Journal de bord

dimanche 10 janvier 2010

Homophobie ordinaire à Québec

Nous apprécierons la qualité des tribunes d’opinion publiées par le journal Le Soleil qui donne la parole à des retraités gâteux.

Partout sur la planète et à toutes les époques de l’Histoire les humains ont été en désaccord avec la nature de l’homosexualité. En vertu de l’exercice de leur capacité de penser, ils arrivent majoritairement à cette conclusion. En s’appuyant sur leur expérience, sur le bon sens et sur l’observation de la structure de la nature du vivant et de la condition humaine, il leur apparaît évident que la sexualité est au service de la vie, qu’elle requiert l’union de l’homme et de la femme et qu’elle demande une union stable en faveur du bien-être de l’enfant.

Or, le document gouvernemental préfère ignorer cette sagesse millénaire pour véhiculer l’idéologie que la communauté homosexuelle cherche à faire valoir. Pour cette communauté, il ne fait aucun doute que le lien entre personnes du même sexe est en tout point égal à celui des relations entre l’homme et la femme. Tout désaccord sur ce point lui apparaît totalement inacceptable.

[…] Tout comme la conscience de l’ensemble des humains arrive à la conclusion qu’il ne faut pas tuer, ni voler; de même elle arrive à la conclusion que les relations sexuelles entre personnes du même sexe posent problème. Refuser d’emblée cela, comme le fait le document ministériel, c’est refuser que la majorité de la population puisse accéder à des vérités de base importantes pour la vie individuelle et en société. Pour quelle raison le raisonnement de la majorité serait sans valeur, mais celui de la minorité devrait servir de norme?

[…] L’idéologie homosexuelle conduit, comme il fallait s’y attendre, à une définition de l’homophobie qui pose nettement problème. Le document définit ainsi l’homophobie: « Toutes les attitudes négatives pouvant mener au rejet et à la discrimination, directe ou indirecte envers les gais et lesbiennes… » (p.14). Une telle définition a comme effet d’en couvrir large. Cela se confirme par la suite du document qui introduit ce qu’il considère comme une forme plus subtile d’homophobie, l’hétérosexisme. C’est « l’affirmation de l’hétérosexualité comme norme sociale ou comme étant supérieure aux autres orientations sexuelles » (p.14). Le chat sort du sac.

[…] Le Québec qui se disait le leader mondial en matière de lutte contre l’homophobie, risque d’être le leader mondial du dénigrement de l’orientation homme-femme. Refuser d’attribuer à l’orientation homme-femme les titres d’orientation normale et d’orientation la meilleure, c’est la priver injustement de la dignité qui lui revient de droit. C’est donc de l’hétérophobie. Est-il raisonnable de lutter contre une discrimination en en introduisant une autre, prônée par une aussi petite minorité ?

John White, Gérard Lévesque, Charles Cauchy, Maurice Cormier.

Le Soleil, Opinions : “Un plan de lutte contre l’homophobie méprisant pour la population”.

1. Le 10 janvier 2010,
deef

Personne pour leur dire que l’homosexualité est tout aussi naturelle que l’hétérosexualité et qu’elle se constate tous les jours aussi chez les animaux ? Personne pour rappeler qu’une centrale nucléaire ou que le barrage sur la Romaine, par exemple, sont bien plus contre nature que deux personnes de même sexe qui s’aiment et se marient et, ce faisant, ne font eux aucun mal à la nature ? Personne, jamais, pour leur signaler que les goûts d’à peine dix pour cent d’une population donnée n’ont jamais empêché la population en question de croître au point d’être en train de faire crever la planète ? Personne, enfin, pour suggérer que si davantage d’humains étaient homosexuels, il y aurait sans doute moins de guerres, de terrorisme, de violences, moins de gens mourants de faim en ce bas monde… et beaucoup plus de “raves” ;-)

2. Le 10 janvier 2010,
Anne Archet

On pourrait continuer sur cette lancée.

Refuser d’attribuer aux femmes le titre de sexe normal et meilleur, c’est les priver injustement de la dignité qui leur revient de droit. C’est donc de la misogynie.

Refuser d’attribuer au catholicisme le titre de religion normale et meilleure, c’est la priver injustement de la dignité qui lui revient de droit. C’est donc de la catholicophobie.

Refuser à l’alimentation carnée le titre de régime normal et meilleur, c’est le priver injustement de la dignité qui lui revient de droit. C’est donc de la carnivorophobie.

Refuser d’attribuer à la voiture le titre de mode de transport normal et meilleur, c’est le priver injustement de la dignité qui lui revient de droit. C’est donc de la bagnolophobie.

Discrimination!

