Journal de bord

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Canada, eldorado fif

Il n’a pas peur de perdre des sponsors, il ne voudrait de toute façon pas être associé à une marque qui “choisirait de ne pas le soutenir en raison de sa sexualité”.

Blake, qui vit au Canada parce que les couples de même sexe peuvent s’y marier, confirme que l’homophobie dans le sport existe, et que c’est précisément pour cela qu’il faut donner l’exemple, et faire son coming-out: “On met trop souvent des stéréotypes sur les homos”.

Yagg, Judith Silberfeld : “Et encore un coming-out de sportif! Aujourd’hui, Blake Skjellerup”.

Élégant

Johnny Weir

Son style? Adorable, son style. Même si ce n’est pas le même que le mien, je l’aurais volontiers embrassé, ce garçon, pour sa fraîcheur, son humour, sa délicatesse. Il était venu pour répondre aux bêtises des deux présentateurs de V-RDS, il l’a fait avec élégance, sans appuyer, il a d’abord précisé qu’il comprenait suffisamment le français pour avoir bien saisi les propos de Goldberg et Mailhot, j’ai bien compris qu’ils ne critiquaient pas ma routine, mon patinage, mais ma personne, ce que je suis. C’est pourquoi je suis ici aujourd’hui.

Il est arrivé dans le petit amphithéâtre du centre de presse des médias non accrédités avec une étole de fourrure autour du cou, astrakan, chinchilla va savoir, quand je vous disais l’autre jour que ce garçon a du guts, c’est exactement ce que je voulais dire. Plus tard, il dira: vous savez, ce n’est pas la première fois que j’entends des choses comme celles qu’ont dites les deux commentateurs du Québec, j’ai l’habitude, quand on s’habille librement comme j’aime le faire, on s’attire souvent ce genre de commentaires…

Pourquoi cette conférence de presse alors?

Il n’a pas aimé se faire traiter de mauvais exemple… Je souhaite à tous les enfants d’être élevés comme je l’ai été, de recevoir autant d’amour que j’en ai reçu. Surtout, je souhaite à tous les enfants de pouvoir devenir ce qu’ils sont, de s’épanouir pleinement.

Il est revenu deux fois sur l’importance de devenir ce qu’on est. Laissant entendre que c’était aussi affaire de génération, que la vie était plus facile aujourd’hui pour des garçons comme lui qu’autrefois.

La Presse, Pierre Foglia : “Johnny Weir, le petit garçon avec du guts”.

La conférence de presse de Johnny Weir chez Yagg.

L’étole de fourrure, qui fait dire encore une fois à Foglia que Johnny Weir a des couilles des guts, c’est un message aux militants de PETA qui, en janvier dernier, l’ont menacé de mort s’il continuait à en porter.

Et toc

Parlant de Johnny Weir, ici aussi il se dit beaucoup de niaiseries. Je ne suis pas le dernier d’ailleurs. Mais à la fin, je finis toujours par le saluer : il a un sacré guts, ce garçon. Je pense exactement le contraire des deux commentateurs de Montréal, je pense qu’il est un exemple. Je suis comme je suis, nous dit-il, je l’assume, et je vous emmerde. En cela, il est un exemple.

En même temps, et ce n’est pas une contradiction, je l’écris depuis longtemps, j’en ai contre les falbalas, ceux des filles plus encore que ceux des garçons. Comme la gymnastique tout aussi « artistique » dans son essence, le patinage gagnerait beaucoup à adopter un costume peut-être pas strict mais qui habillerait la performance sans pomponner le performant.

En attendant soyez donc indulgent avec Johnny Weir. Regardez-le patiner plutôt. Sixième aux Jeux olympiques, c’est tout ce qu’on voudra sauf une performance moumoune.

Je vous entends bien : oui mais crisse il exagère. C’est exactement le fond de l’affaire, les gais on les aime bien, on a l’esprit ouvert, mais faut pas qu’ils exagèrent.

Pour revenir à Weir, et ici j’avertis d’avance que je ne ferai d’excuses ni aux handicapés, ni aux gais, ni aux lesbiennes pour ce que je m’apprête à dire, pour revenir à Weir donc, pour moi sa prestation a la même portée « positive » que le geste d’Alexandre Bilodeau quand, devant les caméras du monde entier, il a pris dans ses bras son frère atteint de paralysie cérébrale.

