Journal de bord

mardi 26 juin 2012

Complexité des lectures

Les élèves en France lisent au moins une pièce de Molière (Le Bourgeois gentilhomme, Les Fourberies de Scapin, Le Malade imaginaire) en classe de 5e (jeunes âgés de 12 ans).

Au Québec, une “professeuse” de français a osé inscrire Le Malade imaginaire dans son programme de CEGEP (jeunes âgés de 17 ans). Émoi de parents, ce genre d’œuvre d’une rare complexité devrait être réservé aux étudiants en Lettres à l’université.

Revenons à la lettre du papa. Il se décrit comme un parent responsable qui, dans les circonstances agitées que l’on sait, essayait d’aider son ado à reprendre ses cours, en particulier son cours de français, et c’est ce faisant qu’il a découvert Le malade imaginaire dans le plan de cours de la prof. Il est alors saisi d’un immense découragement, pour la première fois de sa vie de parent, il baisse les bras : j’étais désespéré, sans voix, pour la première fois de ma vie, je me suis vu incapable de l’aider. Je me suis senti désarmé devant des mots, des expressions, des réflexions, des analyses d’une lecture indigeste QUI S’ADRESSE PLUS À DES ÉTUDIANTS EN ART ET LETTRES ou à des futurs enseignants ou écrivains qu’à des étudiants qui doivent malheureusement passer par le cégep et des cours obligatoires pour accéder à l’université.

Les majuscules sont de moi. En fait, ce qu’il faudrait mettre en majuscules, c’est cette idée qui sous-tend le discours du monsieur, que la culture est une spécialité pour étudiants en arts et lettres, qu’on aille surtout pas emmerder les futurs ingénieurs du Plan Nord avec ça, quand ils s’ennuieront le dimanche après-midi à Fermont, ils iront se relouer Starbuck et puis voilà, c’est bien, Starbuck, vous l’avez vu?

La Presse, Pierre Foglia : “Starbuck”.

(À toutes fins utiles, nous rappellerons que la moitié des Québécois ne savent pas lire correctement.)

Sur le site du Ministère de l’Éducation consacré aux suggestions de lectures pour les jeunes, la complexité des livres est notée sur une échelle de 1 à 11. La note 11 veut dire “difficile à lire, haut degré de complexité, pour les 16 ans et plus”.

Sur les 24 livres de niveau 11 (sur une base de 6624 livres), on trouve Vendredi ou les limbes du Pacifique, Les Trois Mousquetaires, Le Seigneur des Anneaux, Les Misérables, David Copperfield, Au Bonheur des Dames, Le Capitaine Fracasse. (De mon point de vue, c’est probablement Le Seigneur des Anneaux qui emporte la palme de la difficulté… mais le succès de son adaptation cinématographique lui confère un supplément de motivation à le lire.)

1. Le 26 juin 2012,
isabelle

mon fils de 8 ans est allé voir le malade imaginaire en octobre dernier au théâtre . Je lui ai demandé après ce qu’il en avait compris , ne lui ayant rien expliqué . Il a compris l’histoire , pas vraiment tout le texte mais il a parfaitement saisi la problématique de ce brave homme et a su rire au x moments opportuns . C’est un petit garçon qui aime les pokemons et bob l’eponge mais bon visiblement il a passé un bon moment . J’ ai lu l’intégrale des hommes de bonnes volonté de Balzac en 6ème parce que j’ aimais bien l’histoire du 1er tome . Je trouve cela dommage de réserver cela à des étudiants en littérature . je viens de voir dans la liste le theorème du perroquet que j’ ai lu l’année dernière par hasard : même des étudiants en littérature ont du mal , il faut être mathématicien pour saisir la subtilité mais l’histoire en elle même ne pose pas de difficulté . par contre Fondation de Asimov de niveau 10 m’ a posé plus de difficultés.

2. Le 26 juin 2012,
xave

Je ne vois pas ce qui est choquant. Ces gens expliquent simplement qu’à moins qu’il soit capable de poursuivre des études supérieures spécialisées, un Québécois, quel que soit son âge (puisque c’est le cas du parent, ici), est moins intelligent qu’un gamin français de 12 ans.

