Le vent tourne
[Rob Portman et son fils William. Photo Office of U.S. Sen. Rob Portman.]
[…] Rob Portman est un sénateur républicain. Pieux, marié, conservateur, anti-avortement, pro-armes à feu, un bon père de famille, il croyait dur comme fer que le mariage est une sainte union entre un homme et une femme.
La vie était simple pour ce sénateur de l’Ohio. Il pouvait invoquer la Bible, les prêches de son pasteur, il vivait dans son monde bien rangé où les hétérosexuels sont les seuls à pouvoir se marier. Les gais n’ont qu’à choisir de ne pas être gais. Une vie simple, quoi.
Et puis, un beau jour, son fils Will, 21 ans, étudiant à la prestigieuse université Yale, lui a dit : « Papa, je suis gai. »
Boum ! L’univers bien rangé de Rob Portman a basculé. Avant d’être sénateur, il est papa.
Dans une entrevue exclusive à CNN, au mois d’avril, il a déclaré : « Ma pensée a changé. »
« Pour moi, d’un point de vue personnel, je pense qu’il est temps de permettre [à des couples gais] de se marier et de connaître cette joie et cette stabilité que le mariage apporte, une joie que je vis depuis 26 ans. »
Courage politique ou amour paternel, ou peut-être un peu des deux, reste que Rob Portman est le premier sénateur républicain à appuyer le mariage gai. Mais il pense comme un bon nombre d’Américains. Oui, les temps ont changé, les mœurs aussi.
Contrairement aux Français qui s’arrachent la chemise et montent aux barricades depuis que le mariage gai a été légalisé, en mai, les Américains sont pragmatiques, « cool » même, quand il s’agit d’accorder les mêmes droits aux couples de même sexe.
On attend le jugement de la Cour suprême des États-Unis, d’ici la fin du mois, mais les Américains, eux, n’attendent pas de se faire dire ce qu’il faut accepter, ou pas.
On peut dire que le peuple est en avance sur son plus haut tribunal. Selon un sondage effectué en mai, par la maison Pew, 72 % des Américains interrogés estiment que la légalisation du mariage homosexuel est « inévitable ».
[…] Selon un autre sondage ABC, 58 % des Américains sont maintenant favorables au mariage gai contre 36 % qui estiment qu’il devrait être illégal. Un grand changement par rapport à 2003 quand seulement 37 % des personnes sondées étaient en faveur du mariage homosexuel et que 55 % étaient contre.
Une évolution sociale qui explique les récentes sorties de Barack Obama et Hillary Clinton. Le vent change, et les deux sont maintenant ouvertement et officiellement en faveur du mariage homosexuel.
Courage ? Non. Pragmatisme ? Oui.
« On ne peut pas distinguer les droits de la personne des droits des gais », déclarait Hillary Clinton sur un site web en mars dernier, alors que la Cour suprême s’apprêtait à entendre les arguments. « Je suis en faveur du mariage homosexuel. Pour moi, c’est une question personnelle et une question de droit. »
Quand elle était première dame, elle était pourtant contre tout ça.
Le mariage était une institution sacrée qu’il ne fallait pas polluer. Sans être homophobe, Mme Clinton était une traditionaliste bien pensante. Les gais, selon elle, avaient le droit de vivre, mais pas de se marier.
Elle a changé d’avis. Après huit ans au Congrès à titre de sénatrice et quatre ans au Cabinet, à titre de secrétaire d’État, c’est un risque bien calculé. Accepter les gais, c’est dans l’air du temps. Les mauvaises langues vous diront que c’est un peu d’opportunisme et qu’Hillary Clinton prépare sa candidature à la présidence des États-Unis pour 2016.
Et Barack Obama ? Après cinq ans de présidence, il a finalement déclaré avoir bien réfléchi : « Notre travail ne sera pas terminé tant que nos frères et sœurs gais et lesbiennes n’auront pas les mêmes droits que les autres », a-t-il déclaré le jour de sa deuxième assermentation, devant la planète entière.
L’amour gai et l’amour hétérosexuel doivent donc être égaux devant la loi, dit le président des États-Unis. Il y a trois ans, il n’aurait jamais osé.
Une société qui évolue. Le sénateur Rob Portman reconnaît maintenant que l’homosexualité de son fils n’est pas un choix, et qu’on ne peut pas convertir les gais à l’hétérosexualité.