3. Le 10 janvier 2010,
Krysalia

Il faut vraiment que quelqu’un fasse breveter ces portes temporelles d’ou sortent ces gens (ou mieux, finalement : qu’on trouve le moyen d’en perdre la clef une bonne fois…)

4. Le 10 janvier 2010,
Eric

Même les dinosaures se sont éteints. Soyons patients.

6. Le 24 janvier 2010,
Off Topic

Johnny Walker au volant, Depp dans’l’cul dans la ligne droite?

7. Le 24 janvier 2010,
Off Topic

C’est sûr, sans twitter, j’ai souvent (au moins) deux trains de retard ;)

8. Le 6 avril 2011,
Hayt

En parlant d’homophobie pas du tout ordinaire, la BBC a diffusé hier un reportage sur l’homophobie en Ouganda (The World’s worst place to be gay). Ca fout les boules…

http://www.bbc.co.uk/iplayer/episode/b00yrt1c/TheWorldsWorstPlacetoBeGay/

Blah ? Touitter !

Sur le front de la guéguerre

[…] Laurent Mauriac, de Rue89, défendait ici-même en commentaire l’association de blogueurs et des internautes sur Rue89 à la co-production de l’information caractéristique de son site. Je note que Pierre Haski, sur la Ligne j@une, reconnait clairement que cette co-production est bel et bien placée sous un étroit contrôle de journalistes professionnels qui conservent quoi qu’il arrive… le « final cut », dit-il, de cette « co-production »…

Dans le commentaire de Laurent Mauriac, comme dans les propos de tous les intervenants journalistes de la Ligne j@une, revient la même justification de ce droit au « final cut » : journaliste, c’est « un métier », correspondant à « des compétences ». Ça « s’apprend ». Il y a du « professionnalisme » inside, dans ces sites-là…

Ce qui m’effraie un peu, c’est que j’ai le sentiment que ceux qui avancent une telle argumentation y croient eux-mêmes !

[…]

Si 88% des journalistes professionnels ont appris leur métier sur le tas, pourquoi un blogueur n’arriverait-il pas au même résultat en bloguant ? J’ai vu défiler dans les rédactions auxquelles j’ai pu appartenir des cohortes de jeunes stagiaires sans formation qui étaient parfaitement à même de publier dans le journal sous leur signature, au bout de quelques semaines d’observation du travail des autres et de quelques essais, des articles qui tenaient très honorablement debout… Si journaliste c’est un « métier », ce n’est vraiment pas un « métier » si sorcier que ça. Rien à voir avec cordonnier, couturière ou dentiste !

Oui, mais les journalistes sont « responsables » , c’est Daniel Schneidermann qui lâche le mot-ultime-qui-tue dans la Ligne j@une. « Responsable » en cas de « diffamation », s’aventure-t-il même à dire, choisissant-là fort mal son exemple !

En matière de diffamation, par exemple, un blogueur est pourtant, vis à vis de la loi, manifestement bien plus responsable que ne l’est le journaliste salarié d’une entreprise de presse. Et Daniel Schneidermann devrait le savoir !

Selon les lois sur la presse, celui qui est pénalement responsable, c’est celui qui publie, l’éditeur, et non celui qui écrit, l’auteur. Si Daniel Schneidermann, lui, porte la double casquette puisqu’il est tout à la fois journaliste professionnel et éditeur de son site (il en est « directeur de la publication »), son cas est extrêmement marginal parmi les journalistes professionnels. Le blogueur, quant à lui, est toujours son propre éditeur, donc entièrement responsable de tout, même lorsqu’il publie sur une plateforme de blog proposée par un site-de-journalistes !

S’il y a une « responsabilité » des journalistes professionnels, qui justifierait à la fois ce « final cut » et ces subventions, elle n’est manifestement pas devant le code pénal !

Oui, mais… - je n’ai pas encore entendu l’argument cette-fois-ci, mais il revient si souvent dans l’argumentaire en défense du « final cut » des journalistes que je le rajoute à la liste… - les journalistes professionnels travaillent « collectivement » dans des « rédactions », ce qui est une garantie apportée à leur travail par rapport à celui des autres… Car le blogueur dans la blogosphère ne participerait pas, quant à lui, d’un collectif ?

Certes ce collectif dans lequel s’inscrit un blogueur, ou un commentateur, ne fonctionne pas comme celui d’une rédaction, c’est à dire a priori, mais il effectue une validation/correction a posteriori

Alors, validation collective a priori contre validation a posteriori ? La première procédure garantie-t-elle que dans les-médias-de-journalistes on annonce moins souvent qu’ailleurs la mort de gens qui ne sont pas morts, ou bien empêche-t-elle que l’on fasse état de maladies et de SMS imaginaires concernant des « célébrités » ? Pour mémoire, sur novövision : In-faux ! Un festival de fausses nouvelles (août 2008).

