Il s’est fait un peu attendre, le voilà enfin… J’ai obtenu mon visa de résident permanent au Canada !
Champagne !
Je n’aime pas les “chaînes”, mais j’aime encore moins celles dont je me sens exclu. Je l’ai découverte d’abord chez Martine, puis chez un grand nombre de blogues de filles (oui, j’avoue, je lis des blogues de filles — mais ce n’est pas par concupiscence comme Emery D. — il y en a certains dignes d’intérêt).
Me sentant donc mis à l’écart par cette chaîne sexuée, sinon sexiste, j’ai décidé d’y répondre quand même.
Mon fond de teint : vers 20 ans, chez un amant du moment, j’ai essayé du Terracota de Guerlain. Cela m’a suffi pour savoir que je ne réitérerai jamais l’expérience. Le fond de teint, c’est seulement lorsque je passe à la télé ou dans certains studios de photographie…
Un mascara : je ne suis pas assez folle :-(
Une crème de jour : crème Q10 revitalisante de Nivéa. Mais pas tous les jours…
Une marque de produits : j’ai une grande collection de gels douches Le Petit Marseillais. Même marque pour les savons liquides.
Ma marque de fétiche de maquillage : je suis un garçon “nature”, je ne me maquille pas.
Un produit must : les crèmes Nivéa.
Mon parfum : L’homme de Versac.
Mon magazine fétiche : Le Chasse-Marée.
Tu pars sur une île déserte et tu emportes quoi (trois produits max, sans protection solaire ni rasoir) : du savon de Marseille, une crème hydratante, un godemichet (à remplacer par du gel Elbow Grease si Vendredi est là).
La femme que tu admires pour sa beauté : Ava Gardner.
La femme dont tu envies le look : Buck Angel ?
Je me damnerais pour : avoir le charme sexuel de George Clooney, qu’ils tombent tous à mes pieds.
Que signifie pour toi la féminité : débander.
Un dernier mot : pourquoi pas une dernière cigarette pendant qu’on y est…
Ton adresse blog fashion/beauté préférée : Sale bête.
Tous mes produits de beauté.
Je refile le morpion “Vos secrets de beauté” à Tristan, Daniel , Guillermo, Loïc, Jules, Luc, CSP, Bix, Pep, Fred, Guillaume, Olivier, Mathieu, Pascal, Beur Boy, Anne, Marc, Cyprien, Grégory, et qui en veut…
—
P.S. Toi, l’autre refileur de morpion, je ne t’ai pas oublié…
—
P.S. bis.
Ils répondent eux aussi :
Ce mercredi, j’étais invité à intervenir à l’atelier “Je(u) de soi - Se mettre en scène dans le numérique”, à la Cantine, organisé dans le cadre du programme Identités actives de la Fondation Internet Nouvelle Génération.
Il s’agissait d’approcher la frontière entre pudeur et impudeur dans les réseaux sociaux du Net. Mon intervention devait plus tenir du témoignage d’une expérience que d’une tentative d’explication, pour illustrer la question : jusqu’où se dévoile-t-on en ligne et comment ? [Mais pourquoi donc pense-t-on à moi lorsqu’il s’agit d’impudeur ? ;-)]
Les autres intervenants étaient Sylvie Le Bars d’Arkandis et Francis Jauréguiberry, directeur du laboratoire SET (Société Environnement Territoire) du CNRS.
J’ai donc essayé de témoigner de mon parcours et de moments de dévoilement qui ont jalonné mon histoire sur le Web. Hubert Guillaud, alias Le Romanais a fait un blogage en direct (“live-blogging” pour les incultes) de grande qualité, que je reproduis ci-après (en me permettant quelques corrections de style, amendements et illustrations).
Ce ne sont pas mes mots tels que dits très précisément, mais cela rend bien de la tonalité générale de mon intervention. Donc, notez bien : ce qui suit ne peut être cité comme des déclarations que j’aurais faites, c’est le matériau brut d’un “live-blogging”. C’est la perception d’un spectateur muni d’un clavier :-) Un assemblage de bribes.
—
On ne présente plus le capitaine, baron de la blogosphère française. Sur Embruns.net, ce blog hétéroclite, où les commentaires font tout le sel, son animateur est devenu une figure de proue de la provocation, de l’ambiguïté, de la polémique pour beaucoup, mais avec un vrai regard sur le monde et pas seulement sur les nouvelles technologies. Laurent Gloaguen, depuis 1996, fait entendre sa voix, dévoile sa personnalité, n’hésite pas à se mettre à nu, pas seulement physiquement, mais aussi, et surtout émotionnellement. Ses avis, ses réactions, les faits qu’il pointe, ses centres d’intérêt montrent un vrai talent de la chronique, un regard goguenard sur le flux de nos émotions. Comment gère-t-il sa notoriété blogosphérique ? Comment vit-il son jeu sur la pudeur et l’impudeur ? Voyage de lien en lien dans l’intimité d’un blogueur.
Laurent explique qu’il est entré en contact avec la publication sur le Web avec les pages personnelles. Son premier site s’appelait Le Monde de Laurent, né vers 1996. Il fallait savoir programmer, il n’y avait pas d’éditeurs visuels, il fallait beaucoup bricoler, uploader sur un serveur à 28 kbps, explique-t-il.
“Le Monde de Laurent”, circa 1996.
« Mais c’était pour moi être acteur sur l’Internet, avoir sa maison, son home sweet home. Le site était noir en raison du deuil de mon compagnon. Ses mots, ses poèmes que je ne voulais pas confiner au silence, mais donner à lire, au-delà du livre que j’ai publié. Je voulais partager une parole qui n’était pas la mienne. Sur ce premier site, il y avait des galeries de photos sur la mort. Et quelques bribes sur moi.
« Ce site a été très gratifiant. Il m’a apporté beaucoup de chaleur humaine, d’échange avec des gens qui ont eu des parcours similaires.
« La suite logique a été d’entreprendre sur le blog, fin 2002. Le blog est principalement apparu vers 2000, et en 2002 en France. L’avantage était d’avoir un CMS pour éditer plus facilement et d’éviter l’investissement technique.
« Je me suis beaucoup dévoilé en ligne. Sur mon blog, il y a plus de 6000 entrées depuis 5 ans. Je n’ai sélectionné que les exemples où je me dévoile, il ne faut pas que cela me résume non plus. [Les impudeurs de Laurent sont minoritaires rappelle Charles Nepote, mais elles sont régulières.] Mon blog parle beaucoup d’actualité et se divise entre des papiers plus travaillés, et un link blog, un espace de flux continu, parfois racoleur, mais intéressant au moins par les commentaires qu’il génère. J’ai un nuage de tag depuis un an et demi qui montre que la politique et la technologie sont les thématiques dominantes d’Embruns.net. Mon premier billet de décembre 2002 montre que je n’avais pas idée précise de ce qu’il allait devenir.
« Souvent on réagit à l’information. Les chaînes virales, les mèmes, sont une des premières manières de s’exposer, permettant de tisser des contacts avec d’autres blogueurs en répondant à leur appel. L’une des premières chaînes à laquelle j’ai répondu, c’était une qui appelait à montrer son environnement de travail. Des chaînes qui montrent des photos de soi, des déclarations d’amour…
« Mon blog est très textuel, ce qui fait qu’il n’est pas très spectaculaire, s’excuse Laurent en nous montrant des pages de son site. Il évoque la publication de vieux textes d’adolescence, explique comment on construit des pages à propos, pour dire d’où l’on blogue, ses passions, ce qu’on fait, ce qu’on est, ce qu’on mange, ce qu’on n’aime pas. La page à propos est souvent très utile pour dire qui est l’émetteur pour les utilisateurs occasionnels, pour ceux qui arrivent par un moteur, par un texte… En 2003, sont arrivés les diaristes, ceux qui publiaient leurs journaux intimes sur l’internet via l’outil blog. Utiliser le CMS non pas pour proposer des liens… J’ai appelé ça l’invasion des diarrhéeistes . Pour moi, à l’époque c’était un détournement de l’outil blog, mais c’est un avis sur lequel j’ai évolué. En réaction, j’ai créé le rapport de gendarmerie, bloguant, minute par minute tout ce que je faisais. Un rapport très ludique, car les commentateurs me répondaient dans le même style.
« J’ai souvent tendance à faire des choses un peu provocantes, un peu à froid. J’ai essayé de me créer une seconde identité, le capitaine Bonhomme, pour montrer qu’il y avait besoin de recul. J’ai vite abandonné cela, mais c’est pourquoi beaucoup m’appellent le capitaine.
« Publication de mes photomatons, de ma tête dans le scanner à plat. L’ambiance était guillerette, les commentaires plutôt drôles. J’ai donc mis mon cul en ligne. Les gens ont été surpris. J’avais déjà été provocateur, j’étais déjà un peu connu. Y’a-t-il de l’impudeur ? Qu’est-ce que je dévoile de moi ? Pour moi, l’impudeur ce n’est pas se montrer nu ou parler de sexualité. On dévoile beaucoup plus autrement. J’ai eu un repentir. J’ai flouté la photo, car on voyait mes couilles. Je n’ai pas de multiples identités comme Sylvie. Je n’ai pas de dispersion d’identité. Je blogue sous mon nom propre. Je suis lu par des lecteurs, ma famille, des clients, des collègues de bureaux… Je me mets en jeu sans paravent.
« C’est ça mon blog. Un coup mon cul, un coup un truc sur le droit à mourir dans la dignité.
« Exemple de blogoblues. À quoi bon, à quoi ça sert. C’est assez courant dans la blogosphère. On rencontre des râleurs professionnels, des gens qui ne vous aiment pas. Il n’est pas toujours facile d’affronter le regard de l’autre, qui n’est pas toujours bienveillant. Plus votre communauté s’élargit, plus vous rencontrez des gens malveillants surtout si vous parlez de choses un peu provocatrices. Annonce d’arrêt définitif. Grosses réactions. Mais cela n’a duré que 2 semaines. Et puis j’ai ressenti un manque. On se sent privé de sa voix. On a l’angoisse de se retrouver seul. Ça a été mon seul arrêt.
En 2004, dix ans après cette expérience de deuil, juste avant Noël, je me paye ma déprime. Le 3 décembre, je publie un billet de douleur. (J’ai mal). J’écris un cri de douleur. Je vis mon mal être en direct. Là, on rentre dans l’intime. Avec des gens qui m’ont suivi toute la nuit.
« J’ai joué avec mon image. Demain j’enlève le bas. Des gens ont cru que je n’allais pas le faire. Mais je l’ai fait. Et beaucoup de lecteurs ont focalisé sur le détail de la prise téléphonique anormalement haute. Un jeu qui a donné lieu à des parodies nombreuses.
J’ai beaucoup joué avec mon image, je l’ai scénarisée, je l’ai truquée.
« En 2005, le miroir qu’il vous tend :
“S’il y a parfois un problème avec le blogue, c’est le miroir qu’il vous tend. C’est vous, sans être vous. C’est une agrégation de facettes de votre personne, sans toutefois la résumer. Nul ne peut se targuer de me connaître en lisant mon blogue. C’est moi, sans être moi. Il n’y a cependant pas de fausseté, ce n’est pas un autre moi. Et c’est pourtant une représentation du moi dans laquelle j’ai du mal à m’identifier. Tout cela est bien étrange.
Je crois parfois qu’il y a même une certaine réflexivité, et que votre blogue et son lectorat vous façonnent. Votre blogue joue un rôle proactif dans votre construction intime. C’est une pensée un peu effrayante. Parce que cette activité, a priori anodine, entre de plain-pied dans votre vie, en est une partie constituante, et les interactions qu’elle engendre agissent indéniablement sur votre personne. Ce n’est pas une activité solipsiste, ce n’est pas un journal intime, c’est une confrontation quotidienne avec l’extérieur. Non, vraiment, cela n’a rien d’anodin.”« Encore des chaînes. Le contenu de son frigo. Que révèle-t-on de soi en photographiant le contenu de son frigo, mais en même temps, il y a une mise en scène, on soigne l’image de son frigo. 5 choses sur moi. Encore une chaîne ou j’ai révélé des choses très intimes, pour certaines douloureuses. C’est un billet suspendu. Des lecteurs m’ont dit que j’allais trop loin, que je me mettais trop en danger, que je dévoilais trop de moi, des choses qui pouvaient se retourner contre moi. Aujourd’hui, mes lecteurs me rappellent qu’il y a des choses que je ne peux plus faire du fait du succès, de l’audience. Je ne peux plus aller aussi loin qu’avant, car j’ai trop de spectateurs. Si je fais des conneries, même les médias généralistes peuvent les reprendre.
« Un journal du soir décrète que je suis un des 15 leaders d’opinion sur la toile. Comme quoi, montrer son cul n’est pas un handicap insurmontable, au contraire. L’intime, j’étais trop gros. J’ai perdu 10 kilos. On livre du physiologique. C’est une épreuve intime également.
Publier les photos de son mariage. Publier mes dernières volontés, qui n’en sont pas, car mon tiers de confiance c’est mon blog, mes lecteurs.« Je livre parfois mon intimité, mais certainement un peu moins qu’avant.
