Cette œuvre, fort belle, achevée le 9 octobre 1944, a été composée au camp de Theresienstadt où il fut déporté en 1941. Gideon Klein fut ensuite transféré à Auschwitz, puis à Fürstengrube où il trouva la mort en janvier 1945.
Né le 6 décembre 1919, Gideon Klein était le dernier enfant d’un marchand juif de la petite ville de Prerov en Moravie, province située au centre de la Tchécoslovaquie, toute jeune république constituée l’année précédente. Sa mère venait d’une famille qui s’intéressait beaucoup à la littérature et à la musique et c’est plutôt grâce à son influence que deux des quatre enfants Klein sont devenus de grands musiciens.
Gideon Klein a commencé à jouer du piano à l’âge de six ans, avec Karel Marik, directeur de l’école de musique de Prerov. Dès son plus jeune âge, il fit preuve d’un talent exceptionnel. A onze ans, il va une fois par mois à Prague prendre des cours avec Ruzena Kurzova, la femme du célèbre pédagogue Vilém Kurz.
En 1931, il s’installe dans la capitale où sa soeur, Lisa, fait ses études. Il fréquente le lycée Jirasék et étudie en même temps le piano au Conservatoire de Prague. En 1934, il est admis dans la classe de Vilém Kurz et commence à écrire ses premières compositions.
C’est en interprétant le quatrième concerto pour piano de Beethoven qu’il termine ses études au conservatoire en 1939. En tant que meilleur élève de piano, il doit représenter son école avec le concerto de Dvorak à l’occasion des festivités du centième anniversaire du compositeur, mais il est contraint de refuser, ainsi que de renoncer à une bourse d’études à l’Académie de Londres, parce qu’il est juif.
Klein était reconnu comme une des plus importantes personnalités artistiques de sa génération mais il lui était de plus en plus difficile de donner des concerts de piano. Après l’adoption des lois de Nuremberg il fut obligé de jouer sous le pseudonyme de Karel Vranek, mais plus tard même cette solution devint impossible et il ne put se produire que dans des concerts illégaux en appartements privés. Il jouait beaucoup de musique de chambre avec ses camarades d’école et collègues juifs Karel Fröhlich, Lonja Weinbaum, Romuald Süssmann, Heini Taussig et Fredy Mark.
L’étude de la composition au Conservatoire de Prague dans la classe d’Alois Haba fut de courte durée : Klein fut obligé d’y mettre fin après quelques mois, ainsi qu’aux études de musicologie pour lesquelles il s’était inscrit à l’Université Charles IV de Prague (toutes les universités tchèques furent fermées au bout de deux mois sur l’ordre des Allemands). Il nous reste une trace de son séjour à la faculté : quarante pages d’un remarquable mémoire sur l’évolution de l’individualisation des voix dans les quatuors de W.A. Mozart.
A cette époque, il fait la connaissance du plus grand poète de la jeune génération tchèque, Jiri Orten, dont le destin ressemble en de nombreux points au sien. L’appartement de la famille Klein sera le dernier lieu d’habitation d’Orten avant sa mort tragique.
En décembre 1941, Gideon Klein a été déporté dans le tout récent camp de concentration de Terezin. Il y a passé presque trois ans. D’abord il a travaillé dans une unité qui s’appelait Aufbaukommando II et qui devait préparer les baraquements pour des dizaines de milliers de juifs.
En 1942, il est devenu, avec quelques amis, éducateur d’enfants séparés de leurs parents. Avec les chefs d’orchestre Rafael Schächter et Karel Ancerl, avec Hans Krasa, Pavel Haas, Viktor Ullmann et d’autres compositeurs, avec le chanteur Karel Berman et d’autres interprètes, il a commencé à développer une vraie vie musicale à Terezin. Il est vite devenu un des principaux animateurs de la vie culturelle du camp. Cette activité d’abord tout à fait clandestine, a été plus tard plus ou moins tolérée.