Novövision : “Presse en ligne : le débat qui n’a toujours pas eu lieu…

1. Le 11 janvier 2010,
Laurent Mauriac

Bonjour,

A votre question:

Si 88% des journalistes professionnels ont appris leur métier sur le tas, pourquoi un blogueur n’arriverait-il pas au même résultat en bloguant ?

Il n’y a aucune raison, mais qui dit le contraire? Le journalisme peut s’apprendre sur le tas. Nous pensons juste qu’il nécessite une compétence, qu’un blogueur peut très bien avoir ou acquérir.

D’ailleurs, pourquoi opposer journalistes et blogueurs? Comme le souligne Narvic, un blogueur peut très bien être journaliste. Et vice-versa.

2. Le 11 janvier 2010,
padawan

C’est moi ou certaines assertions de ce débat sont totalement à côté de la plaque ?

D’abord, est-ce qu’on peut apprendre le journalisme en « bloguant » ? Pas plus qu’en tapant des trucs dans MS Word à mon avis.

Et ce n’est pas parce que 88% des journalistes professionnels ont appris sur le tas que n’importe qui peut faire la même chose. Narvic se trompe là-dessus, à la fois en balançant un gros chiffre qui impressionne (sous-entendu 88% des blogueurs pourraient être journalistes) et sur la comparaison mal placée avec d’autres métiers techniques qui exigent un diplôme. Dans notre beau pays où les diplômes sont considérés comme plus importants que l’expérience, il est politiquement incorrect de dire que la majorité des gens sont incapables d’apprendre par eux-mêmes « sur le tas », il leur faut donc des formations, évidemment sanctionnées par des diplômes. Désolé Narvic, mais j’ai une estime beaucoup plus grande pour les gens qui apprennent sur le tas que pour ceux qui ont un diplôme et rien d’autre dans le crâne.

Bref, ça fait un bail (voire deux) qu’on vous dit que le journalisme citoyen c’est de la connerie en barre, mais je vois que ça n’avance pas beaucoup sur le sujet. Et s’il faut attendre les blogueurs pour sauver la presse, on n’est pas mieux barrés.

Blah ? Touitter !

La peur du Juif au Québec (1)

Au début des années 1930, l’effet des idées antisémites commençait à se faire sentir dans les milieux politiques les plus influents. L’on entendait ainsi de temps à autre des slogans hostiles aux Juifs même au Parlement de Québec.

Maurice Duplessis170, le chef de l’Union nationale, qui est demeuré au pouvoir pendant une longue période, laissa un jour circuler une information qui pouvait s’avérer très dommageable pour les Juifs. Il prétendit que les Juifs allemands, lesquels tentaient de fuir l’État hitlérien, viendraient en grand nombre au Canada et qu’à cause d’eux les Canadiens français se trouveraient grandement menacés.

Duplessis expliqua qu’il tenait de tels renseignements d’une source fiable. Pas moins de 100 000 réfugiés allemands devaient ainsi s’établir sur des terres agricoles dans la province de Québec171. Les fermes en question seraient achetées avec de l’argent qui proviendrait de la juiverie internationale (velt-yidentum).

Cette déclaration de Duplessis causa une sensation de taille. Les journaux anglophones et francophones reproduisirent la nouvelle comme s’il s’agissait d’une question du plus haut intérêt à l’échelle internationale. Duplessis laissa savoir au Parlement qu’il se souciait vivement des 100 000 agriculteurs québécois qui perdraient leurs fermes aux mains des Juifs allemands. Il enjoignit les Canadiens français de faire pression auprès du gouvernement fédéral à Ottawa, pour qu’il refuse l’entrée au pays aux réfugiés juifs qui devaient quitter précipitamment l’Allemagne.

L’intervention de Duplessis eut un grand retentissement dans toutes les villes et tous les villages de la province.

Un courant d’opinion se forma aussitôt parmi les Canadiens français, pour manifester une opposition à l’accueil au Canada des victimes de la brutalité nazie. À Ottawa, le gouvernement laissa savoir qu’il n’avait aucunement l’intention de permettre l’entrée en masse de Juifs allemands obligés de fuir leur pays.

Dans un grand nombre de localités québécoises, petites et grandes, furent votées des résolutions au conseil municipal afin de réclamer que l’on ne laisse pas s’installer au Canada les victimes du régime hitlérien. Ces textes furent rédigés dans un style qui faisait penser à de la propagande nazie. On y décrivait par exemple les Juifs allemands comme des antéchrists, et comme des adeptes du communisme et de l’athéisme. Lorsque ces résolutions furent présentées, certains orateurs vinrent s’en prendre violemment aux Juifs et justifier les persécutions nazies à leur endroit. À les entendre, on aurait pu croire que les Juifs allemands avaient pleinement mérité d’être traités de façon aussi agressive.