Sinon, mes envies du moment.
Questions? - « Pour suivre le blog, il faut avoir été là au moment où c’était, c’est un média de l’instant. Je suis content que ce soit enterré dans les archives. Sur le Web on passe vite à autre chose. Les facettes plus intimes créent une relation de bienveillance amicale avec les lecteurs. On ne bâtit pas la même relation avec les lecteurs. On m’apprécie car il y a de tout sur mon blog, du futile, des discussions sérieuses… Ce flux commun créé souvent des coq-à-l’âne involontaires, mais qui participent à la richesse du média. »
Lors de mon dernier passage à Montréal, j’ai eu la chance de passer devant l’objectif de Guy Verville.
Vous pouvez voir toutes les photos de la session à cette adresse avec l’idenditiant lg et le mot de passe 2gl006.
Monsieur Yves Gélinas,
alias le Lapin,
&
Monsieur Laurent Gloaguen,
alias le Capitaine,
ont la joie
de vous annoncer leur mariage
qui aura lieu
le samedi trente septembre deux mille six,
à quinze heures trente,
au Palais de Justice
à Montréal.
1, rue Notre-Dame Est, Montréal (Québec), Canada.
Le mercredi 13 juillet 1966, vers 10 h 45, sur le Mont-Valérien :
“— Merde, cette conne va nous claquer dans les mains. Appelez des renforts, on ne va pas s’en sortir. Et le bébé, comment va-t-il ?
— Il ne respire pas.
— Putain, c’est pas notre jour, on va les perdre tous les deux. Appelez la réa, vite.”
Un peu plus tard :
“— Alors, le bébé, ça donne quoi ?
— APGAR 2. Toujours pas de respiration. Globalement défavorable.
— Quel emmerdeur. Continuez la réa.”
Voilà, il y a quarante ans, j’avais déjà décidé d’emmerder le monde et de me poser comme rebelle. Depuis, pour rattraper ma totale absence de cri primal, je râle tous les jours, et ça me va bien.
Été 1966, la guerre se poursuivait au Viêt-Nam, Mao lançait la “grande Révolution culturelle”, Un homme et une femme obtenait la palme d’or à Cannes (chabadabada…), Surveyor 1 se posait en douceur sur la Lune et les Beatles donnaient leur dernier concert en public. Poulidor finissait troisième du Tour de France et l’Angleterre gagnait la Coupe du monde de foot. À Rochefort, Jacques Demy tournait Les Demoiselles… Nous sommes deux soeurs jumelles, nées sous le signe des gémeaux, mi fa sol la mi ré, ré mi fa sol sol sol ré do…
Le mercredi 13 juillet 1966, la France faisait match nul contre le Mexique à Wembley, dans le groupe A de la Coupe du monde de football 1966, Claude François clôturait le “Palmarès des chansons” en tenant le tigre par la queue, Paul VI tenait audience, l’ouragan Celia prenait naissance à environ 320 kilomètres au nord-est des Îles-sous-le-vent, Surveyor 1 rendait l’âme sur le sol lunaire, Richard Franklin Speck tuait 8 infirmières à Chicago, le soldat Felipe Villanueva trouvait la mort à 22 ans dans le Sud Vietnam, ainsi que Michael George Barton (20 ans) à Quang Nam, et que Frederick Allen Wathen (18 ans).
Je ne suis ni médecin, ni nutritionniste, ce régime a bien fonctionné pour moi, rien ne dit qu’il en serait de même pour vous. Je l’ai imaginé de façon intuitive et il correspond à mon mode de vie, il n’est donc sans doute pas une panacée.
Bien qu’a priori sans danger pour quelqu’un en bonne santé, ne vous privez pas d’un suivi médical, une importante perte de poids peut être une épreuve pour l’organisme. Je décline toute responsabilité si vous suivez mes conseils. Agissez avec discernement et écoutez votre corps.
Au cas où vous auriez un rapport compulsif à l’alimentation, il serait bon aussi d’avoir recours à un soutien psychologique professionnel. Si vous vous réfugiez dans la nourriture pour pallier un manque affectif, ce régime ne sera pas non plus suffisant.
Si je partage mon expérience, c’est que mon entourage a constaté mon fort amaigrissement et m’a demandé, parfois de manière insistante, quel était mon secret. À vrai dire, il n’y a pas de recette miracle, juste du bon sens, des petits trucs et un peu de volonté.
À 20 ans, je pesais 63-65 kilos et je paraissais un peu maigrichon, à 35 ans, je pesais 71 kilos. Ça ne se voyait pas trop, la répartition du gras était harmonieuse, et je ne m’étais jamais particulièrement occupé de mon poids. Grossir est parfois un phénomène lent et pernicieux, ce fut mon cas, je ne me suis pas vu grossir, ou plus exactement, j’ai tardé à en prendre pleinement conscience.
Ça a commencé par les fameuses “poignées d’amour”, puis un peu de gras sur le ventre et le visage plus rond. Ensuite, il m’est arrivé de voir des photos de moi où je ne me reconnaissais plus, des photos où je me trouvais gros et laid. J’ai commencé à éprouver de la peine à me baisser pour faire mes lacets, les escaliers sont devenus plus fatigants qu’avant, je m’épuisais plus vite et je mettais ça sur le compte de l’âge. J’hésitais à aller à la piscine ou à la plage, je n’étais plus bien dans mon corps.
Je reconnaissais enfin que ça n’allait plus, mais je prenais la situation avec une certaine fatalité. Jusqu’au jour où j’ai ressorti la balance qui ne servait plus et que je suis monté dessus. Incrédule, je lisais le nombre 80.
Je pris conscience que je trimballais, au quotidien, plus de dix kilos en trop ! À s’imaginer portant en permanence un sac à dos de dix kilos, je comprenais mieux ma fatigue.
Ce fut comme un électrochoc, je me suis alors dit : “à l’orée de tes quarante ans, tu es devenu une grosse vache pas baisable”. Il fallait réagir : “tu seras maigre pour ton anniversaire”. Il était urgent de retrouver un corps qui me corresponde, dans lequel je me sente bien, urgent de cesser d’être aveugle et de mettre le holà à une longue et lente déchéance physique.
Mon indice de masse corporelle (27.7) était formel, le diagnostic sans appel : “Vous avez un surpoids important, il est urgent de corriger vos habitudes alimentaires et de mettre en place un programme d’amaigrissement.” J’étais en surpoids et proche de l’obésité (IMC = 30). Ça faisait peur.
Le pire était le regard que je portais alors sur moi-même, proche du dégoût.
Un long chemin… J’avais certains comportements proches de la compulsion alimentaire, comme manger la moitié du camembert sans vraiment m’en rendre compte ou tomber à la cuillère dans le pot de Nutella et en manger jusqu’à écoeurement. Je fréquentais aussi trop souvent le restaurant à midi, avec peu de variété dans mes choix d’accompagnements, souvent des frites, souvent des patates sautées, etc. Sans oublier une prédilection naturelle pour les plats riches, cassoulet, andouillette, confit de canard, côte de bœuf… et une sédentarité accrue.
Jour après jour, les petits écarts s’additionnent. Un lent chemin vers l’obésité, sans s’en rendre vraiment compte.
Je n’aime pas trop le mot de régime, trop synonyme de privations. Au début, il faut pourtant bien en faire un, mais celui-ci doit évoluer tranquillement, à son rythme, vers une modification durable du mode de vie en matière d’alimentation. Il y a des règles à acquérir et à garder. Si ce n’est pas le cas, vous reprendrez fatalement des kilos. Tous vos efforts n’auront servi à rien.
Première règle d’or, à vous graver à jamais dans le crâne. Il ne sert à rien de faire un régime si celui-ci n’évolue pas en un changement de comportement alimentaire durable. Si, à l’issue de votre régime, vous reprenez vos vieilles habitudes, vous allez tout reprendre rapidement, voir plus.
C’est une évidence, nos rations alimentaires dans les pays occidentalisés sont bien trop riches. Si vous prenez deux rats, que vous en laissez un manger comme il veut et que vous soumettez l’autre à un régime réduit en calories, que croyez-vous qu’il se produira ? Bien entendu, le premier rat va grossir et mourir avant l’autre. Il se trouve que l’industrie agro-alimentaire a décidé de vous traiter comme le premier rat, car, il consomme plus, et rapporte ainsi plus d’argent, même si sa vie est plus courte.
La plupart des gens pourraient avoir des apports caloriques moindres tout en restant en parfaite santé, voire en allongeant leur durée de vie. Hélas, vie sédentaire, aliments moins chers, disponibles en permanence et partout (vente à emporter, distributeurs automatiques, etc.), marketing et publicité, produits préparés prenant le pas sur les produits frais, produits industriels trop gras, trop sucrés, tout concourt à nous faire engraisser.
Le corps humain est une fabuleuse machine. Il a besoin quotidiennement d’une certaine dose d’énergie (calories) qui dépend de sa physiologie (âge, sexe, masse) et de son activité (généralement sédentaire pour un citadin). L’apport du jour est égal à vos besoins, tout va bien, s’il est supérieur, le corps stocke la différence (et, il sait très bien le faire…).
Donc, pour maigrir, il faut que votre apport soit inférieur à vos dépenses, auquel cas, le corps puise dans ses réserves, ce qui est l’objectif.
Le seul problème, c’est que manger moins, ça demande des efforts et de la détermination. Votre corps ne vous trahira jamais dans sa gestion du stock énergétique (sauf cas pathologiques très rares). C’est votre esprit, labile, qui vous laissera parfois tomber. Tout se passe dans la tête. Heureusement, la motivation, la volonté, ça se travaille, c’est un peu comme un muscle. Et le principal mode d’action sur l’esprit, c’est le plaisir, j’y reviendrai.
On maigrit en mangeant moins, c’est une évidence, mais au-delà de la théorie, le vivre au quotidien est une grande expérience. Une expérience qui vous apprend à respecter votre unique bien sur cette terre, votre corps.
En début de régime, il faut être un peu drastique et capitaliser sur votre motivation toute fraîche. Motivation qui sera soutenue les premières semaines par vos résultats immédiats (j’ai perdu 3 kilos les 10 premiers jours, c’était très encourageant et stimulant).
Le petit-déjeuner. Vous vivez sans doute avec l’idée maintes fois ressassée que le petit déjeuner doit être un repas important, qu’il doit être riche pour éviter le coup de barre à 11 heures, qu’il doit couvrir 25 à 30 % de l’apport quotidien. Foutaises. En matière de nutrition, il faut se méfier comme la peste des généralités, pour la bonne raison que tout le monde n’est pas fait pareil, ni n’a le même mode de vie.
Si vous avez un travail manuel et que vous vous levez à 6 heures du matin pour aller à l’usine, il est clair que le petit déjeuner doit être bien plus important que pour un cadre sédentaire comme moi, le cul sur une chaise, qui n’arrive pas au bureau avant 9 heures 30 (dans le meilleur des cas)… C’est une affaire de bon sens. Retenez que plus vous vous levez tard, plus le petit-déjeuner doit être léger.
Vous êtes au régime, le petit-déjeuner ne doit pas faire exception. Pour moi, c’est un grand café (sans sucre, 0 cal.), un verre de jus d’orange (25 cl., 110 cal.), et un yaourt nature au bifidus (sans sucre, 125 g., 70 cal.). Si ce n’est pas assez, éventuellement un fruit ou un morceau de fromage, voire une biscotte, pour compléter. Cela m’a toujours suffi pour tenir jusqu’à midi sans avoir vraiment faim. Après, c’est vous qui voyez pour vous.
Bien entendu, aucun grignotage n’est autorisé dans la matinée. Au pire, une pomme. Un café non sucré peut être aussi un bon coupe-faim. Mais, si vous avez vraiment très faim et que c’est pénible, il faudra songer à enrichir un peu (mais pas trop) votre petit-déjeuner.
Le déjeuner. Mon arme fatale pour le midi, c’est la salade composée. Dans les quartiers de bureaux, il est de plus en plus facile d’en trouver en vente à emporter et certaines sont vraiment de très bonne qualité. Au pire des cas, vous pouvez toujours amener votre “boîte à lunch” de la maison. Une belle salade composée, un ou deux morceaux de pain, un fruit si vous le souhaitez, voilà un agréable déjeuner-santé. Votre salade peut comporter de la viande (jambon cru, jambon cuit…), du fromage (feta, fromage cuit rapé, chèvre…), et pourquoi pas, un oeuf (dur, poché…).
Exemples de salades que je mange à midi :
Hmmm… miam. En hiver, on pourra rajouter un petit bol de soupe en entrée.
Et comme vous êtes au régime (vous n’aviez pas oublié quand même ?), vous allez laisser de côté la vinaigrette. Au pire, juste un trait de vinaigre balsamique si vous aimez. J’ai ainsi dans mon bureau une impressionnante collection de petites bouteilles de vinaigrette. Lorsque je la contemple, j’ai un petit sourire de satisfaction, et tous mes collègues en manque de vinaigrette savent qu’ils peuvent venir se servir…
Cerise sur le gâteau, ces déjeuners sont bien plus économiques que le restaurant et son steak-frites… Avec tout l’argent économisé, je peux aller déjeuner aux meilleures tables de Paris une fois par mois.
