Journal de bord

dimanche 10 février 2013

Lecture dominicale

Et d’abord faut-il séparer le criminel d’habitude du criminel de profession ? Cette distinction me paraît bien subtile. Existe-t-il réellement des criminels de profession ? […] À la rigueur on pourrait peut-être encore faire rentrer dans cette catégorie les prostitués hommes, les pédérastes et plus spécialement ceux qu’on a appelés « petits Jésus », ceux qui font commerce de leur corps et en vivent. Enfin certains auteurs considèrent encore comme telles les prostituées. Mais peut-on dire qu’une femme qui vend son corps soit une criminelle de profession ? Le pédéraste lui, commet un crime contre nature, une chose abominable et impie. La prostituée ne froisse en rien les lois de la nature. Les anciens ne les appelaient-ils pas les servantes des dieux et dans les fêtes païennes des Dyonisiaques où le phallus était glorifié, ne tenaient-elles pas les places d’honneur ? Aujourd’hui encore les Chinois ne leur donnent-ils pas le premier rang dans leurs processions ? Sans doute les anciens se montraient peu sévères, car faire de son corps une chose mercantile, trafiquer de l’amour, exploiter les passions et les faiblesses humaines, est un métier peu estimable, mais dire que ce soit un crime, c’est tomber dans l’excès contraire. D’autre part, si la prostituée en vendant son corps commet un crime, l’homme qui va avec elle, contribue à la perpétration du même crime. Or si l’on prenait jamais la population masculine d’une grande ville et qu’on dise au juge de faire son choix, y trouverait-il dix justes ?

D…, dix-neuf ans, saltimbanque, né à Paris, a perdu jeune ses parents, sur lesquels il ne peut donner que peu de renseignements. Son père était un ivrogne ; il est mort jeune. Sa mère était une coureuse d’hommes.

Jeune encore il s’engagea dans une troupe de saltimbanques où il faisait le clown. Toute son existence s’est passée au milieu de ce monde corrompu ou en prison.

C’est un garçon à la figure douce et même sympathique, aux belles formes d’adolescent, aux cuisses arrondies comme celles d’une femme, à la peau blanche et presque sans poils, au corps d’Apollon Musagète. Quoiqu’il ait des organes génitaux bien développés (sa verge mesure à l’état flasque neuf centimètres de longueur et onze centimètres de circonférence), il n’a que de la répugnance pour la femme et n’éprouve du plaisir qu’avec un être de son sexe ; il préfère le rôle passif. Paresseux, ivrogne et hâbleur, il se déclare prêt à commettre n’importe quelle action pourvu qu’elle lui rapporte. Il a déjà subi plusieurs condamnations pour ivrognerie, vol, rixes.

Ce débile, outre sa triste odyssée dans les prisons, est intéressant à un autre point de vue : on retrouve en lui un de ces cas de pédérastie passive décrite par l’allemand Marx dans son livre Die Urning liebe. Comme on le voit, l’inversion sexuelle est ici alliée à une sorte d’effémination.

Il est un syndrôme qu’on rencontre beaucoup plus fréquemment parmi les criminels, c’est l’inversion sexuelle. J’ai observé, en particulier, plusieurs cas d’invertis pédérastes passifs de ceux que Magnan classe dans la catégorie des spinaux cérébraux antérieurs, c’est-à-dire dans la catégorie de ces individus chez qui le point de départ du réflexe, qui amène le désir et en même temps la sensation, se trouve, comme chez les gens normaux, dans les centres corticaux antérieurs, mais chez qui le penchant et l’idée sont maladifs. C’est, dans les cas que j’ai observés, « l’amour exclusif et invincible d’un individu pour un individu du même sexe que celui dont il fait morphologiquement partie, avec indifférence ou répulsion pour un individu du sexe opposé au sien. » Pour ne pas allonger inutilement ce chapitre, je n’en citerai qu’une observation, la plus curieuse de toutes celles que je possède.

