C’est le sort des “petites” nations (je parle purement de population). Pour prendre une image : le Québec a moins de raisin pour une même bouteille, donc notre vin peut parfois goûter l’eau.

J’étais de passage au Québec en plein pendant la campagne médiatique du lancement de ce film. Le preview sentait le Guy A grossièrement caricatural, et le Rachid dans des chaussures trop grandes pour lui (il n’a pas vraiment la carrure d’un Daniel Craig). Ils étaient partout, et ils m’énervaient. Mais bon, les médias n’avaient pas grand chose d’autre à se mettre sous la dent à ce moment là. Ça fait partie des choses qu’il faut accepter quand on vit au Québec. C’est comme partout : y’a d’autres compensations.

En fait, ce qui serait bien au Québec, ça serait d’encourager une “rotation” des visages. Parce que les “bien installés”, comme Guy A., sont constamment dans le paysage, et ça peut devenir lassant.

Mais bon, y’aura toujours des navets, qu’ils proviennent d’inconnus ou des big stars.

2. Le 9 janvier 2011,
Laurent Gloaguen

Il y a un autre visage, certes sympathique, mais encore plus omniprésent, c’est Rémy Girard.

Blah ? Touitter !