L’on déposa172 une résolution de ce genre même au conseil municipal de Montréal, où elle provoqua un débat fort animé. Cela se passait en septembre 1933. Toute une session fut ainsi consacrée à une discussion de la « question juive ».

Le texte en question fut proposé par le conseiller municipal Auger173, lequel était déjà bien connu pour son antisémitisme viscéral, et qui était aussi un adhérent du Parti national social chrétien d’Arcand174. Auger était appuyé par un autre ennemi notoire des Juifs (soyne Yisroel), le conseiller Quintal175.

Plusieurs personnes assistèrent à cette séance du conseil municipal, car le bruit avait couru qu’il y aurait à cette occasion une discussion relativement au thème de l’antisémitisme. Le conseiller Auger lança le débat en prononçant un discours, au cours duquel il suggéra que les dirigeants de l’État allemand devaient se mériter la reconnaissance des chrétiens pour avoir châtié les Juifs de leur pays, qui n’étaient que des agents du communisme animés par des intentions antichrétiennes. Les Juifs allemands, prétendit-il, trempaient dans un complot de concert avec les maîtres de Moscou, destiné à annihiler la civilisation chrétienne, même dans la province de Québec.

Le conseiller Quintal parla ensuite en empruntant le même ton. D’autres élus prirent aussi la parole, en français, mais pour déplorer que les Juifs allemands subissent la persécution. Il n’était toutefois pas question dans leur esprit qu’on leur permette d’immigrer au Canada. Plutôt, il convenait de réclamer du gouvernement fédéral qu’il garde closes les portes du pays.

Seuls trois conseillers prirent la part des Juifs allemands qui tous les trois étaient des Juifs, soit le socialiste Joseph Schubert176, ainsi que Max Seigler177 et Berl Schwartz178.

Chacune de ces personnes parla avec éloquence pour condamner l’hypocrisie et la démagogie des orateurs antisémites. Toute l’attention se tourna en particulier du côté de Joseph Schubert, qui était non seulement un Juif, mais aussi un tenant des thèses socialistes et qui se trouvait lié de très près aux syndicats de métier. Ce dernier rappela que les nazis étaient les ennemis déclarés de tous les peuples civilisés, et que les travailleurs appartenant au mouvement syndical partout sur la planète, même dans la province de Québec, étaient résolus à lutter contre eux et contre tous ceux qui les appuieraient directement ou indirectement.

Le conseiller Seigler affirma pour sa part qu’il était hypocrite et veule de s’en prendre aux Juifs allemands au nom des principes chrétiens. Tous les chefs reconnus de la foi chrétienne dans les pays démocratiques, suggéra-t-il, condamnaient le régime hitlérien et le considéraient comme barbare et sinistre.

C’est avec peine que le conseiller Schwartz dit constater que dans une ville comme Montréal, qui possédait une population très cosmopolite, l’on tenait à l’hôtel de ville des discours antisémites semblables à ceux que l’on était habitué d’entendre au Moyen-Âge. Montréal était sans doute la seule grande agglomération nord-américaine, prétendit-il, ou l’on étalait ouvertement, de manière démagogique et hypocrite, de tels sentiments hostiles aux Juifs.

Ces paroles mirent le conseiller Auger hors de lui et il se plaignit sur-le-champ que Schwartz cherchait à l’insulter. Plus tard, Auger se rendit auprès des journalistes présents et dit à ceux qui travaillaient pour des organes francophones qu’il ne resterait pas silencieux devant un tel affront, et qu’il réglerait ses comptes avec les élus juifs. Pour sûr qu’il poursuivrait Berl Schwartz en justice pour l’avoir traité de démagogue.

En s’exprimant ainsi, les conseillers juifs avaient tour de même abouti à quelque chose. Il ne leur aurait sans doute pas été possible d’empêcher l’adoption de la résolution en question, mais au moins ils avaient travaillé à en diminuer la portée. On retira ainsi du texte les termes les plus carrément hostiles aux Juifs, et il ne resta plus que la demande voulant que le gouvernement libéral, en raison du niveau de chômage très élevé au Canada, ferme les portes du pays aux immigrants européens.

Ce n’est qu’à Montréal que la résolution contre les Juifs allemands fut votée sous une forme atténuée. Dans les autres villes et villages, le texte obtint l’assentiment des élus sous sa forme originale, soit tel qu’il avait d’abord été rédigé de la main d’antisémites convaincus.

170. Maurice Duplessis (1890-1959). Avocat, fondateur en 1935 du Parti de l’Union nationale, premier ministre du Québec de 1936 à 1939 et de 1944 à 1959.