F… est un individu âgé aujourd’hui de quarante ans, né à Paris. Son père était épileptique. Une de ses tantes paternelles était hystérique : elle est morte folle. Un de ses oncles paternels est mort subitement, probablement d’une attaque d’apoplexie ; une fille de ce dernier est morte folle. Sa mère était une femme nerveuse, violente ; elle est morte jeune, il ne sait pas de quoi. Deux de ses frères sont morts en bas âge de convulsions.

F… a eu également des convulsions étant jeune. Il a marché très tard et il avait un gros ventre. Il se rappelle que quand il a fait sa première communion, c’est-à-dire vers l’âge de onze ans. il ne savait pas encore parler. Bien qu’il soit allé assez longtemps à l’école, il n’a jamais pu apprendre à lire, ni à écrire, et il assure que tous les parents de son père sont dans le même cas.

F… fut, élevé en Normandie, chez une de ses tantes, où on l’employait pour garder les vaches. Il reçut là plus de mauvais traitements que de caresses ; mais il reconnaît lui-même qu’il était un méchant enfant, violent, coléreux, plein de rancune. Pour un rien, pour un oui ou un non, il cassait tout ce qui lui tombait sous la main, frappant et mordant rageusement. Son indiscipline et son indocilité le rendant inapte à tout travail ; à onze ans, sa mère l’engagea comme mousse. Mais là, comme ailleurs, on n’en put rien faire, et ses parents durent le reprendre.

F… raconte qu’à cette époque, à la suite d’une fessée bien méritée et vigoureusement appliquée, il entra dans une violente colère suivie d’une attaque de nerfs. D’autres attaques se seraient reproduites depuis, assez fréquentes et assez régulières ; néanmoins, il ne m’a pas été permis d’en constater pendant son séjour à l’infirmerie centrale. Son caractère excentrique et bizarre, une propension presque naturelle à mentir et à cacher la vérité, m’ont toujours fait élever des doutes sur l’authenticité réelle de ces attaques nerveuses.

F… est un individu de 1m66 de taille, aux cheveux châtains, aux yeux bleus, aux orbites proéminents, au nez fort, au front plat, mais sans asymétrie faciale. Il n’a que quarante ans : sa figure ravagée ferait plutôt croire à cinquante. Il présente un tremblement très prononcé des mains et avoue, d’ailleurs, avoir fait beaucoup d’excès de boisson. Ses nuits sont troublées par des cauchemars terrifiants, et ses membres sont agités par des secousses qui lui enlèvent presque tout sommeil.

Il se plaint constamment d’élancements entre les deux épaules et au creux épigastrique, et une céphalalgie violente sans cesse le martèle au front. Il a quelquefois de l’incontinence d’urine pendant la nuit.

De plus, il présente une anesthésie presque complète de toute la surface cutanée : quand on le pique, qu’on le pince ou qu’on le brûle, il ne réagit point ; la sensibilité semble avoir disparu sous tous ses modes. Il voit bien clair et ne présente pas de daltonisme ; mais son acuité auditive est considérablement diminuée, surtout à gauche. L’odorat est également très émoussé : il ne perçoit pas l’odeur du chloroforme, de l’acide acétique, mais il sent faiblement l’ammoniaque. [On sait avec quelle habileté et quel stoïcisme simulent ces sortes d’individus, et cela pour l’unique plaisir de mentir. Aussi tous ces phénomènes d’anesthésie ne m’ont que médiocrement convaincu, malgré des expériences fréquemment répétées. Faux ou non, j’ai cru devoir les rapporter pour être sincère et complet.]

F… n’a pas le moindre esprit de suite, pas de coordination dans les idées ; à tout instant il se répète, oubliant ce qu’il a dit une minute avant.

Sa mémoire est incertaine et infidèle, et il est obligé de faire des efforts considérables, de longues et pénibles recherches pour retrouver le fil de ses idées et reconstituer les faits de sa misérable existence. De plus, il présente un certain embarras de la parole et même un léger défaut de prononciation : ainsi, sans s’en apercevoir, il dit devant moi édledon pour édredon, etc.