Ah, j’oubliais, vous pouvez finir avec un expresso (sans sucre) et un carré de chocolat…
Après un tel repas, fini les digestions difficiles, les envies de sieste postprandiale… Vous entamez votre journée en pleine forme.
La journée doit être comme la matinée. Sans grignotage aucun. Buvez beaucoup d’eau. Du café ou du thé si vous aimez. Si vous avez une petite faim vers les 16-17 heures, une pomme ou un joli fruit de saison fera l’affaire.
Le soir, vous allez manger jusqu’à plus faim. Oui, mais essentiellement des légumes. Jusqu’à totale satiété. Privilégiez les légumes verts, soyez très raisonnables avec les féculents (lentilles, pois chiches, fèves, etc.). Vous compléterez avec un morceau de fromage (un seul, pas la moitié du camembert…), un morceau de pain et un à deux verres de bon vin.
L’avantage des légumes, c’est qu’ils sont très bons pour la santé (fibres, minéraux, vitamines) et qu’il procurent assez rapidement la satiété.
Exemple de repas prêt en moins de 10 minutes et sans effort : dans une casserole, mettez une cuillère à café d’huile d’olive, de l’ail (haché surgelé), des épinards (surgelés), deux ou trois tomates coupées en morceaux, du thym, du sel, du poivre. C’est absolument délicieux et parfumé, et vous pouvez en manger autant que vous en voulez, jusqu’à vraiment plus faim. Complétez avec un morceau de bon camembert AOC au lait cru sur un Krisprolls à la farine complète, un verre d’un excellent vin rouge… Vous avez encore faim ? Une petite salade (sans vinaigrette) avec des herbes aromatiques, un fruit… Soignez les présentations, les saveurs, ne négligez jamais les épices, cela doit être plaisant à l’œil et savoureux.
Chez Picard Surgelés, par exemple, vous trouverez toute une gamme de légumes, de fines herbes, vraiment très pratiques à l’emploi.
Vous rentrez tard du bureau, vous êtes crevé, pas le courage de faire la moindre cuisine ? Sortez les boîtes de conserve ! Les légumes en conserve sont dotés d’excellentes qualités nutritionnelles et sont trop souvent méprisés. Mangez des haricots verts jusqu’à vous en faire péter la panse si vous en avez le goût… Encore faim ? Des haricots beurre, des salsifis, les cœurs d’artichauts, les cœurs de palmier… tant que vous avez encore faim, ne vous privez pas.
Soyez cependant plus prudents avec les lentilles, les flageolets, les haricots blancs, les pois chiches, etc. Ces légumes sont plus riches… Ne dédaignez pas non plus les légumes préparés comme la ratatouille en boîte.
Évitez le maïs en boîte, trop de glucides.
Allez, encore un petit truc, vous rentrez vraiment trop épuisé pour vous faire à manger ? J’ai la solution : la boîte de 800 g de légumes pour couscous de Daucy (à 1 € 60). Jetez dans une casserole et mettez à chauffer. Si vous avez (et je vous encourage à avoir plein d’épices), rajoutez un peu de cumin, ou encore du Ras-el-hanout, ou pourquoi pas un peu de mélange pour Colombo ou Massalé. Hmmm, c’est chaud en 5 minutes, ça sent merveilleusement bon, et c’est délicieux. Croyez moi, avec 800 g dans l’estomac, vous n’aurez plus très faim, peut-être même que vous passerez le fromage. Et, le bilan de ce repas, qui vous laisse le ventre bien plein ? Seulement 191 calories (sur un apport quotidien recommandé, pour moi, de 2 600 calories). Et, même avec un morceau de fromage (0,40 € le 6e de camembert AOC), votre repas du soir vous aura coûté seulement 2 euros. Avec ces économies, vous pouvez déjà réserver votre table chez Alain Ducasse ou Alain Senderens pour fêter vos premiers 5 kilos perdus.
Enfin, apprenez à faire vos courses en lisant les informations nutritionnelles. Cela réserve parfois des surprises… Et soyez créatifs, le truc des légumes pour couscous, je l’ai trouvé tout seul.
Ensuite, quand vous aurez perdu vos 5 premiers kilos, vos pourrez compléter ce repas du soir avec un autre apport de protéines et lipides, comme, par exemple, une tranche de jambon ou de rosbif.
Donc, retenez bien, le soir, légumes, légumes et légumes. Un peu de fromage et de vin pour le plaisir et la santé.
Grands dieux, jamais ! À moins d’être déjà pratiquant, à quoi bon vous rajouter l’effort de remuer vos chairs flasques en plus de l’énergie psychologique requise par votre régime ? Songez que le sport épuise l’organisme, fatigue les articulations… Savez-vous le nombre d’hommes qui font leur premier accident cardiaque entre 35 et 45 ans pour s’être subitement mis au jogging ou au tennis sans avis médical ? C’est effrayant.
Au delà de la plaisanterie, ne courrez pas plusieurs lièvres à la fois, à moins que vous ne soyez particulièrement motivé pour. D’abord la perte de poids, ensuite le sport… En plus, une fois retrouvé un corps plus léger, vous aurez naturellement envie de faire du sport pour sculpter, dessiner votre nouveau physique. Et, cela vous demandera bien moins d’efforts qu’avec votre sur-poids actuel…
Donc, chaque chose en son temps. Attendez quelques kilos perdus avant de vous lancer dans une activité sportive intense.
Et, contrairement à ce que certains peuvent penser (“t’es gros, tu devrais faire du sport”), il est scientifiquement prouvé que le sport ne fait pas maigrir. Il fait juste remonter votre apport recommandé en calories… Et, en faisant du sport, vous avez naturellement plus d’appétit… Donc, plus vous faites du sport, plus votre régime devient antinaturel et difficile à suivre, sans compter que le muscle étant volumétriquement parlant bien plus lourd que la graisse, vous pesez plus sur la balance. Un peu décourageant.
Bref, du sport, oui, mais de façon mesurée, et surtout pas précipitée.
(Par contre, ne vous interdisez jamais des activités physiques douces comme la marche.)
C’est simple : aucun. Tout est affaire de quantité et de fréquence. Ne renoncez jamais à vous faire plaisir. Ne vivez jamais la frustration de dire adieu pour toujours aux cacahuètes, aux frites, au cassoulet ou à la pizza.
Pour mon exemple, le jour où j’ai commencé mon régime, j’avais un magnifique saucisson à la maison. Que faire ? Le jeter ? Non, quel crime ! Je me suis juste discipliné, je me coupais 3 tranches en rentrant chaque soir, je rangeais le saucisson, et j’allais déguster mes trois tranches devant la télé avec un bon verre de vin. Dans ma vie antérieure, j’aurais pu amener le saucisson dans le salon et en manger au moins la moitié en un seul soir. Le saucisson m’a donc duré une petite dizaine de jours, et, croyez-moi, que je l’ai apprécié mon saucisson quotidien, comme il m’a apporté du bonheur, et comme j’ai savouré chaque tranche, jamais saucisson ne m’avait procuré autant de plaisir. Et, en plus, je maigrissais… avec mon régime sauciflard et pinard. La classe, non ?
Si vous vivez seul, comme ce fut le cas la plupart du temps de ma perte de poids, ce régime est facile à suivre.
Si vous avez conjoint(e), ou pire, conjoint(e) et enfant(s), cela sera beaucoup plus difficile pour vous. Pourquoi ? Parce que vous aurez en permanence à portée de main des aliments hypercaloriques qui vont vous tenter. Pensons Nutella, petites brioches fourrées, Petits-Écoliers, etc. Vous verrez des personnes manger tous les jours des choses bien tentantes… Il vous faudra redoubler de volonté.
La première solution est de divorcer et, le cas échéant, de vous débarrasser de vos enfants. La seconde est de mobiliser vos troupes, de leur demander leur aide et soutien. Sans support effectif de vos proches, vous risquez fort l’échec. La dernière possibilité est l’autoritarisme, tous au régime. Je vous laisse trouver quelle est la meilleure solution pour vous.
Passez un pacte avec ceux qui partagent votre foyer, demandez-leur d’être des “supporters” de votre bravoure, de participer à votre succès, défiez-les de partager votre régime au moins la première semaine, voire la deuxième (cela ne sera que le soir pour eux, c’est raisonnable).
Ah, l’apéro entre potes, on ne va pas s’en priver… Mais, évitez dans un premier temps les bières et les cocktails. Allez, un bon verre de vin… Ne vous interdisez pas non plus les olives et les cacahuètes, sachez seulement que ce sont des bombes caloriques, alors, allez-y avec parcimonie. 5-6 olives, une dizaine de cacahuètes, deux ou trois rondelles de saucisson, pas plus. Et, un second verre de vin, si nécessaire, c’est bon pour les artères.
Argh, trop de tentations, surtout dans votre période d’amaigrissement. Ce n’est pas pour autant qu’il faut devenir asocial. Limitez cependant ces occasions. Et dans la carte, évitez-le trop calorique. Visez la pièce de viande ou le poisson qui vous fait plaisir, mais, et aucun restaurant de qualité ne vous le refusera, demandez un changement de garniture, demandez des légumes verts.
Fuyez les plats gras. Faites l’impasse sur le dessert. À moins d’une salade de fruits.
Ne vous inquiétez pas, dans votre phase de stabilisation, tout ira mieux. Il faudra juste faire attention à la fréquence. Des frites, oui, mais pas tous les jours, une fois tous les quinze jours, au grand maximum. Elles n’en seront que plus appréciées.
La philosophie derrière la formule “Soyez palace chez vous”, c’est mangez moins, mangez mieux, avec plus de plaisir. Vivez comme des millionnaires, vous en avez enfin les moyens.
Parce que le plaisir en bouche, cela sera la meilleure motivation pour bouleverser vos habitudes alimentaires et abandonner le “junk”.
Exemple concret : vous achetez par mois une dizaine de gâteaux, pas mauvais, mais pas formidables non plus, à votre pâtissier du coin. Des gâteaux à 2 euros. Cessez tout de suite. À la fin du mois, vous êtes à la tête d’un capital économisé de 20 euros. À ce prix, vous pouvez aller dans la plus merveilleuse pâtisserie de votre ville et acheter au moins deux gâteaux. Deux gâteaux dont vous vous souviendrez toute votre vie (si vous vivez dans une ville assez grande pour accueillir un pâtissier de classe internationale). Vous voyez la différence ?
De la même façon, vous avez passé un mois à manger des salades composées à 6-8 euros au lieu d’un repas à 12-16 euros ? Voyez à quoi vous pouvez appliquer le différentiel.
Et, d’une manière générale, c’est la révolution de votre régime alimentaire à long terme. Manger peu, mais manger bien. Économisez 3 à 5 restaurants médiocres pour vous réserver le meilleur en ville. 1/8e du meilleur camembert au monde vaut mieux qu’un camembert ordinaire au complet.
Vous devez apprendre à devenir épicurien. Même avec des moyens modestes, seul le meilleur doit atteindre votre bouche.
Ça étonne souvent les gens, même certains bien plus fortunés que moi, d’apprendre que j’ai fréquenté certains restaurants d’exception mondialement connus… Alors qu’il ne s’agit que de priorités bien placées.
C’est une affaire de choix de vie, tu peux être caissière au Monoprix et aller manger chez Lucas Carton plutôt que de payer une place à un prix indécent au prochain concert de Madonna.
Et, sans parler de l’exception, c’est aussi au quotidien prendre le temps de faire ses courses, de comparer les produits, d’aller chez le bon fromager plutôt que de se contenter de l’offre standardisée du supermarché, de se rendre chez le bon boulanger qui n’est pourtant pas le plus proche, etc. C’est aussi apprendre, s’éduquer le palais, faire des découvertes culinaires, expérimenter de nouvelles saveurs, prendre des cours de cuisine…
La part de budget et le temps consacrés à l’achat et la préparation des aliments ne cesse de baisser dans nos sociétés. C’est vraiment dommage.
Donc, apprenez, avec vos faibles moyens, à être “palace chez vous”.
Et, chassez la merde de votre assiette. Si vous tenez à votre personne, donnez lui du carburant de qualité.
Règle d’or : la qualité doit primer sur la quantité.
Il est indispensable d’avoir une bonne balance électronique et de se peser tous les jours (au pire, tous les 3 ou 4 jours). La précision doit être de +/- 100 g., au deçà (+/- 50 g.), c’est stupide, et au-delà, c’est l’indice d’une balance pas fiable. N’hésitez pas à investir dans une balance de qualité. C’est l’outil par excellence.
Il faut, pour avoir des résultats fiables, se peser toujours au même moment et dans les mêmes conditions. Pour ma part, c’est le matin, juste après la douche, avec un slip, des chaussettes et un t-shirt.
