La Russie profite du moment. Cette nuit, l’aéroport et la banlieue de Tbilissi, ainsi qu’à nouveau Gori et le port de Poti, ont été bombardés.
La haine du Géorgien s’étale dans les colonnes de la Pravda.ru :
Demandez à n’importe qui dans la région du Caucase, ils vous diront de ne jamais croire un Géorgien qui vous serre la main avec un grand sourire, car il vous poignardera dans le dos. […]
Il semble que rien ne change. Les plus ignobles exportations de la Géorgie sont ses vins imbuvables et dégoûtants, leurs dangereux produits alimentaires de mauvaise qualité, alors que leur plus fameuse exportation fut Joseph Staline. Il aurait peut-être dû rester chez lui et y concentrer l’essentiel de son énergie.
[Pravda.ru, Timothy Bancroft-Hinchey : “Le double visage et la dissimulation de la politique étrangère de la Géorgie”.]
Pour mémoire, la Géorgie fait l’objet d’un blocus économique de la part de la Fédération russe, il est ainsi improbable d’avoir le loisir de déguster ses vins à Moscou.
George W. Bush affirme qu’il a été ferme avec Vladimir Poutine, ce que corroborent les témoins de la tribune au stade olympique de Pékin (“Kevin Rudd reveals Bush-Putin argument at Opening Ceremony”).
Les républiques baltes et la Pologne, qui gardent un souvenir aigre de la période soviétique, exigent de l’Union européenne que “l’agression contre un petit pays en Europe ne soit pas passée sous silence ou qu’elle ne fasse pas l’objet de déclarations creuses”. Rien n’est moins sûr. D’autres considérations et la “realpolitik” du tandem France-Allemagne interdisent d’être en froid avec les Russes, le couple l’a déjà prouvé en s’opposant à l’entrée de la Géorgie dans l’OTAN. Et l’Italie, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, se montre inconditionnelle de la position russe, “L’Italie estime qu’il n’est pas possible de créer une coalition européenne antirusse, et sur cela nous sommes proches de Poutine”.
Nicolas Sarkozy, qui se rendra à Moscou mardi, estime qu’il “existe désormais de réelles perspectives pour parvenir rapidement à une sortie de crise”. Rien n’est là non plus moins sûr.
Sinon, il n’y a toujours pas d’images de Tskhinvali, pourtant sous contrôle russe depuis 48 heures. On a annoncé une ville totalement rasée par les méchants Géorgiens, qu’en est-il ? Si tel était le cas, je m’étonne que la propagande russe n’en fasse pas un usage immodéré. Et si la petite ville de 30 000 habitants est détruite, on ne doutera pas de la participation des canons russes — on ne fait pas d’omelette géorgienne sans casser des œufs.
Je vois aussi fleurir dans certains commentaires et blogues, une analyse gauchiste dont je vous laisse juger de la finesse et de la pertinence (je caricature à peine…) :
- Les États-Unis et Israël soutiennent la Géorgie.
- La Géorgie, satellite du Grand Satan, est donc un pays pourri.
- Vladimir Poutine est un grand homme et la Russie a bien raison.
Du côté des marchés, on s’inquiète pour l’oléoduc de Bakou-Tbilissi-Ceyhan… Cela risque d’être mauvais pour les retours de vacances des Français…
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Avant même son achèvement (2005), l’oléoduc BTC a eu des effets sur la politique pétrolière mondiale. Le Sud Caucase, considéré jadis comme le pré carré de la Russie, a acquis une importance stratégique majeure pour d’autres puissances importantes. En conséquence, les États-Unis et les autres nations occidentales se sont davantage impliqués dans les affaires de ces trois nations à travers lesquelles s’écoule le pétrole. […]
Pour empêcher que l’argent du pétrole ne soit capté par des officiels corrompus, l’Azerbaijian a créé un fonds d’État pour le pétrole (State Oil Fund of the Republic of Azerbaijan, ou SOFAZ), expressément mandaté pour utiliser les revenus des ressources naturelles au bénéfice des générations futures. Il s’agit également de garantir le soutien des créditeurs internationaux et d’améliorer la transparence des financements. SOFAZ est ainsi garanti par Deloitte et Touche. D’autre part, l’Azerbaijian est devenu le premier pays producteur de pétrole au monde à rejoindre EITI, un organisme britannique de surveillance des industries extractives qui a obtenu le soutien notamment de George Soros.
