Les débuts

En 2001, il m’arrive parfois de tomber sur des blogues au hasard de mes pérégrinations quotidiennes sur le Web. Et pour s’entendre, il faut bien comprendre que le terme de “blogue” n’a pas la même acception qu’aujourd’hui et recouvre une réalité différente, et surtout d’une étendue moins large. Un diariste ne peut absolument pas être considéré comme un blogueur. Qui dit blogue, dit hyperliens.

Il y a encore très peu de blogues francophones à l’époque, je dirais quelques dizaines tout au plus. J’avoue ne pas trop comprendre le phénomène sur le moment, je ne me sens pas très concerné. Le blogue n’est pas dans le champ de mes préoccupations.

J’ai alors un site Web personnel, Le Monde de Laurent, publié depuis 1996, un site de plus en plus rarement mis à jour. Il avait fait parler de lui à son époque… L’une des premières pages, voire sans doute la première, d’un francophone évoquant son homosexualité sur le Web. Un site noir qui parlait de la douleur, de la perte d’un être cher, de deuil, de mort et de sida. J’y exposais une galerie de photos de cadavres, “sleeping beauties”. Ce qui ne m’empêcha pas d’être le site “pick of the week” du tout premier jour de Yahoo.fr.

Je lis sporadiquement les écrits d’un certain Karl Dubost, ce n’est pas vraiment un blogueur, mais plutôt un étrange diariste qui mélange vie personnelle, poésie, air du temps et technologie.

En 2002, c’est l’année où le phénomène prend de l’ampleur. Je lis maintenant régulièrement des blogues, souvent des québécois, car ils prédominent dans la toute jeune blogosphère francophone. On trouvera dans ma liste de lecture régulière des Stephanie Booth, Manur, Tehu, BrunMarde, Zerotom, OrangeKaki, Brest-Jerusalem, Iokanaan, A Frog In The Valley, Morgazilla, Banlieusardises, Hemisphair, Garoo, la Grande Rousse, Barijaona Ramaholimihaso, Martine Pagé, et d’autres que j’oublie.

La presse française commence tout juste à s’intéresser au phénomène, et c’est à Serge Courrier de Télérama que nous devront le premier article d’importance. Stephanie Booth fait du prosélytisme en expliquant ce qu’est un weblogue. Karl Dubost est visionnaire en déclarant au Journal du Net : “Dès que les hébergeurs proposeront des weblogs, les internautes se précipiteront”.

Il y a aussi un outil de publication de blogues dont on parle beaucoup, né en octobre de l’année précédente, et qui est arrivé en version 2.0 en mars, Movable Type.

De mon côté, je ne vois pas trop l’intérêt d’avoir mon blogue, j’ai déjà mon site personnel, un site sur le Belem et un site gay, Netgai.com (revendu depuis). C’est déjà bien du travail. Pourtant, ça me titille un peu, et c’est sans doute à la lecture de Martine Pagé, que j’admire beaucoup, que le désir devient grandissant. J’ai également l’envie de tester ce fameux Movable Type.

Pour en faire quoi précisément, je n’ai pas la réponse à ce moment. Juste le désir d’essayer.

En décembre, je récupère un nom de domaine qui me plaît bien, récemment abandonné par son précédent propriétaire : navire.net. J’y associe un petit hébergement chez OVH, je découvre les joies de Movable Type et, sans trop savoir dans quoi je m’engage, je publie mon premier billet le 27 décembre 2002 :

Journée douce et pluvieuse sur Paris. Me voici donc avec un blogue… Reste à savoir qu’en faire. Je ne sais pas encore, on verra bien. Peut-être juste noter les petites choses que je ne souhaite pas oublier, mes indignations du moment, des mots d’esprit, des confidences aux proches sur ce petit espace personnel perdu dans l’immensité de la toile mondiale. Bref, une petite extension du Moi, lisible par tous et confiée à la postérité numérique.

Même Monsieur Lapin ne sera pas mis au courant de mes bricolages. De plus, j’en suis sûr, je m’en lasserai très vite après ma période de tests…

Ça part déjà un peu dans tout les sens, je me moque facilement de Blandine Kriegel, j’anticipe l’année prochaine, et je fais écho de mon quotidien, la mort de la grand-mère de Saint-Gérard-des-Laurentides.

À suivre… 2003…