J’ai eu le bonheur de photographier XXX, jeudi dernier. 23 ans, ce bel homme s’est fait happer par le virus HIV, il y a trois ans. Bien qu’il soit en très bonne forme, son jeune corps possédant tous les outils pour combattre l’intrus, XXX a tout de même appris qu’on ne peut pas résister longtemps à une autre maladie humaine: l’hypocrisie. Du jour au lendemain, il perdit tous ses amis par le seul fait d’avoir maintenant en lui le virus. On apprend certes à vivre avec une maladie chronique, mais je crois qu’on aura toujours du mal à se prémunir face à la méchanceté ou à l’ignorance humaine.
Reçu par courriel aujourd’hui. Que dire de plus ?
Les mentalités n’ont pas évolué, j’ai tendance à penser qu’elles ont régressé. Merde, baiser SSR avec un séropo qui se soigne, il faut savoir qu’il est bien plus dangereux de prendre son vélo. Rien à voir avec il y a 14 ans et des charges virales dont nous n’avons plus idée aujourd’hui (bien avant les tri-thérapies, il n’y avait alors que l’AZT). Pratiquant le SSR à l’époque, mais sans plus, je suis encore séronég aujourd’hui. (J’ai mis au moins dix ans à digérer ça, séro-, la honte, la trahison, je ne sais pas si vous pouvez comprendre ça sans l’expérience du moment.)
Des mecs pestiférés alors que le risque est nul si l’on se comporte en adultes responsables ? Des beaux jeunes gars comme XXX qui ne peuvent inspirer que l’amour et la tendresse ? Qui ont leur vie devant eux malgré la présence cachée de la saloperie ? Pire, perdre l’amitié alors qu’il n’y a pas d’enjeu sexuel ? Vraiment, je ne comprends pas. Il y a 20 ou 15 ans, je veux bien, et encore. J’ai connu cette époque… Mais, aujourd’hui ?
J’ai le sentiment que nous sommes, communautairement parlant, pas à la hauteur. La nature humaine n’est pas altruiste, c’est mon expérience de la vie. Oh, bien sûr, il y a de formidables exceptions (et j’ai l’infinie chance d’en compter parmi mes amis), mais l’égoïsme et la lâcheté sont les qualités les plus communément partagées. D’autant plus quand elles sont alimentées de peurs irrationnelles. La peur, le moteur invariable de toutes nos horreurs.
J’en ai retenu l’amère leçon, le jour où j’en avais besoin, nombre de mes “amis” se sont évaporés. Ceux qui sont restés pour m’accompagner se comptaient sur les doigts d’une main. Sacré écrémage… Lâches, enfants d’une société qui perd pied et qui valorise le dérisoire après avoir tué dieu, d’une société où la mort ne fait plus partie de la vie, où elle est considérée comme obscène, mais, je m’égare dans le ressentiment personnel… Les plaies sont toujours vives.
Si vous devez choisir, prenez plutôt un séro+, ils ont souvent plus de choses dans le crâne, plus à offrir du fait de leur expérience de la vie. Un supplément d’humanité. Pas tous bien sûr, il y a de vrais sales cons (et c’est un virus sans thérapie aucune), mais beaucoup. Tout dépend de votre choix de vie. Et comme dans une fameuse publicité de rillettes, de valeurs. Placer l’homme avant tout, ça, c’est une vraie valeur.
Lutter contre la “sérophobie” n’est pas un vain combat.
Monsieur,
Poursuivi par les révolutionnaires, M. le vicomte de ***, M. le comte de ***, M. le marquis de *** (on avait soin de choisir le nom d’une personnalité connue et récemment proscrite), au service duquel j’étais en qualité de valet de chambre, prit le parti de se dérober par la fuite à la rage de ses ennemis ; nous nous sauvâmes, mais suivis pour ainsi dire à la piste, nous allions être arrêtés lorsque arrivâmes à peu de distance de votre ville ; nous fûmes forcés d’abandonner notre voiture, nos malles, enfin tout notre bagage ; nous pûmes cependant sauver un petit coffre contenant les bijoux de Madame, et 30 000 francs en or ; mais, dans la crainte d’être arrêtés nantis de ces objets, nous nous rendîmes dans un lieu écarté et non loin de celui où nous avions été forcés de nous arrêter ; après en avoir levé le plan, nous enfouîmes notre trésor, puis ensuite nous nous déguisâmes, nous entrâmes dans votre ville et allâmes loger à l’hôtel de ***.