Il a subi quatre condamnations, toutes pour vol de poules ou de lapins. Il fut condamné pour la première fois à l’âge de trente-six ans. Il assure qu’une force presque irrésistible le poussait à voler. « Toutes les nuits, dit-il, j’avais les poules en tête. » Il fallait qu’il se levât, et il ne recouvrait le calme qu’une fois le vol accompli.

Ce seraient bien là les caractères d’une impulsion et, par suite, F… serait un kleptomane. Mais, je le répète, je n’attache que très peu d’importance à tous ses dires.

Essayons maintenant d’étudier et d’analyser sa vie génitale.

F… avoue qu’il a commencé à se masturber vers l’âge de deux ans, et qu’à cette époque il se masturbait au moins deux ou trois fois par jour. Actuellement, lorsqu’il se trouve en prison, il se masturbe à peu près tous les jours une fois. Ses organes génitaux sont bien développés et normalement conformés.

Vers l’âge de treize ans, F… vint à Paris. Après avoir essayé différents métiers, après que son caractère insupportable, sa méchanceté précoce et ses mensonges l’eurent fait renvoyer de partout, il se trouva un jour dans la rue sans argent et sans abri, errant sur le pavé de la capitale. Il marchait, étonné et comme ébloui, au milieu de ces rues bruyantes et populeuses, ne pensant qu’à une chose : à la faim qui lui tenaillait l’estomac ; il fut abordé par un riche étranger d’une trentaine d’années environ, à qui il raconta son embarras et son abandon. Celui-ci parut touché et lui offrit de le prendre à son service comme groom, ce qui fut accepté avec le plus vif empressement. Immédiatement il suivit son nouveau maître. La première journée fut employée à le baigner, à l’oindre d’essences odorantes et à l’habiller de soie. Le soir même on l’amena dans la chambre de son maître, qui le déshabilla de ses propres mains, lui baisant le visage et toutes les parties du corps comme il eût fait de sa maîtresse. L’enfant, étonné, ne disait rien et se laissait l’aire sans comprendre. Son étonnement redoubla quand son maître le prit dans ses bras et le porta dans son lit ; là, il l’obligea à le masturber, se livrant ensuite sur lui à des tentatives de sodomie qu’un sphincter vierge et résistant rendit d’abord impossibles, puis douloureuses les nuits suivantes, et bientôt faciles par une habitude presque quotidienne.

À partir de ce moment, tel fut le rôle de F…, qui manifesta plus d’étonnement que de révolte et se laissa facilement convaincre : il devait, le jour, obéir aux ordres de son maître, et, le soir, doubler son lit d’un amour odieux. Pendant près de dix ans il resta au service de cet homme, lui servant chaque nuit de Bathyllos. Il le quitta je ne sais trop pourquoi et se plaça comme valet de chambre chez une vieille dame, et ensuite chez le prince de X… Mais, en quittant la livrée de son premier maître, il n’avait point dépouillé le vice que celui-ci lui avait mis au sang. Quand son travail était terminé et qu’il avait quelques heures de liberté, il s’en allait dans les rues et les passages, l’œil provocant, la démarche lascive, les lèvres souriantes, trouvant presque toujours un client qui consentit à le suivre.

En ce temps-là, il tirait volontiers profit de ce trafic de son corps. Mais bientôt ce qui n’était qu’un vice devint une passion, un besoin impérieux et irrésistible. Il fallait qu’il se livrât à des hommes ; il le fallait toujours et quand même ; il aurait tout sacrifié pour satisfaire ce penchant abominable. Alors tout ce qu’il gagnait ou volait passait dans les mains de ces drôles éhontés qu’il appelait ses amants. F… était devenu célèbre dans ce monde étrange : il était l’Amanda, la femme à Bec-de-Gaz, individu qu’il devait nourrir comme la prostituée nourrit et entretient son souteneur. Il cessa alors de travailler, vivant de vols et de prostitution. Après Bec-de-Gaz, il prit un autre amant, un gros gaillard à la face luisante et colorée qu’on appelait l’Arabe, et avec qui il habita un certain temps dans un hôtel borgne de la rue Maubuée. Leur chambre servait de rendez-vous à tous les pédérastes du quartier et à leurs amants. Chaque soir il y avait table ouverte chez l’Arabe, et l’Amanda en ménagère intelligente, devait constamment en faire les frais. [Cela expliquerait peut-être mieux que ses prétendues impulsions pourquoi il volait des poules et des lapins.] Chaque soir, nombre « d’aminches » venaient s’asseoir autour du saladier où flambait le kirsch : c’étaient la Muguet, la Georgette, la Camélia, la reine d’Autriche, la Rouquine, drôlesses mâles qu’accompagnaient Vert-de-Gris, Fil-de-Soie, Vol-au-Vent, le Bistrot, Latulipe, etc.

