Patrick Lagacé, journaliste et chroniqueur québécois chez La Presse, s’attaque à un blogueur réactionnaire, un certain Carl Bergeron, qui, à le lire, se révèle effectivement gerbant (à titre d’exemple, pour vous situer le personnage, il se fait le chantre de Tony Anatrella…).
Le problème, c’est que Patrick Lagacé, qu’il m’arrive d’apprécier par ailleurs, utilise des méthodes que je trouve un peu contestables, comme s’attaquer plus à la forme qu’au fond et traiter son interlocuteur de frustré sexuel.
Carl Bergeron a une certaine qualité de plume et s’exprime mieux que 90 % de ses concitoyens, sa langue est assez précise et limpide, quoique parfois inutilement affectée, comme chez Embruns. L’attaque de Patrick Lagacé est donc la suivante :
Enfin, vous lirez le billet de Carl Bergeron si ça vous tente, mais je vous préviens, le gars s’écoute écrire, je veux dire par là qu’entre deux mots, il prend le plus compliqué, le plus obscur ; il fait aussi de trèèèèèèèès longues phrases. Bref, la marque des gens qui écrivent lourdement parce qu’écrire lourdement, ça passe pour plus intelligent. Sauf qu’il faut relire trois fois pour comprendre parce qu’on se met immanquablement à penser qu’on manque de Windex et de papier-cul quand on lit la prose des gens qui écrivent lourdement, tant ils sont plates.
Non content d’étaler ainsi son mépris de l’écriture et du style — trait typiquement québécois —, Patrick Lagacé conclut avec grande élégance en conseillant au blogueur d’avoir des relations sexuelles plus fréquentes, que cela le décoincerait.
De la part d’un journaliste en vue, qui apparaît fréquemment à la télé (en compagnie du fort déplaisant Richard Martineau), et qui a une tribune dans le principal organe de presse de sa province, il nous serait loisible d’espérer mieux et je ne doute pas qu’il soit capable d’exprimer de façon plus puissante et étayée sa légitime colère.
P.S. Comme un commentateur me le signale, il s’agit d’une critique de même nature que celle à l’égard du journal Le Devoir, il y a deux mois :
Encore dans un autre ordre d’idée, j’ai donné une taloche au Devoir, tantôt, à « Tout le monde en parle ». J’ai dit qu’il y a des mots, dans ce journal, que je ne comprends pas. Sarcasme, bien sûr. Je les comprends. C’est juste que ça me fascine toujours de voir des journalistes utiliser, entre deux mots qui signifient la même chose, le plus obscur, le plus compliqué, le plus rarement utilisé. Ça te fait évidemment passer pour un génie, mais je ne pense pas que ce soit le but d’un texte publié dans un journal. Évidemment, je ne visais pas tout le monde (bonjour Paul, Antoine, Mme Boileau). Je ne suis pas le seul à penser qu’il y a des mots qui pètent de la broue.
Patrick Lagacé : “Quelques cossins de fin de soirée…”
Comme pour égayer ce week-end gibouléen, le gérant des éditions Thélès, Gaël Martin, m’adresse aujourd’hui par lettre recommandée et voie d’avocats une mise en demeure assez inédite. Avec quelques autres, ce prestataire d’édition à compte d’auteur a fait l’objet d’un article d’analyse publié en juin dernier dans notre « Foire aux questions » sur l’édition. Si je devais « plaider la cause » de cet article, je dirais simplement qu’il relève de l’information des consommateurs et de la liberté de critique, appuyées l’une et l’autre sur des éléments factuels et des commentaires que je crois avisés.