Nous nous informâmes en soupant d’une personne à laquelle on pût, au besoin, confier des sommes un peu fortes ; nous voulions charger cette personne de déterrer notre argent, et de nous l’envoyer par petites parties au fur et à mesure de nos besoins, mais la destinée en ordonna autrement.
Vous connaissez sans doute les circonstances qui accompagnèrent l’arrestation de mon vertueux maître, ainsi que sa triste fin. Plus heureux que lui, il me fût possible de gagner l’Allemagne, mais bientôt assailli par la plus affreuse misère, je me déterminai à rentrer en France. Je fus arrêté et conduit à Paris ; trouvé nanti d’un faux passeport, je fus condamné à la peine des fers, et maintenant, à la suite d’une longue et cruelle maladie, je suis à l’infirmerie de Bicêtre. J’avais eu, avant de rentrer en France, la précaution de cacher le plan en question dans la doublure d’une malle qui, heureusement, est encore en ma possession. Dans la position cruelle où je me trouve, je crois pouvoir, sans mériter le moindre blâme, me servir d’une partie de la somme enfouie près de votre ville. Parmi plusieurs noms que nous avions recueillis, mon maître et moi, à l’hôtel, je choisis le vôtre. Je n’ai pas l’honneur de vous connaître personnellement, mais la réputation de probité et de bonté dont vous jouissez dans votre ville, m’est un sûr garant que vous voudrez bien vous acquitter de la mission dont je désire vous charger, et que vous vous montrerez digne de la confiance d’un pauvre prisonnier qui n’espère qu’en Dieu et en vous.
Veuillez, Monsieur, me faire savoir si vous acceptez ma proposition. Si j’étais assez heureux pour qu’elle vous convînt, je trouverais les moyens de vous faire parvenir le plan, de sorte qu’il ne vous resterait plus qu’à déterrer la cassette ; vous garderiez le contenu entre vos mains ; seulement vous me feriez tenir ce qui me serait nécessaire pour alléger ma malheureuse position.
Je suis, etc.
P.S. Il n’est pas nécessaire de vous dire qu’une affaire semblable à celle que je vous propose doit être faite avec la plus grande discrétion ; ainsi, dans votre réponse, qui devra passer par le greffe de la prison avant de m’être remise, bornez-vous, seulement à me répondre, oui, ou non.
[Type de “lettre de Jerusalem”, en vogue entre 1789 et l’an VI de la République, citée par Eugène François Vidocq, ex-chef de la police de sûreté, dans “Les voleurs, physiologie de leurs mœurs et de leur langage. Ouvrage qui dévoile les ruses de tous les fripons, et destiné à devenir le Vade Mecum de tous les honnêtes gens.” Chez l’auteur, 20, rue du Pont Louis-Philippe et chez tous les libraires marchands de nouveautés. 1837. Réf. Google Books.]
Les Nigériens n’ont rien inventé…
LangueFrançaise.net : “Des lettres de Jérusalem au scam africain”.
Wikipedia Fr : “Lettre de Jérusalem”.
Je suis en train de tester le tableur d’Apple “Numbers” que je trouve très plaisant à l’usage… Je vais en avoir besoin pour établir ma “packing list” destinée aux douanes canadiennes.
À titre d’exercice, j’ai réalisé mon premier graphique.
[Les chiffres de 2003 sont probablement surévalués (recensement du gouvernement indépendantiste). La population de l’Abkhazie seraient passée de 525 061 habitants en 1989 à moins de 180 000 aujourd’hui, dont 90 000 Abkhazes. Avant les guerres, les Abkhazes représentaient 17.8% de la population (1989), pour moitié de religion musulmane.]
Libération/AFP : “L’Abkhazie va demander à Moscou de reconnaître son indépendance”.
Delphine Dumont est une baroudeuse, le genre de fille qui écrase une mygale d’un coup de talon sans aucun frémissement. Prête à toutes les expériences extrêmes qui nourrissent sa vie aventureuse, elle n’hésite pas une seconde quand il s’agit d’affronter… les productions de TF1.
On voit donc des gens, plutôt bien faits physiquement, en maillot de bain ou tenue light, qui se frôlent à longueur de temps tout en tenant des conversations où il n’est question que de “gérer son moi intérieur”, “accepter l’autre dans son identité”, “dépasser ses angoisses primaires”, “reconnaître sa valeur personnelle en tant qu’individu”, etc… Si vous aimez la psychologie façon test de Femme Actuelle, vous allez adorer ! Si vous aimez étudier l’anatomie façon Newlook, vous allez adorer aussi !
[Delphine Dumont : “J’ai regardé L’Île de la Tentation et j’ai survécu”.]