Après l’Arabe, l’Amanda s’accoupla avec un garçon de café qui se faisait appeler Loufiat, et avec qui il resta pendant un certain temps rue Saint-Honoré.

Aujourd’hui, l’Amanda n’est plus que l’ombre de lui-même ; usé, cassé, la face ravagée et ridée, les yeux presque chassieux, il trouve difficilement amateur. Il ne peut plus se déguiser en femme et aller dans les bals de barrière disputer aux demoiselles habituées de ces lieux leurs amoureux en casquette. La prostitution ne lui sied plus guère non plus. Quel enfant de Sodome en délire voudrait maintenant de l’Amanda ? Et cependant sa passion n’est point éteinte : le besoin se fait toujours sentir aussi impérieux, aussi inexorable. Alors il va avec qui veut bien le prendre, humble, docile, recevant toutes les rebuffades.

À la prison, c’est un curieux personnage à observer.

Il prend une voix flûtée, s’essaie à copier les manières et la démarche déhanchée de certaines femmes, recherchant les attitudes provocantes et lascives. Aussi là les amateurs ne manquent point. Mais il aime particulièrement les hommes faits, bien constitués, essentiellement virils et quorum carnes sunt sicut carnes asinorum.

Pendant son séjour à l’infirmerie il commit toutes sortes d’excentricités, et à deux reprises différentes il but de ses urines. Dans un atelier, il frappa un jour d’un coup de stylet un détenu jaloux à qui il avait refusé ses caresses et qui l’avait appelé putain.

J’ai encore étudié, à la Santé, un singulier individu, inverti passif, présentant en outre une autre aberration génésique que, faute d’un autre mot, je désignerai par celui de spermatophagie.

Voici son histoire en deux mots.

G… est un individu de quarante-quatre ans, né dans la Corrèze. Sa bisaïeule maternelle est morte à cent trois ans. Sa mère est morte en couches. Son père est mort fou. Il a des frères et des sœurs ; mais depuis longtemps il les a perdu de vue et ne peut donner aucun renseignement sur eux.

C’est un individu peu intelligent, à la physionomie hébétée, sachant néanmoins lire et écrire. Il avoue avoir fait beaucoup d’excès de boisson, buvant du vin, de l’alcool et surtout de l’absinthe.

Livré jeune à lui-même, G… est venu à Paris à seize ans. Les mauvaises fréquentations l’ont rapidement perdu. Depuis de longues années, il ne fait que sortir de prison pour y rentrer ; il a subi quinze ou vingt condamnations pour vol, vagabondage et attentat à la pudeur.

Les organes génitaux sont normalement conformés. G… avoue s’être beaucoup masturbé, et aujourd’hui encore il se livre à l’onanisme, bien qu’il soit usé et miné par la tuberculose, un pied déjà dans la tombe. De bonne heure il a contracté des habitudes de pédérastie dans les prisons. Il n’aime point la femme, qui, dit-il, ne lui inspire que du dégoût. Préférant le rôle passif, il recherche surtout les jeunes gens pour pratiquer sur eux l’onanisme buccal, et il assure que pour lui le summum de la volupté, c’est « d’avaler le sperme chaud et parfumé » au moment de l’éjaculation.

Ces exemples sont absolument caractéristiques. Il est inutile, je crois, d’en citer d’autres.