Ensuite, préparez-vous psychologiquement à subir des variations imprévues. Il n’est pas rare de voir ses efforts de la veille sanctionnés par un + 500 grammes, voire pire. Le corps humain a beau être une mécanique de précision, il entre en compte aussi des phénomènes de chronobiologie, de rétention de fluides, de matières qui restent un peu coincées dans le tractus gastro-intestinal, etc. Une vraie tendance ne peut être dégagée que sur 3 à 4 jours.
Et, c’est absolument indispensable, faites votre courbe de poids. C’est elle qui vous motivera, c’est elle qui vous rappellera à l’ordre, c’est elle qui vous fera mesurer le chemin parcouru. Il est impossible de faire sérieusement un régime sans ça.
La courbe de poids, c’est le juge de paix de vos efforts.
Ce que je peux dire, c’est que j’ai perdu 10 kilos (et encore plus au moment où j’écris ces lignes) sans effort surhumain, juste un peu de volonté et de bon sens. Je souhaite que mes conseils, qui paraissent tellement simples et évidents, puissent aider quelques uns dans leur démarche. Soyez également créatifs, le meilleur régime doit être sur-mesure, imaginez donc le votre. Le régime miracle valable pour tous, ça n’existe pas, sinon, ça se saurait.
Mes modestes efforts ne furent pas vains et m’ont procuré, non seulement un immense plaisir, mais aussi, une estime de moi renouvelée. C’est tout ce que je vous souhaite. J’ai vraiment beaucoup de bonheur à vivre maintenant avec près de 12 kilos de moins (même si ma mère trouve que c’est excessif). J’ai plus d’énergie, je dors mieux, je me sens plus séduisant. Je me suis retrouvé, et j’ai passé mon samedi à chercher des vêtements plus sexy, qui mettent plus en valeur mon corps retrouvé, mon anatomie. Croyez-moi, se sentir désirable à quarante ans, ça n’a pas de prix.
C’était une grise et humide journée de février 1983, j’avais alors dix-sept ans. Cela faisait déjà quelques mois que j’en avais l’idée, mais je n’avais pas encore franchi le pas. Adolescent timide, je ne m’imaginais pas affronter le regard du marchand de journaux, ou, pire encore, essuyer un humiliant refus de vente “c’est interdit aux mineurs”. Les kiosques à journaux des années 80 ne ressemblaient pas encore à l’annexe d’un “sex-shop”, comme souvent aujourd’hui, et ce genre de littérature était généralement bien dissimulé des regards, il fallait connaître…
L’objet de mon désir était donc le seul journal gay de l’époque (hors quelques rares et coûteux magazines érotiques du style Jean-Paul ou Off). J’en avais entendu parler sur la toute nouvelle radio homosexuelle récemment autorisée d’émettre (1er octobre 1982), Fréquence Gaie, que j’écoutais en cachette le samedi soir. Ce journal un peu mythique, militant, qui avait recueilli le dernier entretien de Jean-Paul Sartre en 1980, et encore des textes de Michel Foucault, c’était le Gai Pied.
Il était hors de question que j’aille acheter mon premier Gai Pied au kiosque du boulevard Malesherbes, en bas de chez moi, presque en face du lycée. Les journaux L’Aurore, La Croix et Minute, placés bien en évidence, étaient des indices d’hostilité patente. En plus, c’était à côté du Café des Ambassades fréquenté par nombre d’élèves et de profs. Il m’était également impossible d’aller au marchand de la rue Jouffroy qui me connaissait bien pour une bonne décennie d’achats de Pif Gadget et d’images Panini.
C’était devenu une évidence, il fallait que je change de quartier, un endroit où personne de ma connaissance ne risquait de me croiser. Pratiquement, changer de ville… Ce fut donc Rive Gauche. J’ai dû mettre plusieurs semaines à repérer le bon kiosque, pas trop achalandé, pas trop discret sur l’affichage de la presse un peu légère.
Je trouvai mon bonheur au coin de la rue Saint-Jacques et du boulevard Saint-Germain, un kiosque tenu par un asiatique, juste en face d’une agence de voyages plutôt tranquille. Et, j’avais sans doute le sentiment que je risquais moins d’être moralement jugé, voire offensé, par un asiatique. C’était l’idéal.
Dois-je dire que j’ai dû mobiliser tout mon courage, que je sentais mes jambes molles ? Une condition également importante à mes yeux était qu’il n’y ait pas d’autre client, cela aurait risqué de me paralyser de stress — “Vous avez, heu, vous avez… vous avez le Journal de Mickey ?”. J’attendis donc en guet sur le trottoir d’en face. Il fallait trouver le moment idoine, aucun piéton aux alentours du kiosque, en parfaite synchronisation avec les feux tricolores, que ma trajectoire soit parfaite, sans hésitation, minutée avec précision.
Par anticipation, mes mains étaient trempées de sueur, je respirai un grand coup, aucun chaland potentiel à l’horizon, je traversai le boulevard d’un pas assuré, négociai un virage impeccable et me présentai, sûr de moi en apparence, dans la lumière vive du kiosque. “Vous avez le Gai Pied Hebdo ?”. Et l’asiatique impassible de commencer à fourrager un temps qui me paru infini, pour enfin extraire le périodique si longuement espéré. Je me sentis me décomposer intérieurement. “C’est 9 francs”. Je tendis mes 10 francs, ramassai ma pièce de 1, soufflai un merci, me retournai tout en glissant fébrilement le magazine sous mon blouson de cuir, sur la poitrine chaude et palpitante, et filai vivement, le cœur battant la chamade et l’esprit incroyablement soulagé, le visage heureux et battu par la bruine froide.
J’avais réussi. Le défi était relevé. Je brûlai alors de feuilleter mon nouveau trésor. Dans un café ? Jamais de la vie. Je remontai la rue Monge, le premier endroit qui me parut favorable fut les arènes de Lutèce, forcément désertes par ce temps. À l’abri d’une voûte quasi bimillénaire, je sortis mon trophée, et, émerveillé, je sentais qu’une nouvelle vie s’ouvrait à moi, un nouveau monde avec ses codes, ses repères, ses adresses. J’étais désormais un adulte.
Aujourd’hui, j’ai ouvert un vieux carton depuis longtemps oublié au fond d’un placard, et j’y ai retrouvé mon premier Gai Pied. Ça m’a fait comme un pincement. Et tout ce que je viens d’écrire m’est revenu comme si c’était hier.
Voici donc la couverture du Gai Pied Hebdo n° 56 de la semaine du 12 au 18 février 1983 :
J’y découvrais des signatures qui allait me devenir habituelles comme Frank Arnal, Hippolyte Romain, Renaud Camus, Pablo Rouy, Patrick Scemama, Roland Surzur, Tony Duvert, Jean Le Bitoux, Hugo Marsan, Dominique Fernandez, Daniel Guérin, Jean-Luc Hennig, Geneviève Pastre, Guy Hocquenghem, Gabriel Matzneff, Yves Navarre…
Les textes étaient généralement de plumes sûres et aguerries, il y avait des relecteurs, quantité de références culturelles étaient convoquées à tout bout de champ. Le Gai-Pied de cette époque face au Têtu d’aujourd’hui, c’est un peu le Monde Diplomatique comparé à Elle.
L’éditorial de ce numéro 56 :
De la décentralisation des pouvoirs.
Après de multiples péripéties, Fréquence Gaie a enfin obtenu sa dérogation. Non sans mal, il a fallu l’obstination de toutes les composantes de la communauté homosexuelle : individus, groupes, personnalités, mais aussi le soutien sans faille des auditeurs qui ont adressé des centaines de télégrammes à madame Cotta, ont manifesté dans les rues de Paris et écrit à leur député. Preuve qu’une liberté s’arrache et se défend en ne comptant que sur ses propres forces. On peut méditer sur le maigre soutien des autres radios libres, sans parler de l’indifférence absolue des média ignorant jusqu’à la manifestation du 22 janvier dernier.
Un autre enseignement est à tirer : à court terme, nous devons nous méfier de la décentralisation des pouvoirs. N’oublions pas qu’aux États-Unis, certains États condamnent encore la sodomie alors que d’autres financent les associations homosexuelles. Nous risquons de connaître ce type de situation avec l’avènement des nouveaux conseils régionaux. Bien sûr, ils n’auront pas le droit de légiférer sur les mœurs, mais gageons que certains d’entre eux feront tout pour gratifier leur électoral familialiste.
Depuis longtemps le pouvoir municipal lui-même contrôle la bonne moralité de la commune. Sait-on qu’un maire a le droit d’interdire un film s’il estime qu’il met en danger le bon ordre de la cité ? Les déclarations de Paul Quilès à Paris, de Michel Noir et Gérard Collomb à Lyon nous rassurent. C’est nouveau et encourageant. Des candidats de grands partis reconnaissent qu’on peut être homosexuel et citoyen. Mais accepteront-ils de faire connaître leur position ailleurs que dans Gai Pied ? Un proche avenir nous le dira.
Frank Arnal.
Et un sommaire alléchant :
Paul Quilès, candidat aux municipales de 83, disait : « Je citerai […] une réflexion de Jean-Louis Bory : “C’est l’égoïsme, la bêtise et la haine qui créent les ghettos”. Les homosexuels y sont enfermés depuis longtemps. Rude vie pour ceux qui, en butte aux brimades, aux railleries, à la haine, n’ont pas la chance de s’appeler Peyrefitte ou Cocteau. » Il dénonce aussi la chasse aux homosexuels organisée par l’administration Chirac et estime qu’il est normal de réfléchir à la reconnaissance du concubinage homosexuel. Michel Noir, candidat RPR à Lyon se défendait : “Faut pas nous prendre pour des tarés sur le plan de la morale”, et son adversaire, le socialiste Gérard Collomb : “Personnellement, je suis pas homosexuel, et c’est quelque chose que je conçois mal. Mais tous les régimes de persécution ont été des régimes anti-homosexuels, quelque soit la forme de dictature. La liberté forme un tout.”
J’apprenais que l’évêque d’Angers, Mgr Jean Orchampt, comprenait la souffrance des homosexuels. Un saint homme, assurément. On parlait aussi beaucoup de l’affaire du Coral, c’était bien avant Outreau, qui s’en souvient aujourd’hui… C’était assez obscur pour moi, cela faisait “Règlement de compte à OK Coral”. On parlait encore de “tricks”, sexualité furtive et débridée. Le journaliste, envoyé spécial à Romorantin, visitait les pissotières de la grande halle, nous gratifiait d’une photo des dits-lieux ornés d’un graffiti : “Mitterrand vieille salope avec les juifs assassins”. Que faire d’autre à Romorantin quand on est pédé en 1983 sinon se suicider ? On ne parlait pas trop de poppers, mais plutôt d’encens liquide.
Des publicités m’ouvraient de nouveaux horizons :
D’autres étaient nettement plus explicites :
(Pour les petits jeunes, il faut savoir aussi que le quartier gay du Marais n’existait pas à l’époque, c’était principalement rue Saint-Anne que tout se passait : prostitution, quelque bars et surtout la discothèque-restaurant sélect “Le Sept”, héritière du “Pimm’s”, de Fabrice Emaer, où l’on croisait Diana Ross, Mick Jagger, Eartha Kitt, Andy Warhol, Yves Saint Laurent, Alain Pacadis, Karl Lagerfeld, Frédéric Mitterrand, dont je devins rapidement un habitué. Mais, je vous raconterai tout ça un autre jour… si le cœur m’en dit.)
Et les fameuses petites annonces, moteur financier du journal, et qui lui avaient parfois fait frôler l’interdiction de diffusion, m’ouvraient de nouvelles aventures…
Et quand je découvre aujourd’hui les croix au crayon à papier sur certaines annonces, je frémis… Comme “JH est à la recherche d’un lycéen, jeune, beau et masculin de 15/17 ans pour amitié sincère et sorties : RDV tous les dimanches à 15 heures, métro Trocadéro, sortie avenue d’Eylau, quinze jours après parution. Signe de reconnaissance : le Quotidien de Paris.”
Après, le Gai Pied et moi, ce fut une longue aventure. Dans le numéro double 178/179 du 13 juillet 1985, j’avais alors 19 ans, apparaissait la signature d’un jeune photographe forcément talentueux et prometteur…
C’était donc dans un vieux carton retrouvé un dimanche. Après bien des aléas et avanies, le Gai Pied est mort en 1992.
P.S. Et, en 1985, je ressemblais à ça.
J’aurais aimé vous parler de mon voyage, de la tempête sur les bancs de Terre-Neuve, des beautés de la remontée du Saint-Laurent. Mais mon arrivée au Québec s’est transformée en un genre de cauchemar, en une succession d’événements qui m’ont un peu retourné les tripes. Je suis passé de l’abattement à la colère (hier), et aujourd’hui, je recouvre mes esprits (la présence aimante de mon lapin n’y est pas pour rien). Et, sans doute que demain, je rirais de toute cette aventure.
Après avoir veillé la veille jusqu’à la Pointe à la Citrouille et la rivière Champlain, c’est sous l’effet de l’excitation d’arriver après cette longue traversée que je me suis réveillé, ce mardi 16 novembre, à 4 heures du matin. Je me précipite immédiatement regarder par le sabord, des usines, des fumées, nous arrivons à Montréal. Un quart d’heure plus tard, j’aperçois la croix du Mont-Royal et le Stade olympique. Petit pincement au coeur.