Dans le camp, Gideon a donné beaucoup de concerts de musique de chambre : par exemple les quatuors pour piano et cordes de Brahms (op. 60) et Dvorak (op. 84), ont été joués par lui, Karel Fröhlich, Fredy Mark et Romuald Süssmann douze fois; il a également joué neuf fois un programme avec la Sonate de Janacek, le cycle “A travers la vie et le songe” de Suk, Trois intermezzi de Brahms et Toccata et fugue en Do majeur de Bach, etc. Il a aussi accompagné au piano des choeurs, des opéras et des pièces de théâtre.
Durant cette période, Gideon a écrit un grand nombre de compositions qui, par chance, on été sauvées : avant son transfert à Auschwitz, Klein les a confiées à son amie Irma Semecka. Irma est restée à Terezin jusqu’à la fin et a transmis ces manuscrits à la soeur de Gideon, Lisa, qui a survécu à Auschwitz.
Ces compositions correspondent aux possibilités matérielles dans le camp (adaptations de chansons populaires tchèques, russes et juives) mais atteignent aussi le plus haut niveau artistique (Fantaisie et fugue, Madrigaux, Sonate pour piano, Trio à cordes).
Le 16 octobre 1944, neuf jours après avoir fini sa dernière composition (Trio à cordes), Gideon Klein a été transféré à Auschwitz, puis à Fürstengrube, où il a été tué aux alentours du 27 janvier 1945.
[Ensemble 2e2m.]
S’il avait survécu, Gideon Klein serait sans aucun doute devenu l’un des compositeurs majeurs du XXe du siècle.
FX
Pas trouvé. Par contre, tu devrais enlever les tags de ton fichier…
Laurent Gloaguen
Je viens de les enlever, j’avais oublié ! :-)
petit chahut
On dirait du Prokofiev… sous acide ?
Pilgrim
Cela ressemble à du Georges Antheil…
Laurent Gloaguen
Prokofiev, non, Antheil, non plus.
Raveline
Une conception assez stravinskienne du rythme, mais ce serait trop évident, et puis quelques motifs ici et là ne sonnent pas très Stravinsky. Trop mouvementé et clair pour du Shostakovitch, pas assez pour du Ligeti… dur, dur. Ou alors du Bartok ?
Laurent Gloaguen
Ah, j’ai plaisir à voir que cela donne un peu de fil à retordre. Donc, ni Stravinsky, ni Chostakovitch, ni Ligeti, et encore moins Bartók.
Raveline
Ginastera ? Janacek ? Rien à faire, ça ne colle pas. Tu ne pourrais pas donner un petit indice ?
Laurent Gloaguen
Ginastera, c’est loin. Janáček, c’est pas ça, mais il y a quelque chose :-) Et ça, c’est un indice.
Brad-Pitt Deuchfalh
Oh ça m’a tout l’air d’être du Jan Václav Hugo Voříšek… facile.
aymeric
George Enescu ?
Raveline
Kodaly ?
Laurent Gloaguen
Enescu ? Non, nous nous éloignons.
Voříšek ? Rire, non, c’est bien trop vieux. Les autres commentateurs ont au moins ciblé dans la bonne période historique, c’est à dire dans la première moitié du XXe siècle dont cette musique porte les indubitables sonorités.
Et Kodály non plus. Dois-je dire que, désespéré que mon objet mystère soit découvert en moins d’une heure, j’ai placé là la barre un peu plus haut…
Je sais que ce n’est pas facile, mais je suis sûr que quelqu’un va trouver.
aymeric
Bohuslav Martinů ?
Christophe
Bartók ?
bituur esztreym
rhââ, grillé par aymeric à qq secondes… Bohuslav Martinu, disais-je
Brad-Pitt Deuchfalh
ça sent le Josef Bohuslav Foerster à plein nez moi j’dis
Raveline
Bon, j’en tente encore deux et puis j’abandonne : 1°) Szymanowski ? (Mais franchement, qui écoute du Szymanowski ?) 2°) A la rigueur, un Smetana tardif, mais de mémoire, ça ne ressemble pas à du Smetana.
Brad-Pitt Deuchfalh
Bohuslav Martinu ? non mais on va où là ? Pourquoi pas Otakar Ostrčil tant qu’on y est ? lol mdr
Christophe
Arg raté, j’avais pas lu tous les commentaires.