Si on trouve parmi les criminels des individus chez qui le sens génital parle haut et fort, on peut affirmer que neuf fois sur dix ces individus ne cherchent que la satisfaction grossière et brutale de l’instinct. Ce sont des mâles qui ont le rut aux flancs, qui assaillent la première femelle qu’ils rencontrent et qui veut bien, mais ordinairement sans choix. Jeune ou vieille, belle ou laide, peu importe ; leur épithélium génital a parlé, il faut qu’ils répondent à son appel et que le besoin soit satisfait. Incapables d’aucun attachement pour la femme, ils ne voient en elle que la femelle, « l’hôtel du besoin », comme ils disent.

Les viols, et surtout ceux commis sur les vieilles femmes et les enfants, ont le plus souvent pour auteurs des fous, des imbéciles ou de ces brutes aux ardeurs génitales insatisfaites.

Ce sont eux aussi qui, en prison, deviennent des pédérastes. Mais ce sont presque toujours des pédérastes par nécessité. Ils n’ont plus à la prison, sous la main, leur marmite soumise et docile, heureuse de leurs caresses brutales. Tout d’abord ils s’onanisent, puis, jetant les yeux autour d’eux, ils voient souvent des êtres juvéniles, des féminisés qui ressemblent un peu à la femme et ont quelques-unes de ses grâces : c’est à eux dès lors qu’ils s’adresseront ; ils trouveront chez ces mâles faibles un heureux dérivatif pour leurs instincts d’animal amoureux. Quelquefois ces individus sont tout préparés et même depuis longtemps rompus à ces pratiques : ce sont les « petits jésus », prostitués mâles, qui, au dehors déjà, faisaient commerce de leur corps et continuent à la prison cet amour mercantile et honteux. Pour une cigarette, un verre de vin, quelques grammes d’alcool, ils se livrent avec un cynisme révoltant, presque sous les yeux des gardiens. Que de fois ne m’est-il pas arrivé de surprendre à l’infirmerie de ces drôles accouplés et aussi peu gênés de ma présence que deux chiens dans la rue !

D’autres individus arrivent en prison avant d’avoir connu ces passions dénaturées et avec un anus vierge. Mais peu à peu les mauvais exemples, les mauvais conseils, les promesses et les menaces des autres détenus, en un mot l’atmosphère morale viciée et pourrie de la prison ne tardent pas à en faire des « fleurs fauchées ». Chez ces êtres faibles, le sentiment de la pudeur s’émousse aussi vite que se prend l’habitude du vice. Comme les autres, ils trouvent qu’il est bien facile de s’éviter une corvée ou de se procurer des douceurs par une complaisance qui coûte si peu. Une fois sortis de prison, ils feront le même raisonnement : ils trouveront plus agréable de vivre à ne rien faire, en se prostituant quelques heures le soir, et, entraînés par les mauvaises connaissances qu’ils auront faites pendant leur captivité, ils iront vite grossir le nombre des « petits jésus » de pissotières et de latrines publiques. Ils retrouveront même dehors les protecteurs de la prison qui, eux aussi, auront pris l’habitude du vice des habitants de Sodome ; ils continueront ce commerce charnel impie commencé sous les verroux et formeront de ces singuliers ménages où le mari est un homme et la femme un adolescent ; ils vivront même de cette union, celui-ci se prostituant, celui-là donnant conseils, aide et protection, en cas de besoin.

Les invertis, et spécialement les invertis pédérastes passifs, si nombreux dans les prisons, fournissent aussi à ces assoiffés d’amour des plaisirs faciles qui rappellent plus ou moins ceux de la femme. Les invertis passifs, en effet, s’ils ne sont pas toujours jeunes, ont néanmoins sur les « petits jésus » un avantage inappréciable : ils se donnent uniquement pour le plaisir et sans exiger la moindre rémunération ; ils appellent d’eux-mêmes ces abominables caresses, et même ils les implorent ; il y a volupté partagée et communion dans l’orgie. Et puis beaucoup d’entre eux savent offrir aux personnages qu’ils appellent leurs amants, des raffinements sur lesquels on ne peut que difficilement compter, paraît-il, avec les « petits jésus ». Beaucoup de ces individus pratiquent l’onanisme buccal uniquement par plaisir et sur tous les détenus qui veulent bien leur faire l’aumône de leur verge pendant quelques instants. Quelques-uns poussent même l’enthousiasme jusqu’à « bouffer la camelotte », comme on dit dans ce milieu distingué. J’ai déjà cité un exemple de ce genre dans le chapitre sur les dégénérés dans les prisons. Je pourrais encore en rapporter d’autres. J’ai connu en particulier un détenu employé à la Santé comme infirmier et qui avait cette honteuse habitude. On l’avait surnommé « la marchande de beurre » ; probablement, me disait un autre détenu, parce qu’il distribuait avec largesse autour de lui le beurre de la volupté.