À 4 h 25, les premiers quais à conteneurs, des grues jaunes, la tour du Stade qui se rapproche. Nous nous approchons lentement d’une grue rouge pleine de lumières, nous battons arrière, les cloisons vibrent. 5 h 00, nous touchons quai dans un grincement de pare-battages. Je prends ma douche, je fais mon sac et monte à la timonerie. Je regarde Montréal s’éveiller. 8 h 10, notre premier conteneur est saisi par la grue. Le lieutenant de quart s’approche de moi et me dit, en anglais, “Tu vois le bateau devant ? Hier, un docker y a été tué dans des circonstances horribles”. Sale ambiance.
Je sais que les services de douane et d’immigration doivent passer à bord entre 8 et 9 heures. J’ai hâte de les voir arriver afin de pouvoir débarquer. C’est loin d’être la première fois que je débarque d’un bateau dans un pays étranger, y compris hors de l’espace de Schengen. Généralement, la procédure est toujours la même, un officier arrive, va voir le commandant. Ce dernier lui donne en la liste des passagers et les passeports. L’officier lui donne des formulaires de déclaration à remplir en nombre suffisant. Les formulaires sont transmis aux passagers, et une fois remplis, ils reviennent au bureau du commandant. Sauf problème de passeport, généralement, cela s’arrête là, sans même un contact physique entre l’officier et les passagers qui débarquent.
De nationalité française, doté d’un passeport récent à lecture optique et même d’un billet de retour, j’imagine benoîtement que tout allait se passer très vite. Erreur.
De façon fortuite et exceptionnelle, il y a 8 passagers à bord, alors que le CMA-CGM Tage n’a jusqu’alors jamais embarqué de passagers sur cette destination. Outre ma personne, il y a une Française, également embarquée à Anvers, 3 Norvégiens et 3 Hollandais. Ces six derniers sont arrivés en groupe à Hambourg, ils se connaissent tous et se sont présentent comme des amis juifs et communiquent entre eux en hébreu. Des gens que je n’ai guère côtoyés à bord.
Un matelot vient m’informer que nous sommes priés d’attendre dans nos cabines. Mais je n’ai pas le temps de redescendre au pont 3 que je suis appelé au bureau du commandant. Je remonte au pont 5. Dans le salon du commandant, il n’y a pas un officier, comme je m’y attendais, mais quatre. Trois sont assis à la table, un est debout. Le commandant, dans un coin, me jette un sourire triste. Je suis invité à m’asseoir. Ces circonstances inhabituelles me rendent un peu fébrile.
À ma gauche, une jeune blonde, en face, un homme à la bonne figure avec une moustache poivre et sel, à ma droite, une femme brune, replète, d’une cinquantaine d’année et affectée d’un fort strabisme. Debout, un grand, plutôt beau mec, la trentaine, qui s’avérera être l’inquisiteur général. Car ce n’est pas un entretien de douane habituel, c’est un véritable interrogatoire policier que je vais passer, avec les techniques habituelles de déstabilisation.
Je comprends vite au ton employé que je ne suis pas pour eux un touriste, mais un suspect. Suspect de quoi, ils ne le savent pas, mais ils semblent persuadés de trouver.
La blonde me donne le formulaire habituel que je commence à remplir. Je me plante dans ma date de naissance. Ça commence bien. Je tente une plaisanterie sur la question où l’on demande si on a une certaine somme d’argent en espèces en disant que j’aimerai bien pouvoir cocher oui. Mais l’ambiance n’est pas à la rigolade. C’est universel, les douaniers sont dépourvus d’humour.
S’en suit une batterie de questions, menée par l’inquisiteur debout.
— Pourquoi êtes-vous venu en bateau ?
— Parce que j’aime la mer et les bateaux, je fais des voyages en bateau tous les ans.
— Vous venez faire quoi au Québec ?
— Voir des amis.
— Vous êtes déjà venu au Québec ?
— Oui.
— Combien de fois ?
— Je ne sais pas, une douzaine.
— La dernière fois ?
— Heu, en mai, je crois.
— À quelle date ?
— Je ne m’en souviens pas exactement, c’était au moment du référendum sur les “défusions”.
— Vous restez combien de temps ?
— Je repars le 25.
— Vous avez combien de congés en France ?
— 5 semaines, plus que chez vous.
— Vous semblez nerveux, Monsieur.
— J’ai peu dormi, je suis fatigué, et je ne m’attendais pas à un tel comité d’accueil.
— Vous êtes marié ?
— Heu, non.
— Vous avez une alliance.
— Heu, oui, c’est comme une bague de fiançailles.
— C’est pas l’homme qui porte la bague.
Aïe, je sens que je m’embourbe un peu et la tournure subitement personnelle de l’entretien me déstabilise.
— C’est symbolique, c’est pas une vraie bague de fiançailles, c’est pour marquer comme un serment.
— Vous avez quelqu’un en France ?
— Heu…
— Au Québec ?
— Oui…
— Depuis combien de temps ?
— Je ne sais plus, 7, 8 ans…
Ma nervosité commence à laisser place à une immense lassitude. Les questions s’enchaînent à un rythme soutenu. La brune qui louche, que j’appellerai ultérieurement la teigne par souci de simplification, s’y met aussi.
— Vous faites quoi ? Vous travaillez où ? Le nom de votre société ? C’est votre société ? Vous gagnez combien ? Vous avez une carte d’affaires ?
— Non, je suis en vacances, je ne prends pas de cartes en vacances.
— Vous pouvez travailler à distance ?
— Heu, oui, avec Internet, c’est possible.
— Vous avez l’adresse où vous allez résider ?
— Oui, je ne la connais pas par coeur, je l’ai dans ma cabine.
— Vous avez un billet de retour ?
— Oui, dans ma cabine aussi.
— Allez nous chercher tout ça.
Je m’exécute. Je descends chercher mon billet d’avion et mon petit carnet où j’ai noté la nouvelle adresse d’Yves.
Je remonte. Je présente l’adresse sur la première page de mon carnet, carnet où j’ai noté également les coordonnées de contacts à Montréal et différents détails observés au cours du voyage.
La teigne prend le carnet des mains de la blonde.
— “3 brasseurs”, c’est quoi ça ?
— Une taverne sur Saint-Denis. (Cela fait sourire le moustachu.)
— Et tous ces codes, c’est quoi ?
— Heu, c’est les mots de passe de mes boites de courriel.
Me voilà bien avec mes phrases codées. Je sens que la tension monte d’un cran.
La teigne parcourt mes adresses. Elle ne s’arrête pas sur les noms “pure laine” et elle se bloque soudain comme un chien d’arrêt qui a trouvé :
— C’est qui ce Houssein B* A* ?
— Et bien, c’est un ami à Montréal.
— Vous le connaissez comment ?
— Heu, par Internet. (Je me sens pas à me lancer dans une explication des blogues à cette femme disgracieuse).
— Depuis combien de temps ?
— Un an, deux ans…
— Il est citoyen canadien ?
— Heu, non, il est tunisien. (Je sens l’étau qui se ressert.)
— Il fait quoi à Montréal ?
J’ai un blanc, je ne sais plus exactement ce que fait Houssein. Je réponds qu’il est professeur d’informatique à l’Université de Montréal. Et je me glace en voyant qu’elle note les coordonnées de Houssein sur son bloc. J’espère que je ne vais pas lui causer des désagréments.
Tout ça commence à devenir fort désagréable. Je commence à paniquer un peu.
— Vous parlez anglais ?
— Heu, mal.
Les hommes se concertent, en anglais.
— Montrez-nous votre cabine, on va la fouiller.
Les femmes restent assises. Je regarde le commandant impuissant et désolé. Je demande à récupérer le carnet posé devant la teigne :
— Laissez-le là. Je vais le lire.
Je me sens bouillir intérieurement. “Je vais le lire.” En a-t-elle le droit au moins ? Il semblerait que ces kapos en uniformes aient tous les droits. Je prends ça comme un viol de mon intimité. Je sais qu’il n’y rien à cacher dans mes notes de ce carnet (ayant principalement trait à la navigation), mais je n’accepte pas le principe. Une colère sourde et impuissante monte en moi.
Mais les hommes se dirigent vers la porte en m’invitant à les guider jusqu’à ma cabine. Je croise un matelot à l’air inquiet et interrogateur dans la coursive. Arrivé dans ma cabine, l’inquisiteur demande :
— Je peux voir votre carte de crédit ?
Je fouille dans la poche extérieure de mon sac à dos, lui tend ma Visa Gold, il me prend aussi ma Carte Orange que je tenais dans l’autre main. Je lui explique que c’est ma carte de transport à Paris.
— C’est quoi le plafond de votre carte ?
— Je n’en sais rien.
— Comment ça, vous ne savez pas ? Ce n’est pas possible
— Je ne sais pas. Je ne l’ai jamais atteint. (J’hésite à m’embarquer dans une explication des différences entre une carte Visa accréditive au Québec et une carte Visa à débit différé en France.)
— Vous avez de l’argent sur vous ?
— J’ai 5 euros.
— Pourquoi si peu ?
— Je me suis fait surprendre par le prix du taxi à Anvers.
— Il y a quelqu’un à Montréal qui pourra vous supporter financièrement ?
— J’ai ma carte.
— Mais vous avez votre amie à Montréal ?
— Oui.
— C’est qui ?
— Bien, justement, c’est le Yves G. chez qui je vais.
— Ah, c’est “lui” alors.
Je sens que c’est au tour de mon inquisiteur d’être déconcerté par cette révélation. Bizarrement, j’ai le sentiment d’avoir recouvré un peu d’humanité à ses yeux et son ton s’est radouci.
— Vous allez vous marier ?
— Oui, sans doute, je ne sais pas quand, mais ça viendra.
— Pourquoi il ne vit pas en France avec vous ?
— Il a essayé pendant cinq ans, mais il a pas réussi à s’y faire. Alors, il est revenu au Québec.
— Ah.
Le moustachu enfile des gants en latex et commence à fouiller la cabine. Il regarde sous le lit, dans les tiroirs de la commode, l’armoire. Je note, sans rien dire, le manque de professionnalisme de l’opération, il oublie trois endroits importants, le dessus de l’armoire, la petite armoire du cabinet de toilette et le fût de la combinaison de survie. Il demande à voir mon grand sac.
— Y a-t-il quelque chose de coupant ou qui pourrait me blesser dans ce sac ?
— Non, rien, que du linge, des affaires de toilettes et un livre.
Il fouille ma trousse de toilette, examine attentivement ma petite bouteille d’alcool à 90°. Mais à part ça, rien de suspect. Si ce n’est mon deuxième carnet de notes que j’avais aussi glissé dans ce sac. Il s’agit de celui d’un autre voyage, il n’y a dedans que des points à midi (longitude et latitude), des caps et des vitesses, ou des informations aussi passionnantes que “16 h 50. Stoppé, attente pilote devant port. 18 h 00. Franchi jetée. 18 h 06. Pilote à bord. 18 h 12. Première amarre à terre. 18 h 15. Accosté babord à quai. 18 h 18. Amarrage terminé. TPLM.” L’inquisiteur feuillette et semble un peu déçu. Il me rend le carnet.
— Bon, tout semble OK ici.
Je pousse intérieurement un grand soupir de soulagement. Il n’ont pas trouvé la seule chose que je ne voulais pas qu’ils trouvent. Le cahier, celui où j’ai noté mon vrai journal, au jour le jour, avec mes pensées intimes, mes considérations sur le voyage, etc. Et, entre autres, les importants soupçons que j’avais vis-à-vis des autres passagers. Que ces derniers soient nets ou pas, peu importe, simplement, je ne voudrais leur causer du tort de ce qui n’est, de ma part, que des spéculations pleines d’imagination. Le cahier était dans une poche intérieure de mon sac à dos et pouvait sembler n’être, à la palpation, qu’un renfort intérieur du dos du sac.
— On remonte.
Je me sens un peu plus léger et c’est avec courtoisie que je les guide sur le chemin du retour chez le commandant.
Les deux femmes sont toujours assises. Le commandant a viré au gris. Tout le monde reprend place.
La teigne à la main sur mon carnet, elle se penche sur le côté et me fixe de son oeil noir qui dit merde à l’autre.
— J’ai lu votre carnet, vous allez devoir m’expliquer quelque chose.
Je pense “je ne te dois rien, grosse conne”, mais je meurs de curiosité de savoir ce qu’elle a bien pu trouver de compromettant dans ce carnet. Elle feuillette, retrouve le passage, me tend le carnet ouvert. Je lis, en date du samedi 13 novembre, et je comprends immédiatement ses soupçons délirants :
Un telex qui traîne sur la table à cartes : “US President George W Bush said Friday that after the death of Yasser Arafat there was now a ’great chance’ to create an independant Palestinian state living at Peace with Israel by the time he leaves office in 2009”.
— Vous vous intéressez à Arafat ?