171. Voir l’article paru dans Le Devoir du 27 septembre 1933, p. 1, intitulé « Au congrès juif de Prague. Projets d’immigration au Canada et aux États-Unis. Cent mille Germano-Juifs prêts à partir bientôt d’Europe ». Dans ce cas Le Devoir avait repris, sans doute hors contexte, une déclaration faite par Nahum Sokolow, président de l’Organisation sioniste, au Congrès sioniste mondial tenu à Prague du 21 août au 4 septembre 1933.

172. La motion Auger fut déposée officiellement le 11 septembre 1933. Le débat acerbe auquel l’auteur fait référence eut lieu le 19 octobre 1933, ainsi que le vote final du conseil municipal. La motion contenait entre autres le passage suivant qui fut plus tard retranché : « Considérant que le moyen le plus efficace pour le Canada de conserver intactes ses traditions chrétiennes et de remédier à la présente crise du chômage serait d’interdire l’entrée, en ce pays, de tout réfugié immigrant de l’Europe centrale, de l’Allemagne et de la Russie, professant des idées communistes ou antichrétiennes. »

173. Henri-Lemaître Auger (1873-1948). Conseiller du quartier Saint-Jacques de 1930 à 1936, il fut aussi élu député conservateur de l’Assemblée législative en 1935, puis réélu 1936 sous la bannière de l’Union nationale pour un mandat d’une durée de quatre ans. Auger occupa le poste de ministre de la Colonisation dans le premier cabinet Duplessis.

174. Ce parti ne fut toutefois fondé qu’en février 1934.

175. Henri-Adonai Quintal, conseiller du quartier Sainte-Marie de 1921 à 1934.

176. Joseph Schubert (1889-1952). Né en Roumanie, immigré au Canada en 1903, il fut secrétaire trésorier de 1916 à 1926 de la section montréalaise de L’International Ladie’s Garment Worker’s Union (ILGWU), conseiller municipal dans le quartier Saint-Louis de 1924 à 1940, puis premier pésident du Joint Committee of the Men’s and Boy’s Clothing Industry de 1935 à 1952.

177. Conseiller du quartier Laurier de 1930 à 1960.

178. Conseiller du quartier Saint-Laurent de 1931 à 1934.

Israël Medresh : “Le Montréal juif entre les deux guerres”. Traduit du yiddish et annoté par Pierre Anctil. Éditions du Septentrion, 2001. ISBN 2894483066.

Israël Medresh, journaliste de 1922 à 1964 au quotidien yiddish montréalais Der Keneder Odler (“L’aigle canadien”).

Pierre Anctil est un spécialiste de l’histoire de l’immigration juive et de la littérature yiddish à Montréal.

1. Le 10 janvier 2010,
Eolas

je trouve que les débats sur l’identité nationale, c’est beaucoup plus Rock n’Roll au Québec.

2. Le 10 janvier 2010,
Laurent Gloaguen

Je n’établirai aucune ressemblance ou quelconque parallèle avec des événements ou situations actuelles… ;-)

Blah ? Touitter !

La peur du Juif au Québec (2)

Le Franc-parleur.

Vous le savez : maints pays d’Europe, dont la France, l’Allemagne, l’Italie, la Pologne et la Roumanie, sont en train de faire la chasse à ces parasites que sont les Juifs de tous les pays, qu’ils accusent, à notre sens avec infiniment de raison, de servir la cause de la Révolution, de la lutte des classes, de la corruption et du brigandage économique.

Ces Juifs, repoussés de partout, où iront-ils installer leurs tentes crasseuses ? Il est des imbéciles chez nous et ailleurs, pour vouloir l’établissement de ces Juifs en ce pays qui, comme le prouvent les statistiques officielles, compte PLUS d’un MILLION de ses nationaux [au] secours direct.

Parmi ces secourus, combien sont Canadiens et combien sont Juifs ? Est-ce servir les intérêts de notre pays en général et les provinces en particulier que d’ouvrir les portes du Canada à ce genre d’immigrés dont se débarrassent les pays européens ?

[…] Nous ne voulons d’AUCUN de ces Juifs que des pays s’avisent, non sans raisons, de bouter dehors : Que faire, à notre tour, de ces indésirables quand nous éprouvons déjà des difficultés avec nos Juifs, établis chez nous pour la très grande majorité depuis 1905, avec l’approbation folle de Laurier qui ouvrit largement nos portes aux Juifs persécutés, parce que persécuteurs, de Pologne.

Avant d’accueillir chez nous un seul Juif, qu’on fournisse à nos CENTAINES de MILLIERS de chômeurs et à notre MILLION de secourus l’occasion de trouver du travail, de faire leur vie et de s’arracher à la mort qui les poursuit sans cesse.