En Géorgie, l’ancien président Édouard Chevardnadze, l’un des architectes et initiateurs du projet, voyait la construction de l’oléoduc à travers le territoire géorgien comme une certaine garantie pour la sécurité et la stabilité économique future de son pays. Ce point de vue est largement partagé par son successeur, le président Mikheil Saakachvili. “Tout contrat stratégique en Géorgie, et particulièrement le contrat de l’oléoduc de la mer Caspienne est une affaire de survie pour l’État géorgien”, déclarait-il aux reporters le 26 novembre 2003. Il reste à voir cependant en quelle mesure le gouvernement de Saakachvili partagera les revenus de la manne pétrolière.
[Wikipedia : “Oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan”.]
(L’oléoduc BTC est provisoirement hors-service, le Parti des travailleurs du Kurdistan l’a fait sauter le 6 août dernier à Refahiye…)
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À lire dans Le Figaro, sous la plume de Laure Mandeville : “Moscou cherche à mettre au pas un ancien satellite”.
La Pologne et les pays Baltes ont continué d’être regardés comme des oiseaux de mauvais augure, par une Europe occidentale soucieuse de ménager son grand voisin de l’Est. Pourtant, les signaux d’alarme se sont multipliés : en octobre 2006 éclatait une crise d’une rare violence avec la Géorgie, vers laquelle furent expulsés des milliers de Géorgiens moscovites, en réponse à l’expulsion de cinq officiers russes accusés d’espionnage. En avril 2007, le mouvement des jeunesses poutiniennes Nachi harcelaient les personnels de l’ambassade d’Estonie pendant près de trois semaines, après le déménagement de la statue d’un soldat soviétique du centre de Tallinn. Dans le même temps, l’Estonie faisait face à une série d’attaques sans précédent contre ses sites Internet gouvernementaux et bancaires. En 2007 encore, dans un pied de nez à la Grande-Bretagne, la Russie élisait à la Douma l’ex-officier du FSB, Andreï Lougovoï, accusé par Scotland Yard d’avoir empoisonné à Londres un transfuge russe avec du polonium radioactif. Moscou en faisait un héros politique, tandis que l’ambassadeur de Grande-Bretagne était en butte aux harcèlements des jeunes Nachi. « Nous sommes forts et nous sommes de retour, la Russie ne se laissera plus dicter ses actions par personne », scandent les éditorialistes de la télévision russe, moquant l’Amérique affaiblie par la crise du subprime et l’Europe « décadente », « islamisée » et « impuissante ».
Rinjin
Et il découvre ça seulement maintenant? C’est le cas depuis déjà plusieurs années (siécles? certains prétendent que les JO des origines étaient bien pourris aussi)
Bob
Oui les J.O. c’est excellent pour attiser les bons sentiments patriotiques à la noix. Je ne reçois pas Canal+ comme Joël Ronez, mais la rédaction des sports France 2, franchement, il serait indécent de dire ce que j’en pense. Tout est orienté français, français, français… qu’est-ce qu’on s’en fiche. C’est pas demain que je verrais les européens faire l’ouverture derrière un même drapeau. Et les commentaires, la natation commentée comme un match de foot, le rêve…
joel ronez
@ bob : paradoxalement, le commentateur et l’amateur de foot est beaucoup moins nationaliste : il sait apprécier les matchs des équipes étrangères indépendamment du parcours des français, et c’est d’ailleurs l’intérêt des grandes compétitions type mondial ou euro que de voir les autres équipes jouer.
Setebos
@Rinjin : Pourris, je ne sais pas. “Nationalistes” et corrompus, sans doute. Mais à l’époque, personne ne se coltinait de commentateurs sportifs, au moins.
Mox Folder
Ouais ben moi je les cherche désespérément les français sur Radio Canada et CBS. Merci de me rassurer, les français sont bel et bien aux JO… uniquement sur France 2.
Canal Directo
Faut regarder eurosport c’est beaucoup plus décent.
C’est Raoul
C’est ca, l’exclusivité des droits de TV exorbitants des JO: les Francais sont exclusivement sur France 2, et les Canadiens exclusivement sur CBC.
Hoedic
Bah… les chaines canadiennes couvrent les athlètes canadiens et les chaines canadiennes francophones couvrent les athlètes québécois (même s’il y a une bonne tripotée de francophones hors Québec). Bref, rien de nouveau à l’ouest si ce n’est que les commentateurs français font comme d’hab dans l’excès.
Je serais curieux de comprendre le russe et le mandarin/cantonnais pour voir la couverture des jeux qu’en font les média respectifs de ces pays…
Alexis
Commentaires patriotiques et cocardiers oui, mais attention à ne pas décevoir !!!
Dans un esprit purement français, la curée sur Laure Manaudou est à deux doigts de débuter et je sens que cela va être terrible.
Il est quand même navrant que le journalisme sportif n’ait plus de journalisme que le nom…
http://3dcom.wordpress.com/2008/08/12/haro-sur-manaudou/
Blah ? Touitter !