Lorsque, dans les bagnes on les maisons centrales, les « petits jésus » ou les « tapettes » se font rares, les criminels, n’ayant plus ces images de la femme, sont obligés de se suffire à eux-mêmes. Alors des ménages se forment où il y a échange réciproque de complaisances et de caresses ; l’homme d’aujourd’hui sera la femme de demain et vice versa.

Enfin, ces êtres aveuglés par l’instinct génital ne s’arrêtent pas à ces actes sodomiques ; la bestialité a aussi pour eux des attraits. J’ai déjà cité un individu, sorte d’imbécile aux mauvais instincts, qui avait violé des brebis. M. Lagesse, directeur de la prison de la Santé, à qui j’ai bien souvent signalé ce commerce honteux d’homme à homme chez ses détenus, m’a plus d’une fois raconté que lorsqu’il était directeur d’un pénitencier agricole en Corse, toutes les chiennes avaient dû en être exclues, parce que les condamnés pratiquaient sur elles le coït, selon le mode dit de la brouette, et leur donnaient ainsi des inflammations et différentes maladies de la vulve et du vagin.

À côté de ces individus, qui ne cherchent que les satisfactions brutales et grossières, on trouve bien parmi les criminels quelques détraqués héréditaires présentant des perversions plus ou moins immatérielles de l’instinct sexuel, quelques pédérastes platoniques s’éprenant pour un adolescent aux grâces d’éphèbe hellénien d’un amour vraiment socratique et où les sens n’entrent pour rien. Mais ces faits sont tout à fait accidentels.

Il y en a aussi quelques-uns qui souffrent cruellement d’être privés des plaisirs vénériens, mais qui, devant les offres de la pédérastie, se détournent, pris de dégoût, comme les anges se détournèrent de Sodome. Mais ces détenus sont rares également.

Enfin, si je voulais résumer mon opinion générale sur les habitudes génitales des criminels, je laisserais de côté ces exceptions dont je viens de parler et je ne verrais parmi eux que deux catégories : les individus aux instincts sexuels apaisés ou éteints et ces mâles aux appétits violents qui cherchent et trouvent facilement dans la pédérastie les satisfactions qu’ils demandaient autrefois aux prostituées de bas étage.

À côté de ces accidentels, on a les habitués, ceux qui font métier de la prostitution, et en particulier les pédérastes, qui se font pincer en raccolant trop ouvertement ou en s’adressant à des gens vertueux et mal disposés. Tous les jours les agents des mœurs arrêtent un certain nombre d’individus pour ce motif.

D.… quarante-quatre ans, originaire de Bar-sur-Seine, est un ancien frère ignorantin. Chassé d’une maison religieuse pour inconduite, il vit depuis plusieurs années de pédérastie. Des agents l’ont trouvé accouplé avec un autre individu dans les pissotières de la place Saint-Sulpice. Bien que ce soit sa première condamnation, il présente des signes physiques évidents de pédérastie passive. (Voyez fig. 69.)

Signes physiques évidents de pédérastie passive

C… est un garçon de dix-huit ans qui a perdu ses parents très jeune. Faible de caractère et de volonté, nature froide, indifférente et sans énergie, livré de bonne heure à lui-même, il prit vite des habitudes de paresse qu’il ne put conserver qu’en se prostituant. On l’a arrêté ces temps derniers en train de raccoler les passants par le système dit de la dentelle ou des pattes d’araignée.