Si les peuples s’entendent pour se débarrasser de leurs Juifs qu’ils trouvent trop encombrants, c’est que ceux-ci offrent un état d’âme dont AUCUN peuple ne peut s’accommoder sans sacrifier les intérêts de leurs nationaux, c’est que les Juifs sont une cause IMMÉDIATE des difficultés nombreuses qui surgissent chez ces peuples avec l’arrivée des Juifs chez eux.

Est-ce possible que tous les peuples soient d’accord au même moment pour voir les Juifs des indésirables, des inassimilables, des parasites, des fauteurs de désordres, des êtres dangereux, des créateurs de scandales, des pervertisseurs de peuples, des propagandistes de la révolution prolétarienne qui doit assurer leur règne sur tous les peuples, des profiteurs de guerres, des incendiaires criminels, des réalisateurs de faillites volontaires, en un mot, est-ce possible que tous les peuples soient d’accord au même moment pour voir en les Juifs des “scheemers” de tous genres dont les gestes ne profitent qu’à leur groupe !

C’est un FAIT que les Juifs sont haïs de TOUS les peuplades : ce FAIT, à quoi l’attribuer si ce n’est au caractère haïssable des Juifs qui aiment sans cesse brouter plus que la largeur de leur langue dans le pré de la chose publique, de l’économique des pays, de la politique nationale et internationale, des mœurs de barbares à faire adopter aux peuples que l’on veut asservir ?

[…] L’État est TENU de protéger les NOTRES avant de s’apitoyer sur le sort des Juifs allemands, italiens, polonais, roumains et autres qui, à notre sens, ont bien mérité le terriblement châtiment qu’on leur fait subir.

[…] PAS UN JUIF DE PLUS dans AUCUNE province du pays, que nous entendons conserver au peuple CANADIEN. Nous avez-vous compris, messieurs du gouvernement d’Ottawa : PAS UN JUIF DE PLUS.

CB.

Le Franc-parleur, Vol. XI, n° 12. Vendredi 20 janvier 1939.

Le Franc-parleur, 1915-1940 (Québec). Publié à Québec, Le Franc-parleur est un journal catholique, nationaliste et politiquement indépendant. Il reflète les opinions de son propriétaire, directeur et principal rédacteur, Raoul Renault. [Source Bibliothèque et Archives nationales du Québec.]

1. Le 10 janvier 2010,
Eolas

Encore un catholique qui n’écoutait pas Pie XII.

2. Le 11 janvier 2010,
blah

Tous ces mots en majuscules, ça me fait penser aux commentaires sur lemonde.fr

3. Le 21 janvier 2010,
Troll de premier choix

Eolas, l’article étant daté du 20 janvier 39, comment son auteur aurait-il pu écouter “Pie XII”, Mgr Pacelli n’ayant été élu Pape que le 2 mars 39 ? Pie XI étant décédé le 10 février 1939, était encore Souverain pontife le 20 janvier ;-)

Bon, chipotage de dates mis à part, je reconnais qu’on admet généralement que c’est le futur Pie XII qui a rédigé l’encyclique “Mit brennender Sorge” (noter la langue allemande utilisée, ce qui est inhabituel par rapport au latin) des 10 et 21 mars 1937.

Blah ? Touitter !

La peur du Juif au Québec (3)

Le Nationaliste et Le Devoir.

Contre l’immigration des Juifs au Canada.

Lettre de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal à MM. Cardin et Rinfret.

Ottawa, 1er. — M. Arthur Cardin, ministre des Travaux publics, et M. Fernand Rinfret, secrétaire d’État, ont accordé une entrevue aux directeurs de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et à quelques dirigeants d’autres associations montréalaises. Tous leur ont exposé leurs vues sur les problèmes que soulève la question de l’immigration au Canada. La lettre qu’ils ont ensuite adressée simultanément à ces deux ministres du cabinet fédéral, et que nous publions, en donne un fidèle résumé :

Monsieur le ministre,
Les directeurs de la Société St-Jean-Baptiste de Montréal, société nationale des Canadiens français, entendent s’acquitter une fois de plus du mandat que leur ont donné à Saint-Hyacinthe, le 23 octobre 1938, les Sociétés de Saint-Jean-Baptiste des provinces de Québec et d’Ontario et, le 17 novembre suivant, les Sociétés nationales de Montréal. Forts de cet appui, ils s’opposent à toute immigration massive comme inopportune et tout à fait contraire aux meilleurs intérêts du Canada. Ils sont d’avis que le gouvernement fédéral doit s’opposer avec fermeté à cette politique d’immigration tant qu’il n’aura pourvu à l’établissement des milliers de jeunes gens qui se trouvent sans emploi et n’aura pas fourni du travail aux milliers de chômeurs qui, dans toutes nos villes, vivent d’allocations de chômage. Ils se prononcent en particulier contre les permis spéciaux, accordés à certains immigrants, soit par le ministre de l’Immigration, soit par d’autres membres du cabinet fédéral.