Mais l’article ne fait pas litige en lui-même, enfin, pas tout à fait. Si le responsable de Thélès prétend y percevoir du « dénigrement », il attaque sur un autre versant : la CONTREFAÇON DE MARQUE. […]
Résumons : vous publiez sur votre site un billet sur un produit ou une société qui — par la force des choses ! — a un rapport avec votre activité ou vos centres d’intérêt. Votre article s’intitule « Mon avis sur Tartempion ». Il ne plaît pas à Tartempion mais il est assez solidement documenté et tempéré pour ne pas tomber sous le coup de la diffamation. En bon webmestre, soucieux de fournir un étiquetage HTML valide et pertinent pour les logiciels sémantiques, vous renseignez les balises META comme vous le faites pour chacune de vos pages : type de contenu, encodage, titre de la page, description, mots-clés. Parmi les mots-clés figure évidemment “Tartempion” puisque c’est le sujet de votre article. Votre jeu de mots-clés est fidèle à votre propos, il ne sur-représente pas une information absente, il ne phagocyte pas l’espace lexical, il reflète seulement de quoi vous parlez par des items spécifiques. […]
Sur quoi, Tartempion vous attaque en contrefaçon industrielle parce que vous « utilisez » sa marque. Bien que vous vous contentiez de décrire par vos balises META une information qui ne peut pas être décrite autrement, il vous accuse de profiter de sa notoriété et de lui faire une concurrence déloyale. Cet élément est important pour faire prospérer le chef de contrefaçon, car le principe dit « de spécialité » fait que la marque n’est protégée que pour les produits ou services au titre desquels elle a été déposée à l’INPI. Mais, comme vous êtes auteur ou journaliste ou éditeur ou blogueur, il sera facile de vous faire assimiler à un travailleur du secteur de l’édition ou de la communication, ce qui se trouve être le secteur d’activité de Tartempion. C’est ainsi que contre toute attente, vous vous révélez être un CONCURRENT de Tartempion !
[BlogNot!, Marc Autret : “De la contrefaçon par meta-tags”.]
Hmmm, une Caisse Mutuelle d’Assurance Juridique pour blogueurs n’est pas une mauvaise idée…
[Via Gilles Klein.]
Bullying is everywhere, including here in Fayetteville, a city of 60,000 with one of the country’s better school systems. A decade ago a Fayetteville student was mercilessly harassed and beaten for being gay. After a complaint was filed with the Office of Civil Rights, the district adopted procedures to promote tolerance and respect — none of which seems to have been of much comfort to Billy Wolfe.
It remains unclear why Billy became a target at age 12; schoolyard anthropology can be so nuanced. Maybe because he was so tall, or wore glasses then, or has a learning disability that affects his reading comprehension. Or maybe some kids were just bored. Or angry.
[…] In ninth grade, a couple of the same boys started a Facebook page called “Every One That Hates Billy Wolfe.” It featured a photograph of Billy’s face superimposed over a likeness of Peter Pan, and provided this description of its purpose: “There is no reason anyone should like billy he’s a little bitch. And a homosexual that NO ONE LIKES.”
[…] So who is Billy Wolfe? Now 16, he likes the outdoors, racquetball and girls. For whatever reason — bullying, learning disabilities or lack of interest — his grades are poor. Some teachers think he’s a sweet kid; others think he is easily distracted, occasionally disruptive, even disrespectful. He has received a few suspensions for misbehavior, though none for bullying.
[The New-York Times, Dan Barry : “A Boy the Bullies Love to Beat Up, Repeatedly”.]
Voyons donc ensemble le petit guide du publier tranquille, ou comment bloguer l’âme en paix et accueillir les courriers d’avocats avec un éclat de rire.
[…] Là, ça se complique. Je vais donc, pour illustrer mes propos, prendre un cobaye en la personne de Laurent Gloaguen dont la bonhommie bretonne ne doit pas faire oublier un tempérament potentiellement tempétueux.
La diffamation, donc, est définie ainsi : toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé. e.g. : “Laurent Gloaguen est un escroc”.
L’injure est toute expression outrageante ne contenant l’imputation d’aucun fait. e.g. : “Laurent Gloaguen est un connard”.
Tout d’abord, il faut que la personne soit identifiée ou au moins identifiable. Inutile qu’il soit identifiable par des milliers de personnes. Un groupe restreint suffit, du moment qu’il peut subir un préjudice du fait d’être reconnu par ce groupe comme le milieu professionnel dans lequel il évolue (par exemple : un chercheur dénoncé auprès de la direction du CNRS comme étant un terroriste international, mais là j’exagère avec mes exemples : personne ne serait assez stupide et méchant pour oser faire une chose pareille).
Si le blogueur dit “Laurent Gloaguen est un escroc”, il n’y a pas de problème, il est clairement identifié. S’il dit “le soi-disant capitaine qui nous inflige ses embruns sur internet est un escroc”, il n’est pas nommé, mais reste aisément identifiable. Le blogueur ne peut pas prétendre devant le tribunal qu’en fait, il parlait de quelqu’un d’autre, sauf à expliquer de qui.