— C’est une nouvelle d’importance.
— Il y a quelque chose que je n’arrive pas à comprendre. C’est pourquoi vous avez écrit ça en anglais.
— Et bien, le télex était en anglais, c’est une copie d’une dépêche d’agence.
— Vous êtes Français, je ne comprends pas ça.
Je songe : un copain Houssein, mon intérêt pour Arafat, mes codes secrets, me voilà dans de beaux draps. Quel cauchemar.
La teigne reprend :
— Vous avez un conteneur sur le bateau ?
Je manque de sourire de la stupidité de la question et de ce qu’elle sous-tend.
Ils se concertent à voix basse. La blonde, qui m’était sympathique, dit “je crois qu’il est clair”. L’inquisiteur, qui a semble-t-il basculé de mon côté, explique en anglais qu’il pense je suis bien un habitué des bateaux, pour preuve l’autre carnet qu’il a trouvé dans ma cabine. Mais la teigne ne démords pas. Elle se tourne vers moi, se penche et déclare d’une voix ferme :
— Monsieur, je ne crois pas du tout à ce que vous dites. Vous êtes venu pour travailler au Québec et vous n’allez pas rentrer en France.
Elle semble très fière de son effet et semble penser : “tu vois, mon gars, tu m’auras pas comme les autres, je t’ai percé.”
Je suis estomaqué et je ne sais pas quoi répondre à tant d’assurance stupide, et avec mes réticences et questions actuelles, cela prend une résonance toute particulière. Le conciliabule reprend derrière. C’est finalement encore le grand inquisiteur qui vient à mon secours. Il fait remarquer à la teigne que je n’ai presque rien avec moi, et surtout pas de “laptop” et aucun matériel susceptible d’être en rapport avec une activité professionnelle. Je bénis mes difficultés financières qui m’ont empêché d’acheter un E-book comme j’en avais l’intention avant de partir.
L’inquisiteur prend la parole :
— Vous savez, il y a beaucoup de Français qui viennent ici au Québec. Il y a beaucoup de monde qui vient chez nous.
Je perçois, à leurs mines réjouies, mon auditoire autosatisfait et fier de leur beau pays qui attire tant de gens. C’en est trop pour moi :
— Vous savez, le Québec, c’est un mirage, un mythe, c’est pas mieux qu’ailleurs. Y a bien des Français qui rentrent chez eux. Puis, si j’ai choisi un homme québécois, j’ai pas choisi le pays. Je ne veux pas venir vivre chez vous.
Un voile de consternation générale assombrit les visages. Comment, il n’aime pas le Québec ? Est-ce possible ? Et bien oui, c’est possible, et, c’est pas avec ce genre d’accueil que je vais apprendre à l’aimer.
Il s’en suit, à ce que j’ai compris, des tractations. Ils semblent tous vouloir convaincre la teigne qui semble demeurer rétive. La blonde semble un peu gênée par la tournure des événements, elle me glisse à voix basse “faut nous comprendre, on n’a pas l’habitude d’avoir des passagers sur un cargo, alors, on sait pas trop comment faire.”
Tout cela me semble interminable, la blonde manipule le tampon et mon passeport. Enfin, la teigne se laisse faire et donne son assentiment à regret d’un signe du menton. La blonde ouvre mon passeport et donne un coup de tampon. Ouf, ce long calvaire semble enfin prendre fin. Tout cela a duré plus d’une heure, voire deux.
Je demande à prendre mon passeport, on me dit qu’il faut que j’attende à la timonerie qu’ils aient vu tous les passagers. Je ne suis pas sorti de l’auberge.
Je monte à la passerelle, ignorant de répondre quoique ce soit au “bienvenue au Québec” pathétique prononcé par un officier. En montant, j’analyse mon sentiment d’humiliation et de colère. Je sais que j’ai toujours un problème quand on met en doute ma sincérité. Je ne sais jamais gérer correctement ces situations.
Je retrouve à la passerelle la Française. Si elle n’a pas été fouillée, elle m’explique qu’ils ont été très désagréables avec elle. Il n’y a plus qu’à attendre, j’ai peur que cela soit fort long. Je regarde avec dégoût les opérations de déchargement en cours, j’en ai soupé des conteneurs… de cette ville grise et morne. Je pense au débardeur mort, je cherche des traces du drame sur le quai, mais rien, si ce n’est le visage fermé des gens à l’oeuvre. J’ai le cafard. Je me sens lessivé, épuisé de tension nerveuse.
J’espère être ce soir à la maison, avec Yves, mais un désastreux coup de théâtre arrive en la personne du Second qui entre livide dans la timonerie : “Leurs passeports sont tous faux, les 6, ce sont des Irakiens”.
Les visages de mes compagnons de voyage défilent dans ma tête. Ce n’est pas possible, je suis entré dans une “6e dimension”, ou alors je vais me réveiller, tout cela n’est qu’un mauvais rêve.
Par la suite, les informations vont arriver au compte-gouttes, via les allées et venues à la passerelle, la fameuse “radio-coursives” comme on dit.
“Ce ne sont pas des Irakiens, mais des Iraniens, ils ont retrouvé leurs vrais passeports planqués”. Un détail s’éclaire dans ma tête, ils ne parlaient pas en hébreu, mais en farsi ! Et tous mes soupçons passés trouvent leur explication.
“Ca va coûter 25 000 dollars d’amende par clandestin à la compagnie. 150 000 dollars !”
“L’équipage est consigné à bord”. C’est la consternation, Montréal est la seule escale où les matelots peuvent faire une sortie à terre. Le lieutenant s’emporte en anglais, puis en roumain, sur ces salopards de chiens d’arabes. Le bosco renchérit, les arabes, les juifs et les pédés, sales races.
“Les policiers menacent de fouiller tout le bateau. Un bateau de 215 m, mais ça va prendre au moins deux jours !”
“Ce sont des clandestins qui se sont fait avoir par un passeur, ils auraient payé 6 000 dollars chacun, plus le billet de bateau. Ça faisait un mois qu’ils étaient en Europe.”
Je ne manque pas d’éprouver de la sympathie pour ces pauvres types, et je regrette même de n’avoir pas plus échangé avec eux au cours du voyage.
Je demande au Second une cigarette, j’ai laissé mon paquet de tabac dans la cabine. Tout le monde semble atterré.
Je sors sur l’aileron prendre l’air et quitter cette ambiance tendue. Je reviens pour demander à redescendre à ma cabine récupérer mon tabac. Le Second me dit “vous êtes libre, vous”, sous-entendu, plus personne ne l’est à bord, à part moi et la passagère. Je descends. 3 matelots assurent la garde dans la coursive enfumée. Je passe devant une porte ouverte, l’un des prisonniers est en position du lotus sur la table basse, le visage caché dans ses mains, un autre pleure, prostré sur le lit.
La passagère, qui s’est attachée à ces pauvres hères, veut leur dire au revoir. L’inquisiteur la rembarre et menace de lui reprendre son autorisation de débarquer sur le sol canadien. Le ton monte. C’est tendu. “J’ai été déjà assez patient avec vous, Madame !”
Nous apprenons qu’ils vont être emmenés dans un centre de détention à Laval. Le second arrive, il a nos deux passeports à la main. Je n’ai plus qu’une hâte, débarquer immédiatement, fuir ce mauvais film, je fonce à la cabine récupérer mes affaires. Sur le quai, je respire à grandes goulées l’air froid, je tremble de tout mon corps. Je me sens hagard et hébété, en état de choc.
J’ai envie de pleurer.
Bienvenue au Québec.
Une anecdote qui m’est revenue ce midi : j’ai passé toutes mes années de collège et de lycée (et même une année de prépa-HEC avortée) au lycée Carnot, dans le XVIIe arrondissement, établissement pour lequel j’éprouve une certaine tendresse et nostalgie. Pendant une année, nous avions eu un ambitieux projet pédagogique et interdisciplinaire : faire un travail de recherche et réaliser une exposition sur l’histoire du lycée.
Ce lycée de brique et d’acier (ancienne école Monge) a été bâti en 1877 par Antoine-Hector Degeorge et Gustave Eiffel. Des élèves promis à un brillant avenir comme Louis Aragon, Michel Berger, Bernard Buffet, Maurice Couve de Murville, Jean Effel, Francis Huster, François Jacob, Robert Manuel, Pierre Sabbagh, Jacques Weber, etc. y ont usé leurs culottes. Des jeunes résistants comme Guy Môquet y ont laissé leur souvenir tragique.
Le proviseur avait donc ouvert un siècle d’archives à nos équipes et un professeur était tombé sur un bulletin de notes d’un ancien élève nommé Jacques Chirac. On pouvait y lire la mention “parle beaucoup pour ne rien dire”.
Y en a marre de ces gens qui s’épanchent sur leurs carnets Web, qui confient sans pudeur leurs accès dépressifs nocturnes qui devraient justement rester dans l’obscurité. ;-)
Je publie ce court billet afin de faire déjà disparaître l’autre dans les archives. Je ne supporte déjà plus de le voir.
PS. Merci Jasmine pour tes jolis mots. Effectivement la nuit ne porte pas conseil (si on ne l’emploie pas à dormir), elle ne fait qu’accentuer les contrastes.
PS. bis. Mon lapin, il ne faut pas t’inquiéter. Tu connais déjà ces crises. Il me faut toucher de temps en temps le fond de la piscine pour mieux revenir à la surface.
PS. ter. Merci à Joël aussi. J’ai pas trop la force de répondre à vos courriels. Et que dire si ce n’est merci.
Je ne vais pas bien cette nuit. J’ai de vieux démons qui me rattrapent. Je voudrais m’épancher, mais je ne sais plus si c’est le lieu ni le public.
Toute mon expérience sur l’Internet est dirigée vers cela. Communiquer l’incommunicable. Mais, je ne cesse de tourner autour du pot. De me laisser séduire par le divertissement. Pourtant, j’ai un message et je me dois de le délivrer.
Mais mon expérience est autant dérisoire que pathétique. Seulement, qui va me botter le cul pour que je la révèle dans sa crudité ?
Et alors, c’est si simple de raconter le viol, la perte de l’être aimé, les bassesses et l’égotisme.
Je me méprise. J’ai connu tant de grandeur, que me cacher aujourd’hui me donne la nausée.
Je souffre tant. C’est comme un couteau qui fouraillerait dans mes chairs. Sans cesse. Sans espoir de cicatrisation.
C’est cependant une histoire si simple, une histoire d’amour, l’histoire de deux êtres qui ne devaient jamais se rencontrer.
Et cette soudaine familiarité avec la mort, dans ses aspects les plus prosaïques. Parce qu’un cadavre, vous êtes mieux de lui bourrer le cul avec du coton au risque de surprises désagréables.
Je n’arrive pas à m’en sortir. Ma seule lumière, c’est d’un jour raconter mon histoire.
On ne passe pas sa dernière nuit d’amour avec un mort. Il vous en reste des séquelles irrémédiables.
Je n’ai pas envie de faire pleurer Margot. La vie, c’est pas facile (lieu commun). La société humaine, c’est l’enfer. Je l’ai vécu pour le savoir.
Je voudrais mourir cette nuit. Ne plus me réveiller. Si seulement je n’avais pas ce devoir moral qui me pèse. Et si ne ne savais pas qu’un niaiseux m’aime outre-atlantique, d’un amour si pur qu’il est difficile de l’écarter d’un coup de manche.
Cette souffrance, ce n’est, à proprement pas parler, humain. Arrêtez avec ce concept de deuil. Ne me dites pas “cela ira mieux demain”, parce que ce n’est pas vrai. Cela ne guérit jamais. C’est une plaie qui ne demande qu’à se rouvrir. Ne dites jamais à un endeuillé “ça ira mieux demain”, c’est inacceptable, irrecevable, insupportable. À moins de vouloir vous placer dans le camp ces cons qui irrémédiablement ne voudront jamais savoir ce que vivre veut dire.
“Tu pleures sur toi-même”. Oh, combien ce message d’outre-tombe est exact. Mais je ne peux rien faire avec ma douleur, même pas la refiler comme une patate chaude à un passant bien disposé.
Ces bonnes âmes du milieu associatif se sont révélées être des vautours trop nourris, à peu de frais, de la douleur des autres. Et, en dehors, la société m’a ignoré. Que lui dois-je à présent. Si ce n’est une haine légitime ?
Je n’aime pas verser dans l’auto-apitoiement. Ce n’est pas ma nature. Mais il y a des nuits où on a besoin de se déverser, de se répandre, où tout votre être perspire par tous vos pores. Rompt la barrière de la bienséance.J’ai mal. J’ai mal au coeur. Mais qui est là pour partager ? Qui est là pour m’écouter ? Personne. Et ce n’est que justice. À qui puis-je infliger ma souffrance? C’est ma croix. Si solitaire.
Alors, aimez, et sachez ce que ce verbe peut dire. C’est votre seule rédemption. Les cimetières sont peuplés de gens irremplaçables et fortunés. Et le temps qui peut vous paraître abstrait est au contraire une valeur qui ne cesse de se désagréger au fur et à mesure que vous lisez ces mots.