J’interroge un général bordure, dépenaillé et puant l’alcool : pourquoi livrer cette guerre absurde à des innocents, pourquoi livrer une guerre contre le monde libre ? Il ne comprend pas. Il me montre des photos d’armes dont il souligne lourdement l’origine santhéodorienne. Il avoue alors :
« Nous avons convoqué, à Szohôd [capitale de la Bordurie, ndlr], le ministre des Affaires étrangères d’Alcazar. Et il lui a été dit que, s’il continuait à fournir les Syldaves, nous continuerions, nous, de livrer le général Tapioca. »
On me confie des blessés, une vieille femme et une femme enceinte. Victimes pathétiques et tragiques, visages pâlis et yeux immenses. Et ce fameux regard. Tout cela me rappelle cruellement la Bosnie. Et me ramène douloureusement à mon impuissance. A notre impuissance à tous, devrais-je écrire mais je porte cette mission à accomplir. Cette mission qui alourdit les épaules du juste que l’on nomme témoin. Je suis ce témoin. Je suis ici, dans cette guerre pour porter leur parole. Tout cela me semble lourd.
[Rue89, “Bernard-Henri Levy” : “Choses vues dans la Syldavie en guerre”.]
La double, je connais ! Non, je n’ai pas eu le bonheur de m’y essayer (Dieu sait cependant que je peux être un garçon ouvert)… mais, grâce à Internet, j’ai pu avoir accès à pas mal de photographies et vidéogrammes documentant la pratique. (Ma conclusion étant un risque traumatique avéré pour les vertèbres lombaires de certains participants.)
Mais, la triple ? Est-ce un mythe ? Quelle acrobatie digne du Cirque du Soleil permet un tel exploit, quel savant emboîtement des corps participe-t-il à telle prouesse ?
Ami lecteur, si tu as de la documentation illustrée sur le sujet prouvant la réalité la chose, merci de partager. Nous aurons ainsi l’occasion de créer un nouvel article sur Wikipedia en vue de l’édification des masses. Merci par avance de votre effort collaboratif.
[Ce billet est la conséquence d’un recentrage éditorial exigé par certains mes lecteurs historiques.]
Jujupiter
Ce genre de choses me tue moi aussi. C’est comme ce jeune homme charmant que j’avais croisé en coup de vent, après quoi on m’avait tout de suite soufflé à l’oreille: “Il est séropo”, comme si c’était une honte.
J’ai couché avec un certain nombre de mecs, j’ai sans doute couché avec un ou plusieurs séropos sans le savoir. Néanmoins, le VIH me fait atrocement peur et je n’ai jamais vraiment été confronté à la situation de décider sciemment de coucher avec un séropo, donc, je ne peux pas juger.
Dans tous les cas, je ne comprends pas comment on peut refuser son amitié à quelqu’un sous prétexte qu’il est séropositif. Qu’est-ce que ça veut dire? Est-ce que ça veut dire que ses “amis” avaient peur de la contagion? Est-ce que ça veut dire que ses “amis” trouvaient que c’était honteux? Est-ce que ça veut dire que ses “amis” choisissaient leur entourage en fonction de la possibilité de coucher avec?! Si c’est le cas, alors bon débarras! Je lui souhaite de rencontrer de vrais amis.
Cela dit, je ne mettrais pas forcément ça sur le compte de la “communauté homo”. Je pense qu’un hétéro serait confronté à une situation comparable.
Par contre Laurent, je ne comprends vraiment pas ta honte d’être séronégatif. La séronégativité te permet de ne pas te gaver de médocs tous les jours et d’avoir une espérance légèrement plus longue, tu devrais t’estimer heureux.
Par ailleurs, je trouve ça très dangereux de parler de honte d’être séronég.
Maxime
SSR : Sexe sans risque
J’ai encore appris quelque chose sur embruns aujourd’hui :)
Laurent Gloaguen
@Jujupiter : le jour où ton avion s’écrase et que tu es le seul survivant, tu te dis “pourquoi moi ?”, et tu ne trouves pas ça pas juste, pas équitable. Et comme le poids de la douleur t’est insupportable, tu en viens à regretter ton exception. Exception ressentie comme un manque de “solidarité” avec tes compagnons d’infortune. Je crois que c’est humain, c’est tout. Je l’ai vécu, je n’ai pas choisi ce sentiment par bravade, je l’ai vraiment vécu, j’en ai réellement souffert, et comme j’écris, j’ai mis plus de 10 ans pour m’en sortir. Ça peut te paraître stupide. Et, vu d’où je suis maintenant, tu as raison, c’est stupide.