Les dirigeants des Sociétés St-Jean-Baptiste de Montréal et des sociétés nationales protestent contre l’entrée au Canada des réfugiés d’Allemagne et de l’Europe centrale. La présence des Juifs dans les villes de notre pays constitue déjà un problème très grave pour ses gouvernants. Est-ce que ce ne sera pas l’aggraver et le rendre même insoluble que d’admettre chez nous des milliers de Juifs qui ne savent ni l’anglais ni le français ? Et que vaudra leur présence ici ? Des difficultés inextricables pour les deux races, la française et l’anglaise, qui ont fait le Canada ce qu’il est.

Tous les Canadiens, dont les racines plongent profondément dans le sol, réclament à l’heure actuelle une politique de peuplement et non une politique d’immigration à outrance.

Veuillez agréer, M. le ministre, l’expression de nos meilleurs sentiments.

Le chef du secrétariat, (signé) Alphone de la Rochelle.

Le Nationaliste et Le Devoir, Vol. XXX, n° 5. Jeudi 2 février 1939.

[Source Google News.]

Le Nationaliste est un hebdomadaire fondé en 1904 par Olivar Asselin, Armand Lavergne et Omer Héroux, avec le soutien d’Henri Bourassa. Il est alors destiné à la promotion des idées de la Ligue nationaliste canadienne, une association informelle de jeunes journalistes et avocats qui militent avec éclat pour le nationalisme canadien (autonomie du Canada dans l’Empire et autonomie des provinces dans la Confédération) et qui soutiennent Henri Bourassa (Bourassa est élu député provincial en 1908 sous l’étiquette Ligue nationaliste).

Le Nationaliste fusionne avec Le Devoir en septembre 1922. Il est intégré à l’édition hebdomadaire du Devoir paraissant le jeudi qui prend alors le titre Le Nationaliste et Le Devoir.

La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal est une organisation patriotique québécoise fondée par le journaliste Ludger Duvernay en 1834. Elle demeure active de nos jours et œuvre “à la protection et à la promotion de la langue française, de notre histoire nationale et de l’indépendance du Québec”.

1. Le 11 janvier 2010,
Magoua

Bon je ne ferai pas le coup du pendant ce temps en France… Mais si l’antisémitisme était réel dans la prose nationaliste canadienne-française du temps, il n’a été que rhétorique. Pendant ce temps au Canada-Anglais, on agissait. Ainsi le premier-ministre canadien du temps, Mackenzie King, confronté à l’afflux de réfugiés juifs européens appliquait une politique claire: none is too many (Aucun c’est déjà trop). Cet homme qui voyait en Hitler un possible sauveur du monde figure toujours sur nos billets de 50$.

Et pendant ce temps aussi, les grandes institutions anglophones fermaient leurs portes aux juifs. Il est connu par exemple que la très politiquement correcte Université McGill a maintenu des quotas de juifs dans certaines de ses facultés jusque dans les années 1950 alors que la très catholique et nationaliste Université de Montréal les accueillait à bras ouverts.

C’est que je suis toujours agacé qu’on fasse l’amalgame nationalisme antisémitisme alors que c’était une idéologie hélas très répandue dans beaucoup d’autres mouvements et institutions de l’époque.

2. Le 11 janvier 2010,
Laurent Gloaguen

Je ne crois pas que le Québec maîtrisait son immigration dans les années 30, c’était du ressort du fédéral uniquement. Il l’eut maîtrisé que des politiques similaires à celle de Mackenzie King auraient peut-être été prises au niveau du gouvernement provincial (pour indice, les résolutions de conseils municipaux décrites par Israël Medresh).

Pour les réfugiés juifs, il n’y a pas eu que le Canada qui fut réticent, cg. l’affaire du paquebot MS St. Louis en 1939.

Je ne ferais aucun amalgame en disant que les mouvements ouvertement sympathisants du nazisme se dont développés ici, comme en France, comme aux États-Unis, comme en Grande-Bretagne, etc. au sein des droites nationalistes. Ni ne ferait d’amalgame en disant qu’entre la peur du Juif dans les années 30 et la crise de la conscription, le Québec s’est montré sourd aux destinées du monde, piégé par ses ambitions nationales et par son antagonisme avec Ottawa, et que certains intellectuels catholiques mal inspirés qui tenaient tribunes de presse se sont fourvoyés.

Maintenant, petite montée de lait :

“Bon je ne ferai pas le coup du pendant ce temps en France…” Il ne manquerait plus que ça.