[Journal d’un avocat : “Blogueurs et Responsabilité Reloaded”.]
桜前線
Sakura, la floraison des cerisiers, est un moment d’extase collective du Japon. Certains y vivent une joie spontanée de voir fleurir les cerisiers un peu partout, d’autres se laissent abandonner à l’hystérie collective. En fait, peut-être que tout le monde navigue entre les deux.
Ce que l’on voit fleurir en dessous des cerisiers sont les photographes, les « kirei! » (c’est beau) et les gens ivres. Le sake et la bâche bleue sont de rigueur, l’ivresse permettant de se dire tout en gardant sa virginité. L’ivresse est un rituel pour permettre les mots qui ne seraient pas dit en d’autres circonstances. Au point que parfois l’ivresse sera simulée pour que les mots vivent.
[Carnets de La Grange : “20080324-01 : Sakura”.]
[Photographie noe**]
GreG
Bah dis donc, il porte bien son nom Lagacé… J’imagine qu’ il y a sûrement un lien avec le fait que ce blogueur vient de sortir un livre intitulé “L’État québécois et le carnaval de la décadence”. Il précise même à l’une de ses commentatrices “qu’il est miraculeusement sorti lettré du système éducatif Québécois” (enfin un truc dans le genre).
En tout cas je trouve minables les attaques faites sur sa façon d’écrire, surtout qu’il manie bien la plume le mec. C’est marrant, moi aussi j’ai tendance à mettre des majuscule sur certains mots comme la Loi, la Vie, l’Homme ou l’Amour, souvent lorsque je les évoque dans leur sens le plus large, mais ça ne fait pas de moi un idéologue et cela n’a jamais altéré ma libido. Faut quand même être très con, ou très agacé pour sortir des déductions pareilles. C’est plutôt lui qui a l’air de se branler la moelle épinière…
Encore un qui veut faire son show ou qui a un sérieux complexe d’infériorité (il a dû être traumatisé par l’un de ses profs de Français).
Anne Onyme
Ce n’est pas la première fois que Lagacé se plaint des grands mots. Précédemment, il a critiquer le journal Le Devoir pour l’usage de mots trop compliqués pour la plèbe.
karl, La Grange
Why I write, George Orwell
Mario Asselin
Un apport culturel vous manque peut-être pour apprécier «la charge» de Patrick Lagacé contre la tirade de M. Bergeron. C’est moins une question de verbiage qui fait sourire qu’une impression d’appartenance aux Bérets Blancs, ces amis de Gilberte Côté-Mercier et du Journal Vers Demain qui a fait rigoler bien des Québécois, il fut un temps. Il est possible que nous nous soyons trompés sur cette association, je ne sais pas encore. Les mots-clés sont «le gars s’écoute écrire»… Mais il lit Cyberpresse, manifestement.
Le titre du billet est bien choisi, il me semble: «Les idéologues écrivent lourdement». Je reconnais que l’utilisation de l’adverbe «lourdement» peut paraître symptomatique de notre «mépris de l’écriture et du style» caractéristique d’une «certaine qualité de plume»; notre rigolade y prête flanc. Mais dans le cas présent, elle est associée à ce qui différencie l’intellectuel de l’idéologue. La spéculation et le festival des idées vagues étant le propre du discours de Mme Côté-Mercier et de M. Bergeron, dans ce cas-ci. Comme tu le dis, l’agitateur Bergeron «se révèle assez gerbant merci».
Attention… Je ne prétends pas que M. Bergeron soit de cette essence (Bérets Blanc, Vers Demain, etc.). Il s’en défend d’ailleurs de façon virulente dans ce billet, affirmant ignorer «complètement jusqu’à ce jour» l’existence des Bérêts Blancs… Grand bien lui fasse.
Patrick ne fait pas l’association clairement lui non plus (il y a un point d’interrogation au bout de son assertion…), mais bon, ce genre de discours, «intelligence conséquente»… «Journal de l’offensive conservatrice»… ça donne à penser que les atomes sont crochus, rien de plus.