Reste à voir ce que diront les neuf sages de la Cour suprême. Finiront-ils par conclure, comme le président de la Chambre des représentants, le républicain John Boehner, que le mariage reste une union entre un homme et une femme ? « Mon opinion ne changera pas », disait-il récemment.
C’est ce que disaient une majorité d’Américains sur les mariages mixtes. Ils étaient contre, point final. Les mariages entre Noirs et Blancs étaient contre nature. Les mêmes arguments avancés aujourd’hui par ceux qui ne veulent pas du mariage gai.
En juin 1967, la Cour suprême des États-Unis avait conclu qu’interdire l’amour mixte, ces mariages « interraciaux » étaient inconstitutionnels, une question de droit fondamental.
On peut se demander maintenant si, 46 ans plus tard, le plus haut tribunal aura le même égard pour les homosexuels.
Radio-Canada.ca, Joyce Napier : “Les Américains prêts à dire yes au mariage gai”.
J.D.
Je découvre à quel point être catalogué derrière une nationalité peut être vexant.
Kozlika
Une virgule, ou son absence, fait toute la différence, J.D. : ici il n’y a pas de virgule entre “Français” et “qui”, on parle donc bien de seulement ceux, parmi les Français, qui s’arrachent la chemise etc. S’il y avait eu une virgule après “Français” alors la proposition suivante se serait rapportée à tous les Français (prop relative).
Bref, tu peux garder la tête haute si tu vas aux U.S. ;-)
J.D.
@Kozlika : Je suis plutôt d’accord avec l’explication, mais j’ai beau relire le passage concerné, si je prend en compte ce qui précède et surtout ce qui suit; “les Américains sont”, je n’arrive pas à comprendre autre chose que ce que j’expliquais plus haut.
karl, La Grange
La nationalité, ce fardeau. La nationalité, ce bénéfice. C’est étrange tout de même cette chose. Je me souviens d’une anecdote dans un train quand j’étais un jeune étudiant et ou un homme dans la cinquantaine me disait qu’il fallait que je marie pour avoir des enfants et continuer l’idée de la patrie française. Soupir.
Les frontières sont une torture pour les couples internationaux, pour pouvoir travailler ailleurs, pour pouvoir vivre dans certaines circonstances. Et on ne peut pas vraiment choisir à quelques rares exceptions comme le Canada où on a un peu plus le choix. Enfin pas tout à fait quand même, car un sans-abri qui veut émigrer au Canada, ce ne sera pas possible.
On entend mon accent et on me lance les clichés sur la France ou alors on me demande des informations « culturelles et sociologiques » sur la France. De plus en plus, je réponds que je n’en sais rien, cela fait 12 ans que je n’y ai pas vécu sur le long terme. Je doute que mon opinion soit pertinente ou exacte.
La phrase de Radio Canada pour moi fait partie d’un cliché de plus dans les deux sens. Je ne me sens pas visé et cela ressemble à une réduction. :)
yabonn
… plus qu’a attendre que son fils devienne pauvre, et il passera a gauche, ce con.
Amine
@Kozlika: J’ai eu la même réaction que J.D. L’explication est bonne, mais le malaise subsiste. “Contrairement aux Français qui […], les Américains sont pragmatiques”. La construction de la phrase est sans doute maladroite, l’opposition français / américains laisse à penser qu’il y a généralité.
Laurent Gloaguen
“Les Américains sont pragmatiques, cool même…” Pas tous, pas tous… :-)
Kozlika
@Amine et @JD J’essayais de nous remonter le moral !
Amine
De passage à San Francisco en 2002, j’étais catalogué grâce au deuxième tour de l’élection présidentielle. Les plaies sont à peine pansées qu’une poignée d’homophobes - bon ok, une grosse poignée - nous remet dedans pour les dix prochaines années aux yeux du monde entier.
Quand j’étais ado, un français aux USA avait la côte. Ca, c’était cool…
JMU
Tiens, le fait d’avoir un homosexuel dans son proche entourage change sa vision du monde ?
Ha, heureusement que je me suis soigneusement isolé de tout contact avec ces sous-hommes, sinon il me serait peut-être venu à l’idée de ne pas aller à la “manif pour tous”.
Heu pardon, oubliez le paragraphe précédent, je voulais dire : je connais des homosexuels qui ont fait le travail sur eux-mêmes d’accepter qu’il ne devront jamais se marier, etc.
Gilles
Il n’y a que moi que ça choque “4 ans au Cabinet” ? :)
Blah ? Touitter !