Que restera-t-il de votre parcours ? Songez-y.
Belle parabole biblique, qu’avez-vous fait de votre talent ? Je vous le demande. Donnez moi votre réponse, si vous avez le courage, ou l’inconscience, d’en avoir une.
Votre seule validité sur cette terre, c’est l’amour que vous aurez pu valoir et donner dans ce monde, c’est le sourire accordé au nécessiteu ce matin dans le métro que vous aurez donné à défaut de piécette, soupçonneux que vous êtes des intentions d’autrui.
Mais, je m’épanche, j’abuse ne votre temps. Que suis-je pour vous donner quelconque leçon ? À chacun son solipsisme et les poules seront bien gardées.
Je ne suis qu’un pauvre type.
Je ne sais même pas si je mérite de polluer la surface de cette planète.
Je ne suis qu’un trou noir qui n’attend qu’à aspirer quelque vérité universelle, ou quelque gode à la mesure de ses ambitions anales.
Mépris, quel mot n’a plus de valeur à mes yeux troubles ?
Bon, au revoir, je vais me jeter dans la cuvette des chiottes.
Flushez-moi !
Je n’ai jamais répondu à ces questionnaires qui pullulent dans la blogosphère, versions ressassées ou détournées des questionnaires de Marcel Proust. Mais après en avoir fait la publicité, il me fallait à mon tour répondre au “questionnaire de Tristan”.
Faut-il être de droite ou de gauche ?
De gauche, non par idéologie, mais par rapport à des choix de société fondamentaux comme le progrès social, l’abolition de la peine capitale, l’égalité, la laïcité, la place des femmes, la sexualité, le droit à l’avortement, etc. qui ont toujours trouvé majoritairement leurs défenseurs à gauche dans le monde entier. Et par romantisme aussi (mais cela serait trop long à expliquer ici, disons plus Communard que Versaillais). On ne peut être de droite que par intérêt bourgeois, par conservatisme de l’anachronique, par cynisme politique, ou par stupidité. Ceci dit, je ne suis pas un homme de partis et il manque un vrai centre démocrate en France.
Libéral ou écolo ?
Libéral en moeurs, mais certainement pas en économie, écolo de coeur (et d’ailleurs qui pourrait ne pas être écolo à moins de haïr la nature et de mépriser l’avenir de la planète).
Faut-il faire confiance au marché ?
Rien n’est tout noir, ni tout blanc. Il faut surveiller et encadrer le marché, marché global qui est le produit de l’agitation brownienne de millions d’acteurs micro et macro-économiques et qui n’a donc pas de volonté propre si ce n’est celle du chaos. Faire confiance au marché, c’est proche du non-sens, c’est comme faire confiance au hasard ou à une bonne étoile, ou de l’estimer capable d’une sorte de déterminisme darwinien qui mènerait sans faille au progrès. Et lui accorder la confiance sous-tendrait qu’il aurait la capacité de s’auto-réguler, ce qui est loin d’être toujours le cas. En résumé, marché = vigilance. Et le marché de devrait jamais être au-dessus des lois. Et 1929 nous rappelle que l’édifice, qui ne cesse de vouloir aller gratter les cieux, est chose fragile. Et enfin, le sujet du marché est tellement vaste… et faut-il plus faire confiance à son épicier qu’à son super-marché ?
Va-t-on dans le mur socialement et écologiquement ?
Socialement, et même si la gestion UMP est un passage difficile, sans doute pas, rien ne permet de l’envisager, même pas les nombreux malaises catégoriels. Écologiquement, c’est une certitude (mais hélas, pas du tout pour le gouvernement de la première puissance économique mondiale, cf. protocole de Kyoto entre cent autres).
Dieu existe-t-il ou pas ?
Dieu, dans l’acception courante, n’existe pas. Christianisme et islamisme sont les deux principales plaies de l’Humanité. Mon seul Dieu est le Hasard universel.
Faut-il se marier ou pas ?
Si le cadre légal vous offre des avantages, mariez-vous. Sinon, contentez-vous de vous aimer. Il n’y a aucun contrat qui garantisse ou entretienne l’amour qui est a ré-inventer chaque jour.
Essence ou Diesel ?
J’ai entendu dire que l’essence était un carburant moins polluant, mais nos concitoyens en quête d’argent n’en n’ont que faire. De toutes façons, j’ai fait le vrai choix : je n’ai pas de voiture.
Solaire ou nucléaire ?
Le solaire ne peut, en l’état actuel de nos technologies, répondre à la demande à des coûts accessibles. La solution est dans un large éventail de technologies de production, privilégiant les énergies renouvelables et non polluantes. Le nucléaire, le mal est déjà fait et nous garantit une période d’autonomie énergétique que l’on pourrait mettre à profit pour développer des alternatives sérieuses.
VIM ou EMACS ?
Joker : BBEdit pour OS X.
Windows ou Linux ?
Joker : Mac OS X. Mais si vraiment je n’avais pas de joker, bien sûr le pingouin.
Debian ou Mandrake ?
Je ne connais, ni l’une ni l’autre (cf. question précédente). Mais peut-être Mandrake, en souvenir du magicien du Journal de Mickey au tout début des années 70.
XP ou 2000 ?
Beurk. Non, pitié. Re-joker : Mac OS X.
Fidélité ou amour libre ?
Cela ne se choisit pas, cela se vit, sans nécessité imposée par quelconque ordre supérieur, juste au gré de l’envie et du besoin. C’est l’occasion qui fait le larron en la matière. On est fidèle parce qu’on en à le goût, pas parce qu’on y est contraint, et le goût moult varie.
Voile ou vapeur ?
On connaît ma prédilection pour la marine à voile.
Rive droite ou rive gauche ?
Définitivement Rive droite. Je vais très rarement sur la Rive gauche, et je m’y sens toujours comme en terrain exotique, comme un peu en province. Ce n’est plus chez moi.
Classique ou Bobo ?
Ni bourgeois, ni bohème, parfois vieille France, alors, oui, définitivement classique.
Peugeot ou Renault ?
Il y a eu peu de véhicules Peugeot dans mon parcours (je ne compte pas un moulin à café et un moulin à poivre), alors Renault.
Parisien ou pequenaud ?
J’ai trop longtemps vécu à Paris pour en refuser l’étiquette, même si elle peut être parfois peu flatteuse.
Scooter ou moto ?
Je ne conduis pas d’engins motorisés. Alors, vélo.
Bus ou métro ?
Plutôt métro, même si le bus est parfois bien agréable pour voir la ville.
Homo ou hétéro ?
Homo, parce qu’hétéro c’est vraiment quelconque et que je déteste les enfants. De toutes façons, on ne m’a pas laissé le choix (les voies de la Nature…).
Karl Marx ou Groucho ?
Les deux. Avec une petite préférence pour Karl, que tout le monde juge sans l’avoir lu, qui ne peut être assimilé à ce que l’on a appelé plus tard le marxisme.
—
Ils ont eux-aussi répondu au questionnaire de Tristan :
- Le meilleur du Peer : Questionnaire à la con ?
- Emmanuel Clément : Le vrai-faux questionnaire du StandBlog.
“La parole est moitié à celuy qui parle, moitié à celuy qui escoute.”
Montaigne.
Hassan Massoudy, 1984.
Roulez tambours, sonnez trompettes ! La nouvelle est tombée aujourd’hui.
Je vais me marier avec le lapin à Montréal !
Je regrette que la France ne nous ait pas accordé ce droit civique, que la France n’ait voulu accorder aucun statut de résident légal à mon homme en vertu de sa situation de conjoint de fait.
En conséquence, je vais quitter la France et renoncer à ma citoyenneté, mon pays de naissance n’étant pas à la hauteur de mes espérances (enfin, pour être exact, c’est plutôt ma Patrie qui me jette comme un malpropre. Honte à ce pays qui a perdu son lustre depuis déjà trop longtemps, contrée conservatrice qui sent le moisi, pour qui les Lumières ne sont plus qu’un lointain souvenir et sa devise républicaine, plus que des mots creux).
—
Ardhis, droits des personnes homosexuelles et transsexuelles en matière d’immigration et de séjour. Les droits en France, c’est simple : rien, nada, nothing, zéro, que dalle.
—
Et puisque qu’il y a des hommes politiques qui bloguent, j’aimerai bien avoir leur opinion sur le sujet, sur les citoyens de seconde zone.
Martine et son cuisinier en chef, Blork, nous ont concocté, à la manière de Friday Five, les 12 singes (12 monkeys). Il s’agit, pour cette première édition, de revenir sur son parcours professionnel.
Voici donc la liste de mes boulots, par ordre chronologique, en espérant ne pas en oublier :
Guide dans un château de la Loire. Adolescent, plusieurs étés de suite, rémunéré en pourboires. L’occasion d’apprendre que les touristes français sont pingres et que les américains sont souvent généreux. Mon pire souvenir : toute une troupe de scouts absolument intenables et ne s’intéressant pas du tout à ma conférence. Mon meilleur souvenir : un couple de charmants professeurs sud-américains, venus un jour de pluie. Comme il n’y avait pas grand monde, je leur ai une grande visite de 2 heures (1 heure habituellement), rien que pour eux, en leur montrant les recoins normalement inaccessibles. Résultat : 50 F de pourboire! Ce qu’il m’en reste : une certaine connaissance en style de mobilier, la capacité de distinguer du Henri IV, du Louis XIV, du Régence, du Louis XV, du XVI, etc.
Photographe au Gai Pied Hebdo. À 19 ans, ma première fiche de paie, mon premier chèque (dans les 1200 FF, si je me souviens bien). Mais ne fantasmez pas, ce n’était pas des photos érotiques d’apollons huilés, mais des photos pour la rubrique “intérieurs gays”. Donc, plutôt Maison de Marie Claire ou Architectural Digest…
Assistant attaché de presse. Chez un organisateur de concerts au Théâtre des Champs-Élysées. Consistait principalement à remplir des invitations, envoyer des dossiers de presse, faire des relances téléphoniques aux critiques musicaux, et collationner des coupures de presse. Au départ, c’était un simple job d’étudiant… Mais travailler dans un théâtre, prendre l’ascenseur avec un soldat romain sorti d’une répétition d’opéra, croiser Brigitte Bardot au Top Club de José Arthur, aller à plein de spectacles gratuitement, cela a eu le don de me rendre les études bien fades.
Chargé de production. Toujours au Théâtre des Champs-Élysées, une promotion, l’attachée de presse principale étant rentrée de long congé maladie. Un boulot assez administratif, gérer les contrats d’artistes, les fiches de paye, les locations de piano et de partitions, la billeterie, etc. mais le plaisir de travailler dans un théâtre, de fréquenter la magie des coulisses côté cour et jardin, et l’occasion de rencontrer des monstres sacrés de la musique classique (non, pas Éve Ruggieri !) : György Cziffra, Mieczyslaw Horszowski (un grand souvenir), Hugues Cuenod (un vieillard élégant et polisson), Henri Sauguet, etc. et aussi des personnalités comme Yvette Horner, Dee Dee Bridgewater, Jean-Pierre Kalfon…
Peintre de décors de théâtre. Un petit job de dépannage après la faillite de l’organisateur de concerts. Décors pour Patrick Timsit, Jango Edwards, et j’en oublie. J’ai aussi fait caissier et ouvreur dans des théâtres parisiens.
Chargé d’édition chez un distributeurs de disques. Gérer la base de données produits (des milliers), l’édition des catalogues de commande (listings de codes-à-barres), de la feuille de nouveautés hebdomadaire, des documents de pré-commande, et aussi gérer la production des disques, de l’enregistrement à la duplication. L’occasion là aussi de faire de belles rencontres, Dick Annegarn, Jo Privat, Tuck & Patty, Eddy Louis, plein de musiciens de jazz. Un souvenir magique : assister à un mariage manouche, sur la piste d’un cirque, d’une trapéziste avec un dompteur. Mauvais côté : jamais couché avant deux heures du mat, toujours une promo, une fête, un concert, beaucoup d’alcool et autres substances. Leçon : ne jamais être élu délégué du personnel, c’est lourd…
Consultant en database publishing. Il s’agissait de revendre mes savoir-faire développés chez mon précédent employeur. Programmation de moulinettes enrichissant des extractions de base de données avec des X-Press Tags.
Maquettiste dans une agence de marketing. Embauché sans rien connaître du métier (juste une petite expérience du traditionnel montage de bromure !), mais sans doute pour mes compétences en informatique.
Parallèlement, créateur du site du magazine Têtu et webmestre pendant un an.
Directeur d’une agence de publicité en province. Trois ans pour me rendre compte que j’étais peut-être capable de multiplier un chiffre d’affaires par trois, mais que j’étais vraiment nul en management. Et que finalement, Paris, c’est quand même pas si mal.
Directeur du département Internet d’une agence de marketing. Rien à en dire, vu que c’est mon boulot actuel.
J’ai un peu de mal à trouver une logique dans tout ce parcours un peu chaotique…
Prochain boulot : serveur chez Tim Hortons, avec un peu de chance, et avec une collègue waitress sympa.