Pour le reste, il y a cette dénonciation de l’utilisation abusive de la majuscule qui m’a fait rigoler, moi également… je le confesse. Si j’ai blessé la prose intellectuelle et sophistiquée de ce monsieur (ou de quelqu’un d’autre), je m’en excuse.
Je ne discute pas vraiment du principe qu’il nous arrive d’éprouver un peu de mépris pour l’écriture et le style et que ce trait puisse être «typiquement québécois», mais il faut se rappeler que le point de départ de cette petite tempête dans un verre d’eau soit lié à la décision d’un «warden américain qui refuse à une fillette de dix ans qui se meurt d’un cancer le privilège de voir son détenu de papa à son chevet». M. Bergeron crache que de s’en offusquer est de démontrer «de la “compassion” typique du techno-progressisme qui se décline constamment sur le mode de l’injonction vertueuse et inquisitoriale.»
olivier.l
ma belle-soeur part dans deux jours au québec elle enquêtera!
brem
Mon commentaire hautement intellectuel: On s’en tabarnak! :)
Maxime
J’ai un peu de mal à comprendre cet affaire, mais j’ai vraiment l’impression d’avoir à faire avec une cours de récréation.
Laurent Gloaguen
@Mario : merci de m’avoir fait découvrir Gilberte Côté-Mercier en ce lundi de Pâques… ;-) Cela dit, je trouve, à défaut d’en savoir plus pour le moment, loin d’être risible l’engagement des Bérets blancs pour la justice économique et sociale.
Sur le fond, je ne mets pas en doute le bien fondé de la réplique, ce sont les moyens employés qui me gênent aux entournures.
D’une part, ridiculiser les gens qui font appel à la richesse lexicale (blâme que l’on ne pourra certes pas adresser à Patrick), qu’il s’agisse du quotidien Le Devoir ou de M. Bergeron, et d’autre part, le sous-entendu qu’il faille être mal baisé pour avoir des idées réactionnaires ou être étroit d’esprit.
Quant au trait typiquement québécois, je ne pense pas qu’il me soit nécessaire de te faire un dessin… De fait, la remontrance de Patrick est des plus courantes, ne lui est en rien originale, et est quelque peu démagogique (flatter le peuple par ses travers), dans un pays où “intellectuel” peut parfois ressembler à une insulte. Venant d’un homme dont le métier est d’écrire et de transmettre, cela me gêne un peu.
Stephane Z.
Cool, une nouvelle sorcière pour la blogo québécoise. Ça manquait un peu ces derniers temps, il n’y avait rien à lire !
Patrick Lagacé
Salut Laurent,
Critique fort loyale, à laquelle j’ajoute cependant une nuance. J’écris que Carl Bergeron écrit lourdement. Ça ne veut pas dire que je méprise l’intellect, l’intellectualisme ou les intellectuels. Ça veut dire que je trouve que Carl Bergeron écrit dans un style ampoulé, fermé, obscur - ce qui pour moi est le contraire de la communication et le propre des gens qui écrivent pour impressionner. Je n’écris pas pour montrer l’étendue de ma culture, pour mettre en vitrine ce dictionnaire des synonymes que j’ai si bien assimilé : j’écris pour être lu, pour informer, pour être compris. That’s it.
Je te le souligne car cette critique revient souvent, sous plusieurs formes. Je critique une sortie de l’ADQ ? On me taxe d’être contre Mario Dumont. Je souligne les carences de Pauline Marois en anglais ? Je suis un méchant agent fédéraliste. Je cite un papier montrant un travers de la vie aux États-Unis ? On m’accuse d’être anti-américain. Comme on dit dans ton pays : Y en a marre, à la fin !
Pour ce qui est de l’allusion à la gymnastique horizontale que devraient pratiquer plus fréquemment les idéologues, eh bien sorry : je pense que si les gens faisaient des guiliguilis plus souvent, ils passeraient moins temps à dire, penser et faire des conneries… :)
Amicalement, PL
Dominique
Je te le souligne
Bel anglicisme de la plus pure facture québécoise…
Olivier
Plus les jours passent, plus j’admire la simplicité, la franchise et la pertinence de Patrick Lagacé. J’en manque plus une miette.
Si on devait le comprarer à un escrimeur, il serait celui qui touche, alors que les autres font des feintes…
Change rien!
Blah ? Touitter !