Et Bilodeau et Weir nous disent la même chose : la différence est toujours subversive.

La Presse, Pierre Foglia : “Couleurs”.

Par ailleurs, Foglia ne salue pas l’organisation :

Tout ce qui est organisation, transport, billetterie, accès aux sites, Zamboni, ces Jeux-là sont étonnamment mal organisés, un ratage qui ressemble à celui d’Atlanta, sinon par l’ampleur, par l’esprit. C’est l’excès d’assurance qui a mené à ce gentil cafouillis. Une assurance voisine de la suffisance : ne sommes-nous pas, nous, Canadiens, les plusses meilleurs ? Dans les journaux, John Furlong, le grand boss des Jeux, reconnaissait que le COVAN avait eu, effectivement, beaucoup de feux à éteindre… mais on les a éteints, se pétait-il les bretelles comme un capitaine des pompiers devant des ruines fumantes. J’exagère.

Vieux cons sur RDS

Il ne faut pas laisser les vieux Statler et Waldorf du Muppet Show commenter le patinage à la télé.

Des propos tenus par l’animateur Claude Mailhot et l’analyste Alain Goldberg sur le patineur américain Johnny Weir sont jugés homophobes par le Conseil québécois des gais et lesbiennes.

Les commentaires ont été prononcés durant l’émission Le réveil olympique, à RDS et à V hier matin.

Goldberg y a notamment affirmé « que Weir laisse une image assez amère pour le patinage artistique, qu’il est un très mauvais exemple, car le monde va penser que tous les garçons qui pratiquent ce sport vont devenir comme lui », peut-on lire dans un communiqué du CQGL, intitulé « Mailhot et Goldberg doivent s’excuser publiquement ».

Mailhot et Goldberg auraient ensuite insinué « que Weir devrait passer des tests pour vérifier sa masculinité ou sa féminité ». Mailhot s’est aussi demandé « si Weir ne devrait pas compétitionner chez les femmes ».

Je viens d’écouter l’entrevue complète. Mailhot et Goldberg ont été effectivement très maladroits et résolument « mononcles » dans leurs commentaires. C’est hélas le lot d’une trop grande partie du monde sportif. Même si son exubérance et ses choix vestimentaires peuvent faire sourire, on ne peut pas forcer Weir à être autre chose que lui-même.

Et ce n’est certainement pas un « très mauvais exemple » pour la jeunesse, contrairement à ce que pense Goldberg.

La Presse, Richard Therrien : “Propos de Mailhot et Goldberg jugés homophobes”.

Evan Lysacek, médaillé d’or, et pourtant viril, n’a pas été à l’abri des critiques et nous trouvons dans la rubrique “mononcles du jour” messieurs Réjean Tremblay, chroniqueur à La Presse, et David Pelletier, commentateur à CTV et NBC :

Evan Lysacek a transcendé son propre passé et a offert la performance de sa vie.

Mais sincèrement, j’étais un peu mal à l’aise en voyant son accoutrement et son allure générale quand il s’est installé au centre de la patinoire. Le téton négligé dans le transparent de la chemise, pas certain…

David Pelletier, médaillé d’or à Salt Lake City, analyste à CTV et à NBC, était plus qu’un peu mal à l’aise. Il était en colère. « Il y a une maudite limite. Moi, tous ces costumes, toutes ces paillettes, ces brillants et ces sequins, je les interdirais aux Jeux olympiques ! On pourrait les tolérer aux Championnats du monde parce que ce sont des connaisseurs dans les gradins qui savent pourquoi c’est ainsi. Mais on est aux Jeux olympiques. Le patinage artistique est un sport exigeant, dur. Les spectateurs voient des skieurs descendre les montagnes l’après-midi, des joueurs de hockey et en soirée, on a droit à tout ce flafla. On devrait accentuer l’aspect athlétique de notre sport. C’est simple, aux Jeux olympiques, ça devrait être pantalon et t-shirt noirs pour tout le monde ! Là, on verrait les athlètes qu’ils sont ! »

La Presse, Réjean Tremblay : “Antisportif, anti-olympique”.