[Il est ici une remarque importante à faire : c’est qu’il arrive assez fréquemment qu’on arrête des individus qu’on croit coupables d’outrage public à la pudeur et qui cependant sont innocents. Le professeur Brouardel a insisté sur ces faits d’individus atteints de rétrécissements uréthraux, de cystites, de prostatites, et qui font dans les urinoirs de longues et nombreuses stations. Les agents croient qu’ils raccolent et les arrêtent. Ce sont tout simplement des malheureux victimes d’une maladie douloureuse et tics gênants. J’en ai, pour ma part, observé un exemple irrécusable.]

Quant aux attentats à la pudeur commis sur des enfants, ils ont presque toujours pour auteurs des gens ivres, des invertis ou des vieillards. Dans l’un comme dans l’autre cas, il y a une espèce d’anéantissement du sens moral. La vieille femme comme l’enfant peuvent allumer des désirs criminels dans l’âme obnubilée de l’ivrogne. J’ai vu un absinthique condamné à huit ans de prison pour avoir fait des attouchements obscènes sur une fillette de sept ans.

Enfin, j’ai montré dans le chapitre précédent deux types de souteneurs admirablement musclés : leurs testicules et leur verge n’étaient pas moins dignes d’admiration et répondaient au reste. J’en ai vu un autre qui, bien qu’âgé de quarante-cinq ans, savait encore plaire aux filles, grâce à la magnificence de ses organes génitaux. Sa verge mesurait à l’état flasque treize centimètres de long et douze centimètres de circonférence au niveau du gland.

« Vous devez être bien fier, lui dis-je, de posséder un aussi bel organe ! — Ah ! Monsieur, répondit-il avec cynisme, sans cela il y a longtemps que je serais mort de faim. Néanmoins, ajoutait-il, cela m’a fait perdre quelquefois de bonnes occasions. Avec ça, voyez-vous, on ne passe pas facilement partout et on est quelquefois forcé d’enfoncer des portes ouvertes ». Quand, à cause de sa maturité, une femme lui résistait, il l’entraînait chez un marchand de vin ou sous une porte cochère et lui montrait sa… supériorité : généralement elle tombait dans ses bras, pâmée et les lèvres humides. Mais il y avait le revers de la médaille : si elle n’était point préparée à recevoir de telles caresses, elle devait passer quelque temps ensuite à l’hôpital pour une métrite ou une péritonite.

Quant aux autres criminels, ils m’ont paru plutôt frêles et exigus dans ces parties, ce qui s’explique facilement par le grand nombre d’infantiles et de féminisés qu’on rencontre parmi eux.

Mais je ne saurais me montrer très affirmatif sur de pareils faits, car, à moins d’avoir assisté souvent à des conseils de révision, la comparaison avec les gens honnêtes est difficile, ceux-ci n’ayant généralement point l’habitude d’exhiber leurs parties sexuelles dans la rue.

Laurent, Émile. Les habitués des prisons de Paris. Étude d’anthropologie et de psychologie criminelles. Paris. G. Masson, 1890.

(Disponible sur Google Books.)

1. Le 11 février 2013,
Celui

Tu penses vraiment qu’on lire un poste aussi long ?

2. Le 11 février 2013,
Laurent Gloaguen

Chacun fait comme bon il lui semble.

Mais ce serait dommage de rater la grosse bite à la fin.

3. Le 11 février 2013,
Joachim

C’est vraiment une grosse bite, ou bien les centimètres ont été réévalués avec le passage à l’euro.

et puis cette remarque :

Bien que ce soit sa première condamnation, il présente des signes physiques évidents de pédérastie passive. (Voyez fig. 69.)

m’a fait me demander, est-ce la moustache qui le catégorise ainsi ?

4. Le 11 février 2013,
Laurent Gloaguen

Franchement, je ne vois aucun “signe évident”… je m’interroge encore.

Et je te rassure, Joachim, je connais des moustachus super actifs.

5. Le 12 février 2013,
Krysalia

celui> pourquoi on ne lirait pas, si c’est intéressant ?

Blah ? Touitter !

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