Car ce n’est en aucun cas la situation en France qui saurait exempter le Québec de tout regard historique et critique.

Et c’est toujours un peu fort de café cette réaction un peu minable, souvent non dénuée de xénophobie… “Vous, les Français”. Un peu comme lorsqu’on dénonce l’état de la langue et les anglicismes ici, et que l’on se voit répondre, au mépris du réel, “Ah oui, mais c’est bien pire chez vous”. Soufrez donc que je sois Français et que je m’intéresse à l’histoire du pays dans lequel j’ai pris parti de vivre, dans ses bons comme ses mauvais côtés. Il se trouve hélas que les pages plus obscures de l’histoire suscitent plus souvent mon intérêt, quel que soit le pays.

Notez aussi mes ascendances bretonnes et qu’il m’arrive d’avoir les mêmes sentiments que les vôtres quand je vois l’amalgame persistant qui est encore fait de nos jours entre les mouvements autonomistes bretons et le nazisme. Il se trouve, malheureusement, que bien des figures emblématiques du nationalisme breton se sont égarées dans les remous de l’histoire. Cela ne suffit pas à discréditer en bloc l’ambition indépendantiste, en Bretagne comme au Québec.

Au Québec, tout débat de société, toute étude de l’histoire, tout examen moral, tout affrontement poltique, est pollué par le sujet national qui est sous-jacent partout, et que cela ajoute un fort degré de complexité.

Je sais que le sujet est sensible, je connais la polémique Esther Delisle, ce n’est pas une raison pour occulter totalement le débat. Je fais mon propre travail de documentation afin d’établir mes conclusions personnelles, qui n’ont rien de gravé dans le marbre. Je partage pour l’instant ici, sans commentaire, les pièces que je rencontre — qui n’étaient pas disponibles sur le Web en format texte et qui peuvent en intéresser d’autres.

Merci donc de ne pas m’imposer des généralisations dont vous dites vous-même souffrir.

Sans rancune. (Je me suis levé du mauvais pied ce matin.)

3. Le 11 janvier 2010,
Magoua

Sans rancune non plus.

J’aime bien le parallèle Bretagne/Québec et effectivement il ne faut pas généraliser ce que je ne crois pas avoir fait. Tous les peuples ont de ces égarements et la France a eu aussi ses résistants. Je vois bien que tu ne voulais pas faire non plus d’amalgame mais tu comprends que je suis toujours un peu excédé de voir à quel point on va toujours chercher les égarements des nationalistes québécois alors que les politiques racistes canadiennes de l’époque ont rarement le même traitement, du KKK canadien au Québec bashing ordinaire de notre temps.

D’ailleurs pour en ajouter une couche, ces mêmes milieux nationalistes québécois se sont battus après-guerre pour abriter quelques ordures collaborationnistes au Québec. Et je puise ça dans la bio de Robert Rumilly par Jean-François Nadeau un nationaliste bon teint, comme quoi en bout de ligne toujours bien de trouver soi-même les squelettes dans le placard.

Vrai que la question nationale complique tout en ce pays. À lui seul, le cas de la Conscription mériterait une joyeuse discussion. Autour d’un verre de rouge, de préférence loin du matin ;-)

4. Le 11 janvier 2010,
Karl, La Grange

Une autre page intéressante de l’histoire est les camps de concentration des japonais au Canada pendant la seconde guerre mondiale. Cela s’est passé en Colombie Britannique après Pearl Harbour. La plus grande partie de ces japonais était de nationalité canadienne. Les internements ont commencé en 1942. En 1945, on leur a donné le choix d’aller vivre à l’est du Canada ou bien de partir vivre au Japon.

L’excuse du gouvernement canadien n’est venue qu’en 1988…

Cela s’est passé aussi aux États-Unis. Au Canada, il y a eu aussi les ukrainiens pendant la première guerre mondiale.

5. Le 11 janvier 2010,
Laurent Gloaguen

@Magoua : En parlant de conscription, sur la une du même numéro du Devoir/Nationaliste ci-dessus, on peut lire en titres : “Proclamer notre non-participation future aux guerres extra-territoriales”, “L’heure est grave, le temps presse ! Il faut que le gouvernement sache que le peuple ne veut ni d’une participation aux guerres extérieures de l’Angleterre, ni d’une politique militaire qui prépare pareille manœuvre”.

“Guerres extérieures de l’Angleterre” pour la Seconde guerre mondiale, nous admirons la portée de vue ! C’est signé Omer Héroux.

Enfin, ce n’est pas le sujet présent et il y a pas de verre de vin. :-)

(Et puis c’est le centenaire du Devoir, on ne va pas trop cracher dans la soupe commémorative.)

Blah ? Touitter !