[Billet supprimé.]
Suite à certains commentaires, l’architecture de ce carnet web a été modifiée et le contenu de ce billet a été supprimé.
Ces textes sont donc transférés vers un nouveau sous-blogue : journal de bord.
Jeune adolescent, entre 12 et 16 ans (ce qui nous fait remonter aux années 1978-1983), je passais la majorité de mon temps libre au Palais de la Découverte. Tous les mercredis après-midi, et parfois même le samedi et le dimanche, jusqu’à ce que les gardiens du musée ne m’expulsent à la fermeture. Doté de ma carte annuelle, je pouvais y aller comme bon me semblait, pour un prix très modique.
J’avais toujours quelque chose à y faire : traîner à la bibliothèque, souvent déserte, assister à de nombreuses conférences, participer à des ateliers, discuter avec des animateurs scientifiques, etc. Ce lieu était comme le paradis pour moi et j’en connaissais le moindre recoin. C’était un peu ma seconde maison.
C’est dans ce Palais magique que j’ai fait deux rencontres qui allaient durablement me marquer. La première fut dans la galerie supérieure de la salle des mathématiques avec les PET Commodore que l’atelier d’informatique mettait à disposition. Le PET fut le premier micro-ordinateur que j’ai eu l’occasion de toucher. La seconde fut, lors d’une exposition sur Einstein et la relativité, avec un Apple II qui servait à de petites démonstrations animées.
Il faut savoir qu’à l’époque, les micro-ordinateurs étaient des objets financièrement inaccessibles. Ma mère avait déjà peiné à m’offrir une calculatrice programmable TI-58 (oui, je n’étais pas dans le clan de la polonaise inversée HP…). Mon ami Cyril, qui avait des parents plus aisés, me permettait de jouer avec son Sharp PC 1211. Les calculatrices étaient déjà un luxe, alors les ordinateurs… Je rêvais la nuit de TRS-80. Sans la générosité du Palais de la Découverte, il ne nous aurait jamais été permis d’utiliser ces machines qui nous faisait tant soupirer.
J’ai une incroyable nostalgie de ces PET Commodore; aussi, quand je suis tombé sur une photo au hasard du Web, j’ai eu un grand sourire intérieur d’enfant devant un sapin de Noël.
[Correctif, suite au commentaire de Daniel, il s’agit bien sûr de la photo d’un CBM 30xx et non d’un PET 2001.]
Les formes du Personal Electronic Transactor 2001 de Commodore n’auraient pas déparé dans un épisode de Cosmos 1999… À l’époque, la programmation se résumait à des coups de POKE bien sentis et de lignes de code n’excédant pas les 4 Ko de mémoire vive que nous sauvegardions sur des cassettes audio… Une merveille comme OS X était hors de portée de notre imagination.
Je suis retourné cette année au Palais de la Découverte, la salle des mathématiques a été défigurée par des constructions intérieures, la galerie est maintenant complètement déserte, muette et silencieuse. Plus personne n’y monte voir deux ou trois polyèdres en plâtre abandonnés. Il ne reste plus rien de ces moments fiévreux et joyeux, de ces jeunes qui se pressaient à trois sur une seule machine… j’en ai presque eu la larme à l’oeil. Ah, souvenirs, souvenirs…
Ma mère n’est pas venue hier soir, clouée au lit par la grippe. Nous nous sommes donc couchés vers 10 heures 30, après un bouillon de poule bien chaud. Adieu festin de rêve, adieu carpaccio de Saint-Jacques à la coriandre, salade de langoustines aux agrumes et escalopines de pétoncles, petites cailles au foie gras, etc. Nous sommes tous malades comme des chiens.
Aujourd’hui, 13 heures. Mon lapin crache ses poumons au fond du lit et moi je suis devant l’ordi, fiévreux, le nez qui coule, les oreilles bouchées et sifflantes. Je n’aime pas Noël, mais il semble que Noël me le rende bien.
Mon lapin m’a offert un beau livre sur les coureurs des bois et des disques d’Yvon Deschamps (mais comme j’entends plus rien avec le début d’otite, on va attendre un peu pour les écouter). Et, j’oubliais, le dernier roman de Michel Tremblay, Le cahier noir.
Pour la maison, les cadeaux à trouver, le menu du dîner de Noël à préparer, etc.
Pour le bureau, les clients qui veulent tout avant de partir en vacances, avant 2004, etc.
Noël = surmenage. (Même pas le temps de bloguer).
J’aime pas Noël. Vivement l’année prochaine.
PS. Je me plains, mais au moins, j’ai un four en état de marche pour préparer le dîner, ce qui n’est pas donné à tout le monde…
Copie d’un commentaire que j’ai publié chez Matoo :
Il y a un truc qui me gêne vraiment, c’est quand tu parles de toi comme d’une “tapiole” ou d’une “pédale”. Entretenir ces stéréotypes dépassés, cela est peut-être encore en vogue parmi les derniers piliers de bar du Marais, mais je trouve ça extrêmement dévalorisant et ridicule.
Je pense que l’ultime étape de l’acceptation, de s’assumer en tant que tel, est de dépasser ces clichés vieillots. Et surtout cette féminisation outrancière qui ne veut plus rien dire. Arrêtons l’auto-caricature. Les folles sont condamnées à mourir, c’est le passé de l’affirmation. Il faut aller vers autre chose. Entretenir ce discours, c’est nous cantonner dans un ghetto. Excuse-moi de le dire comme cela, mais je pense que l’on a un travail à faire et cesser de nous dévaloriser par des figures de style éculées.
Bref, il y en marre des tapettes.
PS. Et que l’on ne me fasse pas des leçons d’homo-normalité… Le milieu gai, je connais. Mon premier boulot rémunéré, c’était photographe au Gai Pied, les boites, les bars, j’ai pratiqué, le sida, je l’ai vécu, et j’ai même travaillé pendant plus d’un an pour Têtu… Et quand je vois ce que c’est devenu, je ne regrette (vraiment) pas d’avoir quitté. Et quand bien même, aurais-je besoin de me justifier dans mon jugement sur ces pédales qui ne vivent, comme d’autres, leur navrante existence que par le sentiment d’une éventuelle transgression qui les émoustille et leur donne la fatuité de se croire différent(e) ?
PS bis. Ce que je veux dire, mais j’ai le sentiment de mal m’exprimer, c’est qu’à entretenir des préjugés dévalorisants, sous prétexte de l’affirmation d’une soi-disante identité gaie, nous nous enfermons dans un stéréotype sans avenir.
J’ai toujours vécu avec le sida, alors même qu’il ne portait pas encore ce nom acronyme à la sonorité étrange. Il a accompagné ma vie d’adulte et l’a balisé de ponctuations tragiques.
L’été de mes dix-sept ans, en vacances sur la Côte d’Azur, j’assumais enfin pleinement mon homosexualité et je rencontrais le premier homme avec qui j’entretiendrais une relation stable, Jean D.
Mais déjà, les magazines racoleurs titraient au dessus de photos ignobles “le cancer gay”. Nous ne nous inquiétions guère, c’était si loin, c’était aux États-Unis. Juste une ombre confuse qui ne saurait troubler cet été dédié au soleil, au sexe et à la mer.
Pourtant, Jean D. revenait de New York. Cadre dans une multinationale de la lessive et du savon, il avait été muté quelques années aux États-Unis. Il me racontait la débauche et la frénésie qui semblait régner ces années-là dans la grosse pomme. C’était le rêve américain… À côté, la vie homo à Paris semblait provinciale. Le quartier gay, c’était encore la rue Saint-Anne avec sa petite dizaine d’établissements, cet étrange mélange de prostitution et de paillettes, où un mineur toxico en fin de parcours, vendant le peu qu’il lui restait de dignité, pouvait croiser Diana Ross ou Eartha Kitt sortant du Sept de Fabrice Emaer. Rétrospectivement, tout cela était un peu minable, mais cette époque était celle de ma jeunesse et j’en garde une certaine nostalgie. Et surtout, c’était avant que la chape de plomb des années sida ne s’abatte sur nous. C’était les derniers feux d’artifice d’une période totalement révolue. Très rapidement, le cancer gay est devenu une réalité tangible, autre qu’une vague menace outre-Atlantique.
Alors, je suis rentré dans la dénégation. Je changeais de chaîne quand on en parlait à la télé, j’évitais les rares connaissances que je craignais d’être séropositives. Je voulais continuer à vivre sur ma lancée, fuir cette réalité sombre et angoissante. Ma jeunesse égocentrique était toute dédiée au plaisir et au divertissement. Il y avait bien le copain du pianiste, que j’étais obligé de côtoyer, qui dépérissait de semaine en semaine; je faisais semblant de ne pas m’en apercevoir et il ne m’est même pas venu à l’idée de m’inquiéter de sa mort. Je ne voulais pas que ce genre de détail sordide vienne déparer le tableau artificiel et chatoyant de la vie rêvée que je souhaitais me construire.
Mais la réalité est têtue. Elle vous rattrape toujours et si vous avez couru pour lui échapper, la claque en retour n’en est que plus vive. Mon carnet d’adresses et de relations est devenu, en l’espace de très peu de temps, un véritable cimetière, pas une page sans un nom biffé avec plus ou moins de rage au coeur. Une hécatombe. Mon monde tombait en morceaux, mon paysage se décomposait, ma famille d’adoption était décimée, l’obscurité commençait à m’encercler. Je réalisais que j’étais seul au monde. Et enfin, la maturité naissante aidant, j’étais prêt à l’amour. Je sortais de mon cocon égoïste, j’ouvrais peu à peu les portes et l’idée du don de soi prenait corps.
Je suis donc tombé amoureux, entièrement, follement, à m’en brûler. Il avait tout pour me séduire, une part de mystère et l’amour des mots. Il me fascinait, il s’appelait Marc. J’étais aveugle.
Il a attendu un mois avant de me le dire et ses paroles m’ont sidéré, décomposé. À les entendre, je me sentais m’effondrer intérieurement. Il avait le sida. Non, non, pas simplement séropositif. Il avait le sida depuis plusieurs années, ses CD4 étaient indétectables.
C’en était trop. J’ai pleuré. Il m’a dit durement “tu pleures sur toi-même” et il avait raison.
Plus jeune, je m’en serais allé immédiatement. Mais je suis resté, pour le meilleur, comme pour le pire, et ma vie en fut irrémédiablement changée, sur ses bases les plus profondes, pour ne pas dire ravagée de fond en comble.
Inévitablement, l’année irréparable devait arriver. Je me souviens avec précision du sentiment éprouvé à voir les bourgeons éclater au printemps tout en sachant que ces feuilles naissantes auraient probablement une durée de vie plus longue que celle de l’homme de ma vie, et qu’avec certitude ce serait son dernier printemps.
Il est mort en décembre, un peu avant Noël, à la fin d’un long parcours de déchéances successives. J’ai hurlé ma haine de ce monde cruel en serrant son corps inerte dans mes bras. Puis est venu le temps de la douleur.
Le sida a profondément marqué ma vie. Il en a fait ses grandes orientations, l’a ponctué d’événements, et modifié en profondeur ma façon de voir les choses et de vivre. Peut-être fut-il aussi pour moi une grâce, certes douloureuse, mais au combien édifiante. Je sais que je peux choquer en disant cela, mais je pense que l’homme se construit au grè d’épreuves surmontées et dépassées. Le sida a fait de moi un homme meilleur. Mais, putain, dans la douleur.
2004. Les huit dixièmes des gens que j’ai connus entre 1983 et 1995 sont aujourd’hui morts. Je me fais l’effet d’un ancien combattant d’une terrible guerre. Je ne comprends toujours pas comment j’ai fait pour passer au travers. Et j’ai mis beaucoup de temps pour échapper à la culpabilité du survivant. Que dire alors quand je vois des récents sondages sur les pratiques du sexe sans risques, notamment chez les jeunes, sinon : à quoi ont servi tous ces morts, à quoi ont servi tous ses combats et toute cette énergie ? Dans nos sociétés occidentales, c’est maintenant la saison du relapse et de l’inconscience, en partie à cause des poly-thérapies que l’on croit, à tort, efficaces à 100 %.
Le cynisme de l’épidémie se poursuit aujourd’hui : la mort de pédés blancs, cela ne concernait déjà pas grand monde, mais quand maintenant cela décime les nègres en Afrique, c’est la démobilisation générale. Comme quoi, le sida fut et est encore le révélateur des failles profondes de nos sociétés. On peut même mettre cela en équation : 1 hétéro blanc = 10 pédés blancs = 1000 nègres. Toute une échelle de valeurs.
D’ailleurs, le sida, vous n’avez plus qu’une journée pour y penser, et c’est aujourd’hui.
Une date attendue de plus en plus fébrilement. Le 11 décembre prochain, c’est le retour du lapin à Paris pour un mois.
En attendant, il me reste à faire le ménage, l’appartement ayant retrouvé des allures de tanière de célibataire…
“embruns”, journal de bord | fins produits hypertextuels depuis 1996 | valid. | © 2010 laurent gloaguen.