Sinon, c’est un phénomène documenté en psychologie, ça s’appelle la “culpabilité du survivant”.
Mauricio
Amitié qui finit n’avait point commencé. — Publius Syrus
Laurent Gloaguen
@Jujupiter : bien entendu, je parle d’une époque où séropositivité était souvent synonyme de mort. Bref, j’avais honte d’être en vie, pas digne de l’être.
@Mauricio : jolie citation, et à propos. Mais, je ne suis pas sûr qu’elle soit vraie dans l’absolu.
Jujupiter
@Laurent: Vu sous cet angle, je pense comprendre ce que tu veux dire. Je croyais que tu faisais du cynisme provocateur. J’ai fait un tout petit peu de prévention structurelle, je ne me souviens plus de grand chose et je vais sans doute très mal m’exprimer, mais il y avait quelque chose qui tenait de la “glamourification” de la séropositivité auprès des jeunes homos qui manquent de repères, qui ont peu d’estime personnelle, etc. C’est pour cela que j’ai dit que c’était dangereux.
Laurent Gloaguen
@Jujupiter : je ne suis pas toujours cynique ;-)
Eolas
@ Laurent ci-dessus : …Mais tu te soignes ?
padawan
« il faut savoir qu’il est bien plus dangereux de prendre son vélo »
Le pire c’est que c’est vrai, tu crois que je devrais arrêter le vélo ?
@Jujupiter : tu ne crois pas qu’il y a comme une légère contradiction dans tes propos là : « j’ai sans doute couché avec un ou plusieurs séropos sans le savoir. Néanmoins, le VIH me fait atrocement peur et je n’ai jamais vraiment été confronté à la situation de décider sciemment de coucher avec un séropo » ? Tu as mis le doigt sur le vrai problème, la peur. C’est irrationnel, car quand tu couches avec un(e) inconnu(e), la prudence commande de toujours rester “safe”. Alors finalement, quelle différence cela fait-il vraiment de savoir ou pas son statut, qu’il (ou elle) soit séropo ou non ? Aucune. On ne peut pas vivre avec la peur, il suffit d’apprendre à vivre sans, ce n’est pas plus compliqué que ça.
Jujupiter
@padawan: C’est effectivement une contradiction que je cherchais a mettre en evidence. Tu as raison, concretement, ca ne change rien, tout ca, c’est dans la tete.
gilda
Quand j’ai constaté que trois de mes quatre amis les plus intimes et proches prenaient leurs distances alors que ma fille était tombée malade d’une saloperie chronique à caractère héréditaire et sans autre danger physique pour eux que d’avoir potentiellement sur une période donnée du temps à me consacrer pour m’aider à garder le moral à flot, je ne m’étonne plus mais alors plus du tout que quelqu’un atteint d’une encore pire saloperie et que les gens peuvent pétocher d’attraper se retrouve totalement isolé.
Et pourtant ceux dont je parle étaient les proches d’entre les proches, ceux en qui j’avais toute confiance après de belles années passées à partager le bon et à s’entraider.
Et je tiens à signaler que d’autres que je connaissais moins, le plus souvent parce qu’on ne s’était rencontrés que récemment, eux (elles), se sont rapprochés et m’ont beaucoup aidée alors qu’à un moment je ne pouvais qu’être source de plombage de moral.
Je ne crois pas que ceux qui partent le fassent par méchanceté, je pense que c’est de la lâcheté, pour certain(e)s des souffrances déjà connues et que ça réactive et que non, vraiment, ils ne peuvent pas, et tout simplement la peur de la mort. Ce n’est pas forcément du cynisme. Certains souffrent sans doute de crises d’angoisse et que l’annonce aura fait réapparaître alors ils se sauvent pour se préserver.
N’empêche, ce qui fait terriblement mal c’est qu’ils semblent nous rayer d’un trait de leur carnet d’adresses alors que la veille encore ils nous embrassaient (variante : que l’avant-veille ils écrivaient publiquement (1) ou déclaraient devant bien du monde, que c’était terrible de laisser tomber quelqu’un qui vient de tomber malade, et que leurs mots sonnaient si juste) et que peut-être au jour de la rencontre ils avaient tant insisté pour que nous leur laissions un numéro où nous rappeler ou une adresse pour communiquer.
Oui, je n’imagine que trop bien ce que ça doit être quand en plus le mal dont on est atteint est perçu comme un danger.
(1) je ne parle pas de l’internet que son côté instantané fait considérer (à mon sens à tort) par plus d’un comme du provisoire, du léger, du qui n’engage pas.
Blah ? Touitter !