Pilgrim
Holala, quel suspens ! :-O
Laurent Gloaguen
Bon, vous vous égarez. Je rappelle donc les deux indices :
J’ajouterai que c’était un pianiste talentueux.
Brad-Pitt Deuchfalh
On ne me fera pas croire que c’est la Passion Grecque Mitchinson, tss tss…
Brad-Pitt Deuchfalh
Dvorak ? Ah non, suis-je bête… Miloslav Kabeláč !
deanie
Georges Enesco ?
arth
De Falla ?
garfieldd
Laurent Boutonnat pour le prochain opus de Mylène Farmer ?
Laurent Gloaguen
Merci de lire le fil de commentaires avant de proposer une suggestion déjà émise, afin d’éviter un bruit inutile.
Je récapitule donc mes indices :
J’ajouterai que l’extrait est le premier mouvement de sa dernière œuvre.
Kozlika
Je ne suis pas capable de viser plus juste que début vingtième et pays de l’Est.
Sinon, ça me fait comme avec beaucoup de ce registre, ça me dérange et me séduit à la fois. Typiquement le type de musique que je me régale à entendre en concert et que je n n’arrive pas à réécouter au disque (ou juste quelques minutes comme ici).
Laurent Gloaguen
Eus-je trop présupposé de l’immense culture musicale de mes lecteurs ?
Pilgrim
Tibor Harsányi
Laurent Gloaguen
Harsányi ? Tiens, c’est le premier compositeur cité que je ne connaissais pas. Comme quoi, ma culture musicale a aussi ses limites ;-)
bénédicte
Ravel ? :o/
Pilgrim
Muhuhahah, ça fait des blindtest et ça connait pas Tibor Harsányi… Je me gausse… ;o)
Laurent Gloaguen
@Pilgrim : à ce que j’en vois sur Internet, Tibor Harsányi est quand même quelque peu confidentiel. Seulement 1280 résultats sur Google…
Puisque tu es si musicalement cultivé (et méprisant), dis moi en quoi Tibor Harsányi devrait-il être mémorable et mérite-t-il d’être découvert ? Je suis toujours à l’affût d’une extension de ma culture. Si tu as des enregistrements, ne te prive pas de partager. Mais ça a intérêt à être aussi bon que mon compositeur mystère. Parce que mon objectif est aussi de faire découvrir des talents méconnus.
Laurent Gloaguen
Ah, je tombe sur ça, et je suis mort de rire pour des raisons totalement privées.
Bref, revenons sur notre énigme, après la diversion du maraud M. Pilgrim :
Et j’ajoute que ce compositeur est mort fort jeune, un peu comme Grégory Lemarchal.
aymeric
Dinu Lipatti
bituur esztreym
[…]
Laurent Gloaguen
@Aymeric : Dinu Lipatti, mort à 33 ans ? Trop vieux.
aymeric
Rohh, c’est jeune 33 ans.
Laurent Gloaguen
@Bituur esztreym : vous êtes disqualifié parce que votre site fait vraiment trop mal aux yeux. ;-)
aymeric
Bon, je pense que bituur esztreym a trouvé : Gideon Klein rempli tous les critères.
bituur esztreym
rhôô, le mauvais joueur. c’était pas dans le règlement ça…
Laurent Gloaguen
Bon ok, je vais la faire bon joueur, “bituur esztreym” a gagné, il s’agit de Gideon Klein.
“bituur esztreym” aurait-il l’extrême gratitude de nous dire comment il a trouvé ?
bituur esztreym
souvenir remonté du temps où j’écoutais beaucoup de musique classique - discothèque perso aidant - dont tchèque. d’où proposé martinu, par ex, avant. les indices m’ont aidé à la fin : mort jeune, klein est mort à 26 ans.. sa dernière oeuvre ? là j’ai vérifié en ligne : Trio pour cordes, bingo. il l’a achevée qq jours avant d’être déporté, fin 1944. je ne connaissais pas ce trio, merci pour l’extrait.
Laurent Gloaguen
Félicitations. Donc, la soluce.
yamfa
!!! mat pokora !!
oups mince, trop tard :o
Blah ? Touitter !