Je ne vois pas où est la nouveauté.

3. Le 26 juin 2012,
Krysalia

toujours ce drame terrible dès qu’on touche à l’intellectuel… On croirait entendre cette pub où une jeune fille annonce à ses parents catastrophés qu’elle est myope et que ça va leur coûter leurs vacances.

“papa, maman, j’ai lu des livres #11 et j’ai aimé ça. je crois qu’il va m’en falloir d’autres”…

Oh mon dieu, notre enfant est un intellectuel oO ! est-ce que c’est de notre faute ? c’est peut être seulement une phase ?

4. Le 26 juin 2012,
Yaume

@isabelle : en même temps la difficulté c’est très subjectif, j’ai lu le cycle Fondation en 3e (donc 14/15 ans) et je n’ai pas trouvé ça compliqué du tout. Il y a tout un tas de critères qui jouent, de l’habitude de lire à l’attraction du sujet :) Il y a surement des livres qui me sont tombés des mains que vous avez lu d’un trait.

Perso le livre le plus compliqué à lire que j’ai terminé (parce qu’obligé par l’école) c’est la Condition humaine de Malraux en 1ere (donc 17 ans), mais une fois fini j’étais content de l’avoir lu (par contre j’ai tenté un autre Malraux et je n’ai pas réussi à aller au bout) alors un livre “compliqué” de temps en temps ça peut aussi faire du bien. (bien que j’ai du mal à classer du Molière en compliqué … :D)

5. Le 26 juin 2012,
Karl, La Grange

Au Bonheur Des Dames… compliqué ? Soupir. Quoique c’est peut-être une directive des gouvernements libéraux du Québec pour éviter que la notion de critique sociale s’éveille trop tôt.

6. Le 26 juin 2012,
Lavraienutrition

Ancien élève de France ici: Quand je pense qu’on ma donné du Zola à bouffer à 12 ans, Molière l’année d’avant, c’était un moment de plaisir.

7. Le 26 juin 2012,
Maxime

xave: +1

Je ne vois pas où est le troll.

8. Le 26 juin 2012,
Laurent Gloaguen

Moi, je vois où sont les trolls.

9. Le 26 juin 2012,
lolosquared

xave : +1 que dire de Proust, Duras et d’autres ??? ils sont hors catégories ? Mais où sont les trolls ?

10. Le 26 juin 2012,
Maxime

Les trolls ne sont certainement pas au Québec, il faut un certain niveau de maîtrise de la langue française pour cela.

11. Le 26 juin 2012,
Hoedic

En effet, pour être un bon troll, il faut connaitre par cœur L’art d’avoir toujours raison de Schopenhauer qui doit bien être classé 10 sur 11 rien que pour la difficulté du nom de l’auteur. Et que dire de Nietzsche que bien des contemporains persistent à prononcer “nicht”.

12. Le 26 juin 2012,
Karl, La Grange

Je suis à peu près sûr que l’on peut trouver une version du bonheur des dames où Michel Simon est sous-titré pour que les québécois comprennent.

13. Le 26 juin 2012,
André Levasseur

Parmi les titres classés 10 sur 11, il y aurait, du côté québécois: Prochain Épisode d’Hubert Aquin, Le Torrent d’Anne Hébert, Enfantômes de Réjean Ducharme, La Nuitte de Malcomm Hudd de Victor-Lévy Beaulieu, Les Oranges sont vertes de Claude Gauvreau. Et combien d’autres.

Et ils n’ont pas de sous-titres pour les Français, Karl. Désolé.

Ces ouvrages, que je classe 10 sur 11, j’aurais aimé les lire au primaire ou au début du secondaire.

14. Le 27 juin 2012,
Sacrip'Anne

Expérience faite : deux miniatures de 6 ans + Les Fourberies de Scapin = éclats de rire pendant pas loin de deux heures. Ok il a fallu réexpliquer des détails, mais dans l’ensemble, ils ont bien suivi et saisi.

J’imagine qu’en dehors de questions de langues (je ne peux pas dire qu’au Québec et en France, on ne parle pas la même langue, c’est vrai, mais c’est aussi vrai du français de Molière et du français contemporain, du coup l’argument ne tient pas !), il y a aussi un rapport un peu moins complexé (d’une partie) des français au texte.