Joubert, bovin “hétérosexuel”

Brian Joubert.

Le jean-foutre s’est classé 18e sur 30 à l’issue du programme court, après une vaine esquisse de saut quadruple boucle piqué enchainée avec une chute sur triple lutz… Son excuse cette fois-ci est : “Mes problèmes ne viennent pas de la patinoire, mais de ma vie personnelle. J’ai perdu beaucoup d’énergie à l’extérieur de la patinoire”. Soit. Même si le président de la Fédération française des Sports de glace pointe plutôt un manque patent de rigueur et d’entraînement : “C’est un petit con”.

Dans la veine de l’élégance du patinage à la française instaurée par Philippe Candeloro, voilà que Joubert remet une énième fois le couvert de ces vilains patineurs efféminés pas capable de faire des quadruples.

Paillettes et arabesques, rien de tel pour nourrir un cliché gay. Joubert le subit. Il le comprend aussi. “Certains patineurs ne nous aident pas. Ils sont efféminés et en rajoutent encore avec des frous-frous. Je me bats contre tous ces chichis, ça m’horripile. Pas étonnant ensuite qu’on passe tous pour des tatas ou des chochottes”, nous confie le champion du monde 2007.

Il y a aussi autre chose qui n’aide pas le Français et son style très masculin : le système de notation. Introduit en 2004, il valorise l’aspect artistique bien davantage que la prise de risques techniques. “Ce sont les Canadiens qui l’ont créé pour favoriser les Nord-Américains en vue de Vancouver, tranche Joubert. Il faut savoir que leurs patineurs, souvent homosexuels, sont spécialisés dans le patinage efféminé. Du coup, certains sont passés de la 10e place au podium. Pourtant, on peut être à la fois homo et patiner viril. Mais non, eux font des manières, ça devient infernal.”

Le Journal du Dimanche, Damien Burnier : “Joubert: les chichis et les chochottes”.

Brian Joubert n’a pas un “style très masculin”, il n’a pas de style du tout, sur la glace, comme dans ses déclarations. C’est une brute sur patins aux insuffisances chorégraphiques flagrantes. Il s’est tout simplement trompé de sport, une affaire de soudards comme le hockey lui aurait mieux convenu.

À force de redites et d’insistances, nous allons bien finir par croire que Brian Joubert est un homo refoulé qui a un problème avec la sexualité et que Laetitia Bléger avait raison quand elle disait “J’étais amoureuse mais il a utilisé ma notoriété à des fins personnelles, pour faire croire qu’il sortait avec des filles”.

C’est exactement la même histoire qu’en 2008, avec la première place de l’adorable (et regretté) Canadien Jeffrey Buttle et le bon classement de la princesse des glaces Johnny Weir qui avaient fait péter les plombs du patineur français. Ce qui m’avait déjà donné l’occasion d’écrire un billet sur le sujet, que je vous invite à relire : “De la nature du patinage artistique masculin”.

Brian Joubert.

(Et qu’il cesse de râler sur le système de notation instauré en 2004 puisque la meilleure saison de sa carrière, où il a battu toutes les folles du circuit avec que des médailles d’or, c’était 2006-2007, avec ce même barème qu’il critique quand il finit le cul sur la patinoire. Mauvais joueur.)

De la nature du patinage artistique masculin

Jeffery Buttle.

Je hais le patinage artistique. Ma mère adore ça, elle ne rate aucune retransmission télévisée. J’eus donc été bien inspiré de consulter le programme télé avant d’accepter son invitation à déjeuner ce samedi. J’y aurai lu “15 h - Patinage artistique, programme libre messieurs, commenté par Nelson Monfort, Annick Dumont et Philippe Candeloro”.

“Allo Maman. Bon, ce samedi, ça ne va pas être possible, j’ai un atelier sling-fisting niveau 2 dans la journée… Si on se disait dimanche ou lundi ?”

