J’y ai pensé en lisant un article de Jacques Julliard dans Le Nouvel Observateur de cette semaine, intitulé “La haine”. J’aime bien Jacques. C’est un bon éditorialiste, nerveux et incisif. (…) Son papier touche un point sensible : une des difficultés majeures rencontrées par le PS d’aujourd’hui est bien le manque d’amitié, d’affection, de camaraderie — oui il y a parfois de la haine — entre les dirigeants socialistes. La description de certaines “mimiques faussement détachées”, des “rictus derrière des airs d’impénétrable sérénité” me fait sourire. Elle est cruelle mais juste. “Comment des êtres humains normaux peuvent-ils respirer et accepter volontairement de vivre dans des atmosphères aussi empoisonnées ?” : c’est pour Julliard un mystère — pour moi aussi souvent et surtout à Calvi. La démonstration est hélas gâchée par un plaidoyer pro-Ségolène exagéré, presque ridicule.
(…) Dans un parti, il faut de la fraternité sans quoi le vivre ensemble est impossible. Mais la politique est aussi un combat, une lutte, une passion qui ne peut se réduire à l’adhésion inconditionnelle, aveugle, à une personnalité providentielle ou s’épanouir dans la mièvrerie. Non, Ségolène ne m’est pas insupportable, je n’ai jamais pensé ou dit cela. Mais oui, elle n’est pas insurpassable ni incontestable. Elle a des intuitions, un instinct, un tempérament, mais aussi des faiblesses — il lui en reste encore beaucoup. Elle dit des choses justes, mais aussi nombre d’autres qui sont inconséquentes ou approximatives.
[Pierre Moscovici : “De Corse”, via XIII.]
J’ai failli commencer cette lettre en vous donnant du « chers camarades ». Et puis, non. Je ne puis vous appeler camarades puisque vous n’arrivez même pas à vous conduire en camarades. Je connais quelques-uns d’entre vous personnellement. Chacun a des qualités, des défauts, des manies, des amours, un musicien favori, des souvenirs d’enfance; parfois même un idéal. Un être humain en somme. Que l’on vous voie réunis et le cauchemar commence. Ce ne sont que coups tordus, allusions perfides, manoeuvres d’arrière-salle de bistrot. Et surtout la haine. Oui, la haine entre vous.
(…) Les plis du visage, ceux qu’impriment sans retour les nuits blanches des commissions de résolution, le scepticisme de bon ton, le cynisme, le mépris de l’autre, l’envie de tuer. Mais comment des êtres humains normaux peuvent-ils respirer et accepter volontairement de vivre dans des atmosphères aussi empoisonnées ? C’est pour moi un mystère.
(…) Avec des camarades comme vous, les aboyeurs professionnels de l’UMP peuvent partir en vacances. Il faut croire qu’il y a dans ce bouillon de culture délétère de la Rue-de-Solferino quelque chose de contagieux, quand on voit à son tour Ségolène se déchaîner contre Jack Lang, coupable d’avoir voté selon ses convictions au Congrès de Versailles. Comment une femme comme elle, qui n’a pas craint de défier l’orthodoxie et la discipline de son parti à la veille du second tour de la présidentielle, en prenant langue avec François Bayrou, peut-elle se laisser aller à traiter Jack Lang de « traître », pour quelque chose d’infiniment moins grave ? Quelle imprudence ! Quelle inconséquence ! Quel alignement moral sur ses pires ennemis !
[Nouvel Observateur, Jacques Julliard : “La haine”.]
Blah ? Touitter !