Mais quand même. C’est triste cette sorte d’auto-complexe qui fait qu’on nivelle par le bas sans même chercher pourquoi diable on a envie de faire découvrir Molière aux enfants, grands ou moins grands…

15. Le 27 juin 2012,
samantdi

Professeur de français en France depuis 1985, je me souviens que lors de ma deuxième année d’enseignement, j’avais reçu une lettre indignée de la mère d’un élève de 6ème (11ans) parce que j’avais imposé une fable de La Fontaine en récitation. “C’est trop difficile, on n’y comprend rien, mon fils n’apprendra pas ce texte !”

Blah ? Touitter !

Droit d’auteur au Québec

S’il n’y a pas de mention explicite de l’auteur accompagnant des images, elles sont libres de droits.

Pour réaliser une publicité, qui sera notamment diffusée à la télé, le Parti libéral a emprunté sur Internet une séquence montrant Pauline Marois, chef de l’opposition, frappant sur des casseroles. Sans en chercher l’auteur pour lui demander l’autorisation.

Le vidéaste amateur Guy Séguin a mis en ligne, sur Facebook, sa vidéo. Il a un compte intitulé « Sortons les libéraux ».

M. Séguin met en demeure le Parti libéral du Québec (PLQ) de retirer sa publicité. Il l’accuse d’avoir utilisé ses images sans son consentement.

« On ne parle ici d’un simple échange de vidéos. On parle d’un parti politique qui se sert d’images qui ne lui appartiennent pas pour faire de la propagande politique. La publicité doit être retirée parce que je n’ai pas donné de consentement et qu’on ne me l’a pas demandé », a expliqué à La Presse M. Séguin, qui n’est membre d’aucun parti.

En matinée, il a parlé au directeur général du PLQ, Karl Blackburn, qui lui a confirmé la réception de la mise en demeure. M. Blackburn a affirmé que le dossier est entre les mains des avocats du parti, a noté M. Séguin.

Pour Jean Charest, le parti n’a rien fait de répréhensible. « Les images sont dans le domaine public. Elles ont été largement diffusées. C’était sur le site Internet ou Facebook du candidat du Parti québécois dans le comté d’Argenteuil », a plaidé le premier ministre.

Le directeur des communications du PLQ, Michel Rochette, a souligné sur Twitter que les images ont été « gracieusement diffusées sur le site Facebook du Parti québécois dans Argenteuil. Sans mention d’auteur ».

La Presse, Tommy Chouinard : “Marois et les casseroles: mise en demeure contre le PLQ”.

Lettre Karl Blackburn

Une interprétation très libérale de la propriété intellectuelle.

1. Le 27 juin 2012,
Sitenreveuxyenrena

Du coup, quand les chansons sont diffusés et sur diffusés en radio, on peut graver le CD tranquille, non?

2. Le 27 juin 2012,
OlivierJ

Même si c’était interdit, ça serait difficile à sanctionner.

3. Le 27 juin 2012,
Jean

@Sitenreveuxyenrena

Tout à fait. D’ailleurs en Europe on paie redevance pour une telle licence. Mais ça n’a rien à voir avec le droit moral qui ici n’est pas respecté par le Parti Libéral. Le contexte n’est pas non plus le même : lorsqu’on fait son CD c’est un acte privé, tandis dans ce cas précis il s’agit d’une utilisation publique, à des fins de propagande, sans autorisation, par le PLQ. Je vais me gêner ?

Reste qu’en Amérique du Nord on vit en copyright lequel ne reconnait pas le droit moral, ou du moins à peine. Aussi je ne sais ce qu’il en est au Québec. Sur le sujet voir le bon comparatif qu’on peut trouver sur le site de la SACD : Droit d’auteur et copyright.

Enfin le PLQ tente de se justifier en opposant à ses détracteurs une parodie de publicité. Toujours en droit français : lorsque l’oeuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire […] la parodie, le pastiche et la caricature, compte tenu des lois du genre Art. L122-5 du CPI.

L’affaire est intéressante et j’aimerais savoir si au final Guy Séguin obtient gain de cause.

Blah ? Touitter !