Piégé. Cela dit, faisant contre mauvaise fortune bon cœur et me disant que ça aurait pu être pire avec le championnat du monde féminin… j’ai tenté de m’intéresser au spectacle, entre jugements sur les anatomies des sportifs et espoirs, souvent récompensés, de voir le patineur se vautrer sur la glace à l’issue d’une tentative foireuse de triple salchow ou autre quadruple boucle.

Cela fut aussi l’occasion de découvrir qu’il y avait deux conceptions du patinage artistique. L’une, mâle hétérosexuelle, pour qui l’artistique s’efface au profit de la performance acrobatique, et l’autre, plus gaie, où l’esthétique compte tout autant que l’exploit.

Le podium final de ce championnat du monde était assez révélateur de ce partage.

En 3e place, le très féminin Johnny Weir (USA) — plus folle sur la glace que lui, tu meurs — surnommé dans son pays “the Ice Princess”.

En 2nde place, Brian Joubert (France), gueule de boxeur (et très beau cul), hétérosexuel — enfin, il faut le croire, puisqu’il aurait poursuivi en justice la miss France Lætitia Bléger qui avait le tort d’avoir laissé sous-entendre que Brian était homo.

En 1re place, l’adorable et souriant Jeffrey Buttle (Canada) — qui semble très gay, à moins que mon “gaydar” ne soit complètement détraqué, et donc je suis illico tombé amoureux —, qui a produit un programme impeccable, fluide, élégant et de grande qualité artistique.

Interrogé par Nelson Monfort en direct sur France 2, au moment où Jeffrey Buttle reçoit ses notes qui le placent en première position, Brian Joubert, le visage fermé et le regard noir, genre petite frappe (hmm… sexy), pète un câble. Il lâche avec une colère à peine contenue un “Je m’incline devant quelqu’un qui ne fait pas de quad, qui ne tente pas de difficultés. Donc, je vais vous dire les choses clairement, ça me fait chier, c’est tout !”, avant de partir hors cadre et planter là un Nelson un peu gêné. Nous admirerons l’esprit sportif et “fair-play” du Français… Et moi de me dire que finalement, le patinage artistique, c’est amusant.

Ce qui fait chier Brian Joubert, c’est qu’il n’y avait pas de quadruple saut dans le programme de Jeffrey Buttle alors que lui avait exécuté une quadruple boucle piquée. Ainsi, dans l’esprit de Brian, Jeffrey aurait volé son titre de champion de monde, au détriment du Français râleur bien entendu. “Les juges ne favorisent pas la prise de risques de certains patineurs. Les quadruples sauts ne sont pas assez bien payés.” Le sportif oublie un peu vite qu’il était 6e à l’issue du programme court (avec une chute sur un triple lutz), et que c’était déjà un exploit de remonter à la 2e place à ce niveau de compétition, et que si sa prestation au programme libre était physique, elle manquait de grâce et n’était pas techniquement suffisante (note technique 74,11 contre 84,29 à Buttle). (Et que dire de son atroce combinaison de lycra, aucun goût…) De plus, étant donné son avance en points, Buttle n’avait aucun intérêt à prendre des risques alors que Joubert y était condamné. Et si Joubert avait fait les trois quadruples promis, comme il avait fanfaronné, il serait probablement aujourd’hui médaillé d’or.

À l’occasion de cet incident (“drama off the ice” titre Reuters…), nous pouvons voir là ces deux conceptions du patinage artistique qui s’affrontent, l’une centrée sur le saut et la performance sportive, l’autre qui voit la discipline comme un tout et qui n’oublie pas le sens du terme artistique qui figure dans la dénomination de ce sport. Deux écoles, l’une nord-américaine, élégante et gay, l’autre française, enrichie à la testostérone et macho (rime avec Candeloro).

Jeffrey Buttle a réagi aux propos du Français en déclarant : “J’ai mérité cette victoire. J’ai fait deux programmes propres avec des éléments techniques forts. J’ai travaillé très dur sur tout, les sauts, les pirouettes, les transitions. Le patinage, c’est un tout, pas seulement des sauts.”

Le gracieux Johnny Weir a dit la même chose : “Il faut tout avoir, pas seulement les sauts”.

Voilà, je n’avais jamais parlé de patinage artistique sur Embruns. Ce fort malheureux oubli est réparé. Alors, heureux ?