Journal de bord

samedi 12 avril 2003

Allo, la police ?

Allo, la police ? Ne quittez pas. Bip. Bip. Bip. Le numéro que vous demandez n’est plus attribué. Bip. Bip. Bip. Le numéro…

And US troops in Baghdad have called on the capital’s police to return to work. (…) “We are trying to get the Baghdad police to come back to work and do their jobs,” Colonel Peter Zarcone told the Newsnight programme.
Speaking from Baghdad, he said troops had put out messages over the airwaves to try to contact police officials and had already spoken to “approximately three individuals”.
[BBC news : US aims to end Baghdad chaos.]

“Nous essayons d’inciter la police de Bagdad à revenir travailler, et à faire son travail”, a déclaré le colonel Peter Zarcone à la télévision. “Nous tentons de contacter des responsables de la police”, a dit le militaire, interrogé à Bagdad. “Nous avons parlé à environ trois d’entre eux aujourd’hui”, a-t-il dit.

<humour>Et, pendant qu’on y est, pourquoi pas inviter Saddam Hussein à revenir pour mettre de l’ordre dans ce bourbier ? Il a déjà fait ses preuves.</humour>

“America very good”

Les seuls bagdadiens qui accueillent chaleureusement les Américains et dont les images ont dû être diffusées ad nauseam sur Fox News et CNN sont en réalité les pillards venus du misérable quartier chiite de Saddam City.

L’essentiel de la population reste terrée chez elle, dans l’angoisse, à attendre des lendemains meilleurs.

Rémy Ourdan, envoyé spécial du Monde à Bagdad, nous livre des détails assez éclairants sur la situation :

Les relations entre les Bagdadis et les occupants ne vont pas en s’améliorant. Les foules étaient déjà extrêmement réduites pour saluer l’arrivée des “libérateurs”. Si le peuple irakien est ravi de la chute de Saddam Hussein, il n’approuve souvent pas la méthode américaine, qui a causé la mort de milliers de civils et entraîné le pays dans le chaos. Pendant que les hordes de pillards remercient les soldats d’outre-Atlantique à coups de retentissants “Thank you !” et autres “America very good !”, les habitants de Bagdad vivent reclus, apeurés et amers. (…)

Le problème est que les Bagdadis qui tentent de faire eux-mêmes la police sont pris pour cibles par l’armée américaine, donnant l’impression que celle-ci se range clairement du côté des pillards. Ces deux derniers jours, les marines sont intervenus, à la demande de la foule, pour éliminer des hommes armés qui ne les menaçaient pas mais essayaient au contraire de protéger un bâtiment, une rue commerçante, de maintenir un semblant d’ordre.

Ils ont ainsi recherché et exécuté, vendredi, un sniper qui interdisait l’accès au ministère du pétrole. Puis un officier américain a fait signe aux pillards, sous les vivats, que la voie était libre. (…)

“Je suis un soldat, pas un flic ! explique un sergent, posté dans la tourelle de son char Abrams. Et puis regardez, les gens paraissent heureux, même si c’est un peu le désordre pour l’instant.” L’armée américaine ne paraît pas comprendre que, en satisfaisant ainsi les pillards, dans un pays où les gens sont habitués à un pouvoir fort, à un maintien très strict de la loi et de l’ordre, elle est en train de se faire détester par les 99 % de Bagdadis qui ne sortent pas dans la rue. (…)

Sentant que Washington pourrait leur demander de réagir, les commandants des troupes de combat présentes à Bagdad imaginent les mesures qu’ils pourraient prendre. Ils seraient réticents à tuer des pillards qui leur manifestent tant de sympathie.

[Le Monde : Reclus, apeurés par les violences généralisées, les Bagdadis s’en prennent aux méthodes de l’US Army. ]

Pendant ce temps-là, à Washington, le secrétaire américain à la Défense Donald Rumsfeld nie que l’Irak s’enfonce dans le chaos et accusé les médias d’exagérer considérablement l’ampleur des pillages. Avec de telles déclarations, Rumsfeld nous fait penser à Mohammed Saeed al-Sahaf, regretté ministre de l’Information irakien.

Le 1er mai prochain, chez l’éditeur américain Simon & Schuster, sort un guide à l’usage des américains : “Joie de Vivre: Simple French Style for Everyday Living” (27 USD). [Reuters]. Un futur best-seller, j’espère.